Par-delà des vagues de toits, j’aperçois une femme mûre, ridée déjà, pauvre, toujours penchée sur quelque chose, et qui ne sort jamais. Avec son visage, avec son vêtement, avec son geste, avec presque rien, j’ai refait l’histoire de cette femme, ou plutôt sa légende, et quelquefois je me la raconte à moi-même en pleurant.
Si c’eût été un pauvre vieux homme, j’aurais refait la sienne tout aussi aisément.
Et je me couche, fier d’avoir vécu et souffert dans d’autres que moi-même.
Peut-être me direz-vous : « Es-tu sûr que cette légende soit la vraie ? » Qu’importe ce que peut être la réalité placée hors de moi, si elle m’a aidé à vivre, à sentir que je suis et ce que je suis ?
Charles Baudelaire
Commentaires
"quel est celui de nous qui n'a pas,dans ses jours d'ambition,revé le miracle d'une prose poetique,musicale sans rythme et sans rime,assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'ame,aux ondulations de la reverie,aux soubresauts de la conscience?" C.B.
le spleen...
D'où viennent ces images ?
Ce sont des photographies ?
Pour la première, je ne vois pas comment, pour la deuxième, on dirait un diptyque, mais peut-être une photo.
Baudelaire, oui, bien sûr. Et tu trouverais bien des choses dans "Mon coeur mis à nu".