On n'a rarement vu un candidat qui suscitait spontanément un tel rejet. Ses discours sur le ministère de l'immigration et de l'identité nationale, les gènes ou son rejet viscéral de Mai 68. Pour ce dernier, il a même employé le verbe "liquider"... Il faut remonter à la France de Vichy évoquant le front populaire ou la droite maurrasienne au sujet de 1789 pour entendre un leader de la droite s'exprimer ainsi sur un événement historique. Il ne s'agit pas de défendre Mai 68 qui a eu sans doute des effets néfastes, mais rejeter en bloc cet événement et ses conséquences, nous semble dénué de toute mesure : conquête de nouveaux droits sociaux pour les salariés, massification de l'enseignement supérieur, affirmation de la place des femmes dans la société, etc. Jeter l'anathème sur Mai 68 et le désigner en bouc émissaire des maux de notre société relève soit d'une idéologie ou d'une analyse extrêmement simpliste, soit d'une stratégie purement électoraliste. Par exemple, rendre responsable Mai 68 des dérives du capitalisme moderne (cf. parachutes en or) ressemble à du cynisme lorsque l'on sait que l'UMP a récemment rejeté une proposition de loi visant à interdire cette pratique scandaleuse qui récompense l'incompétence des patrons.
Cette stratégie permet à Sarkozy d'occuper le devant de la scène en organisant sciemment le scandale (provocation puis victimisation) pour occulter son bilan et les aspects les plus ultra-libéraux de son programme. Face à un tel animal politique, le défi ne s'annonçait pas simple à relever. C'est pourtant ce que Ségolène Royal a réussi dans ce débat. Elle a dévoilé calmement le double jeu malsain et le double langage de Sarkozy, notamment sur l'accueil des enfants handicapés à l'école (supprimé par les gouvernements Raffarin et Villepin), puis expliqué avec pédagogie la cohérence de son pacte présidentiel pour les cinq années à venir. Elle a démontré qu'elle avait les qualités que l'on attend d'un chef d'Etat : un projet pour le pays, le sens de l'écoute et des responsabilités, le calme et la détermination.