Je le trancherai, je le renverserai, je le romprai, je le ferai dégringoler.
D'un coup dégorgeant ma misérable pudeur, mes misérables combinaisons et enchaînements "de fil en aiguille"
Vide de l'abcès d'être quelqu'un, je boirai à nouveau l'espace nourricier.
A coups de ridicule, de déchéances (qu'est-ce que la déchéance?), par éclatement.
Par vide, par une totale dissipation-dérision-purgation, j'expulserai de moi la forme qu'on croyait si bien attachée, composée, coordonnée, assortie à mon entourage
Et à mes semblables, si dignes, si dignes mes semblables.
Réduit à une humilité de catastrophe, à un nivellement parfait comme après une immense trouille.
Ramené au-dessous de toute mesure à mon rang réel, au rang infime que je ne sais quelle idée-ambition m'avait fait déserter.
Anéanti quant à la hauteur, quant à l'estime.
Perdu en un endroit lointain (ou même pas), sans nom, sans identité.
CLOWN, abattant dans la risée, dans l'esclaffement, dans le grotesque, le sens que toute lumière je m'étais fait de mon importance.
Je plongerai.
Sans bourse dans l'infini-esprit sous-jacent ouvert à tous, ouvert moi-même à une nouvelle et incroyable rosée.
A force d'être nul
Et ras
Et risible...
Clown.
(Henri Michaux)
Commentaires
ça sur le net… tu m'impressionnes
Merci, mais il n'y a rien d'impressionnant à publier un texte qu'on aime bien..
Beau !
merci Romain
Dire le monde, le re-présenter à lui-même sans jamais être pris au sérieux et donc sans jamais pouvoir tisser les liens que le clown espèrerait... un poème de catharsis...
Les photos de (street art ? street boards ? Je ne sais pas) que tu intercales dans ce poème sont superbes. Elles illustrent parfaitement cette tragédie du clown. Ce qui est étonnant, c'est que tu aies réussi (volontairement ?) à trouver des clowns à qui l'on a retiré quelque chose, exactement cette "castration" symbolique que suggère Michaux. Le front du premier, la bouche du second, les "parties" (quelle pudeur ;) ) du troisième, les oreilles puis le bas du corps. Le clown est toujours incomplet. Toujours, parce qu'il reflète le monde. Et c'est pour cela qu'il nous est nécessaire...
Tu es sacrément observatrice. J'ai trouvé ces clowns au hasard de mes pas...