Rosa blanca (B Traven)

un léger décalage...

Billet

« Pour ne pas donner aux prolétaires le goût des plaisirs et les inciter ainsi à réclamer des salaires toujours plus élevés et une part sur les bénéfices de l'exploitation, il faut persuader le public que le grand capitaliste qui, de l'avis des agitateurs, s'engraisse de la sueur du peuple, est un modèle de moralité, d'économie et que nul plus que lui ne respecte les lois. »

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Attention, Rosa Blanca ne compte pas parmi les chefs d'oeuvre de la rentrée littéraire, il n'empêche qu'aucun d'entre eux ne lui arrive probablement à la cheville. C'est un condensé d'humanité et d'histoire.

« La compagnie encaissait et encaissait sans cesse. Elle n'avait pas de dépenses. toutes les dépenses étaient pour le syndicat des mineurs dont les caisses si bien approvisionnées furent vidées jusqu'au dernier cent. Seul avait des dépenses le prolétariat qui faisait collecte sur collecte en maugréant et en pestant, mais qui quêtait quand même pour les mineurs affamés. Les rois font la guerre, et c'est le prolétariat qui verse son sang et qui meurt. »

Traven décrit deux mondes, l'un ancien qui s'éteint et l'autre en pleine expansion. Il narre la vie d'un paisible propriétaire d'une hacienda où travaillent et vivent des familles de génération en génération. Une compagnie pétrolière dirigée par un capitaliste sans état d'âme, l'autre principal personnage, convoite cette hacienda au milieu de terres déjà ravagées par l'exploitation pétrolière. Deux époques, deux modes de vie cohabitent, l'un indien et l'autre occidental. Deux pays, le Mexique et les Etats-Unis, et surtout deux personnes qui ne peuvent s'entendre. Entre les deux, un gouverneur local d'origine indienne essaie de préserver les intérêts de son compatriote sans se risquer à déclencher un conflit avec la puissance impériale.

«Il n'avait plus besoin des ouvriers. Ceux-ci n'avaient été que des pions sur l'échiquier. Pis encore. Même un pion sait qu'il est un pion. Mais les ouvriers ne savaient pas, et jusqu'à présent, ils ne l'ont pas appris, qu'ils n'étaient que des pions poussés ça et là (...). Ils clamèrent qu'ils avaient gagné la bataille lorsqu'il leur fut permis de retourner dans les mines; grâce à la grève, leur salaire n'était que diminué que de dix pour cent et on leur laissait leur syndicat pour leur servir d'amusette.»

Contrairement à ce que pourraient laisser entrevoir les trois citations, Traven n'a pas écrit une charge contre le capitalisme avec maintes démonstrations et déclarations péremptoires. Il raconte une histoire dans l'Histoire dont les ressemblances avec le temps présent sont très troublantes et instructives. A travers ses personnages, il décrit les ressorts d'un système impitoyable qui planifie ses propres crises, rejette sa responsabilité sur ceux qu'il exploite avec l'aide des médias et du gouvernement, et qui au final obtient davantage de profils.

Un roman passionnant.

Commentaires

1. Le mercredi 10 octobre 2012, 23:04 par Un partageux

De Traven je te recommande vivement "La révolte des pendus", une histoire qui met en scène ce que l'on nomme "travail lié" en anglais et "esclavage moderne" en français.