Le camion (Per Wahlöö)

un léger décalage...

Billet

Ce roman se déroule dans l'Espagne de Franco dans les années 50. Les touristes viennent se faire dorer la couâne et profiter de la mer... La police est tolérante avec eux, le régime a besoin de leurs devises.

« La plupart des gens font exactement les mêmes choses, qu'ils vivent dans une démocratie idéale ou une tyrannie. la différence est très mince au quotidien. Les gens travaillent, mangent, baisent, vont se coucher fatigués le soir et se lèvent encore plus fatigués le matin. Le samedi ils vont se saouler ou restent à la maison écouter la radio, ou encore sortent faire une promenade. On ne s'occupe pas de politique et c'est pour ça qu'on peut vivre ici. Mais ça n'empêche qu'on sait très bien ce qui ne va pas. »

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Willi, le principal protagoniste est un allemand de l'est, ancien des jeunes hitlériennes, qui n'est pas revenu indemne de la guerre. C'est un solitaire qui vivote en vendant quelques toiles et qui s'est lié d'amitié avec un couple de vacanciers norvégiens. Une vie d'ennui entre baignades et virées alcoolisées dans le port catalan alors qu'à quelques kilomètres de là les mineurs prisonniers politiques prennent les armes. Pendant la répression, une chape de plomb s'abat sur la région. L'électricité et les communications sont coupées, rien ne filtre... La population ne se doute de rien ou fait semblant devant ces cars de la police spéciale qui traversent le village. Elle subit la misère, l'ordre social et religieux, et surtout la surveillance policière.

« La prochaine, faudra que d'autres tiennent le coup, des plus jeunes qui en savent plus long. On a tenu une année entière et on a foutu sur la gueule à ces salauds-là pas mal de fois, malgré leurs avions et leurs bombes et leurs tanks. Moi, j'ai été fait prisonnier et, à la fin de la guerre, je ne suis pas rentré chez moi. Ça faisait rien parce qu'ils étaient presque tous morts, mais on aurait bien voulu quand même. Ensuite, ils m'ont enfermé à Formentera pendant six ans, dans une mine de sel. On fait pas ça plusieurs fois, dans sa vie, même si on meurt toujours de faim et si on est obligé de voir ces salauds-là dans la rue. »

Un jour, les amis de Willi disparaissent en mer lors d'une croisière. Les deux marins-pêcheurs, avec qui ils étaient partis, sont lavés de tout soupçon, ce qui ne l'empêche pas de les considérer, à raison, comme les assassins. Il se promet de les venger.

« Par moments, ses réflexions étaient confuses et indisciplinées. les événements de la journée lui avaient certes apporté un certain nombre de faits nouveaux et des pistes, mais il était hors d'état d'y mettre de l'ordre et de les suivre. Rien ne cadrait plus avec le schéma qu'il avait conçu et auquel il s'était longtemps tenu. L'équation n'était pas exacte, alors qu'elle aurait dû l'être, et, par voie de conséquence, l'existence refusait de paraître simple et facile. »

Suspecté par les autorités locales d'être un agent communiste, d'interrogatoire en interrogatoire se noue une étrange relation avec l'officier de la garde civile qui pense que Willi a acheminé des armes aux mineurs, tandis que ce dernier croit qu'il est soupçonné d'avoir fait disparaître un des deux marins-pêcheurs... Se noue aussi une étrange relation avec l'un des tueurs. Les deux savent que l'autre a tué, et pourtant... Le roman prend alors une dimension politique et quasiment philosophique.

A lire...

Commentaires

1. Le jeudi 9 mai 2013, 15:15 par jacques garreau

je sais pas si tu connais Eduardo Mendoza mais ces quelques lignes me font penser a lui,du policier sous franco avec des personnages,des vrais....

2. Le jeudi 9 mai 2013, 16:47 par des pas perdus

Je note et j'irais en emprunter un à la bibliothèque. Un livre de lui à me conseiller en particulier ?

3. Le jeudi 9 mai 2013, 16:54 par GdeC

Voilà une suggestion de lecture pertinente au lendemain du 8 mai et de la nécessaire lutte éternelle contre les forces du mal... Nos billets ne sont donc, malgré les apparences, pas si éloignés l'un de l'autre.

4. Le jeudi 9 mai 2013, 19:43 par Annie

noté. Tu me fais penser qu'il faut que je parle du dernier livre qui m'a tant plu… (je suis de plus en plus exigeante avec les livres)

5. Le vendredi 10 mai 2013, 10:46 par des pas perdus

Il y a souvent des convergences GdeC ;-)

Annie, c'est peut-être dans ce partage là que les blogs sont utiles...

6. Le vendredi 10 mai 2013, 15:33 par jacques garreau

moi j'ai adoré la ville des prodiges de mendoza,mais vu sa production,tu n'as que l'embarras du choix,il écrit depuis 45 ans,apres je suis dingue de littérature espagnole et "sudaca",donc j'ai tout lu de Mendoza et de beaucoup d'autres...en tout cas ta petite page littéraire m'a emmené a auckland et j'ai adoré...

7. Le vendredi 10 mai 2013, 17:43 par des pas perdus

je note au cas où...