Ouverture dominicale des magasins de bricolage; une décision provisoire ?

un léger décalage...

Billet

Le 10 avril, le conseil d'Etat a estimé qu'il n'y avait pas de doute sérieux sur la légalité du décret n° 2014-302 du 7 mars 2014 portant inscription des établissements de commerce de détail du bricolage sur la liste des établissements pouvant déroger à la règle du repos dominical. Cette décision est PROVISOIRE car elle a été prise dans le cadre spécial d'un référé-suspension. Le juge devra statuer plus tard sur le fond.

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A l'origine, le premier décret Ayrault relatif à l'autorisation de l'ouverture dominicale des magasins de bricolage avait été principalement suspendu en raison de son caractère provisoire. Si le dernier décret ne présente plus ce vice, la présente décision n'en demeure pas moins étonnante.

En l'occurrence, le juge a considéré que l'ouverture dominicale des magasins de bricolage répond à un besoin au sens de l’article L. 3132-12 du code du travail :

« il existe un besoin du public le dimanche (qu’il s’agisse d’un besoin existant tous les jours de la semaine, y compris le dimanche, ou d’un besoin propre au dimanche) et, d’autre part, qu’il soit nécessaire d’y satisfaire par l’ouverture, ce jour-là, d’une certaine catégorie d’établissements. »

S'il ne fait aucun doute que le bricolage constitue un réel besoin des ménages, en particulier ceux des classes populaires et moyennes, pour réduire le coût de certains travaux, il n'en demeure pas moins, d'une part, qu'acheter des biens dans un magasin de bricolage le dimanche et, d'autre part, que bricoler le dimanche sont deux actes parfaitement distincts.

En liant ces deux actes, le juge fait erreur. L'interdiction d'ouvrir le dimanche n'empêche pas de bricoler. Il s'agit juste d'une question d'organisation. Et que je sache, les magasins de bricolage ferment leurs portes bien au-delà des horaires de bureau en semaine. Et qui a déjà bricolé, sait pertinemment qu'on ne s'y prend pas à la dernière minute et sur un coup de tête, surtout quand il s'agit de travaux qui demandent un minimum de programmation pour concevoir, s'organiser et économiser préalablement à l'étape des achats.

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De plus, même en validant l'analyse du juge administratif selon laquelle l'acte de bricolage est lié à l'acte d'achat le jour même, l'autorisation d'ouvrir le dimanche est encore moins pertinente. En effet, le bricolage est limité par les dispositions des articles R.1334-31 et suivants du Code de la santé publique relatives au tapage diurne. De plus, des arrêtés municipaux ou préfectoraux limitent strictement l'usage des outils de bricolage le dimanche, le plus souvent de 10 heures à midi, pour respecter la tranquillité du voisinage. Si le bricolage est limité le dimanche, voire quasiment interdit, pourquoi autoriser l'ouverture dominicale puisque acheter et bricoler sont liés selon le juge ?

Enfin, si j'en crois l'article disponible sur le site du conseil d'Etat, le juge a fondé son analyse sur des enquêtes d'opinion, c'est-à-dire des sondages qui ont été réalisés à la demande des enseignes de bricolage pour donner du grain à moudre aux médias dominants à des fins de manipulation de l'opinion. Dans ces conditions, il est pour le moins étonnant que ces sondages, dont on ne dénoncera jamais assez l'opacité et l'absence de rigueur scientifique, aient influencé le juge...

Toujours est-il que cette décision est une victoire PROVISOIRE des partisans de la banalisation du travail dominical et de la fin de la règle du repos dominical. D'ailleurs, signe qui ne trompe pas, je n'ai eu aucun mal à trouver une bonne dizaine d'articles via les moteurs de recherche. Je vous recommande la lecture d'un article paru dans Matin.fr qui est un modèle de propagande dominante...

Pour conclure, que dire de plus, sinon que cette nouvelle avancée de la banalisation dominicale, synonyme de régression sociale, est à inscrire au passif de Hollande et de sa majorité ?

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Commentaires

1. Le lundi 14 avril 2014, 07:08 par Lou de Libellus

Je sais que tu adooores les images avec les mains : - )
http://www.lepoint.fr/images/2014/0...

Tiens, Jean de La Morellerie a été censuré une fois de plus sur lefigaro.fr pour avoir dit que monsieur Dassault ne serait pas inquiété pour sa production d'armes de destruction massive.
Il est d'un naïf, ce champignon !
http://www.lefigaro.fr/vox/histoire...
C'était en réponse à Jean-Pierre Ponthus (maintenu dans les commentaires), mon correspondant de guerre à Valognes. Il est plus malin, lui.

Tu as vu mon album 'Belleville', en réponse à ton dernier commentaire ?

2. Le lundi 14 avril 2014, 08:23 par des pas perdus

Pas vu l'album en découvrant ta prose. Mais je compte y aller. Cela me fait penser que je pourrai publier quelques images samedi de Belleville.
Merci pour le lien de l'interview.

3. Le mardi 15 avril 2014, 08:54 par Lou de Libellus

Je croyais avoir donné le lien auparavant.
C'est ici :
http://www.libellus-libellus.fr/alb...

4. Le mardi 15 avril 2014, 09:04 par Lou de Libellus

C'était dans ma réponse en commentaires.
Avec le texte !
"Si tu pars du haut, tu pourras te faire un petit café à l'enseigne du Front de Gauche. Plus loin, le Front de Gauche, encore, mais comme il est écrit sur l'immeuble : il faut se méfier des mots. En cours de route, tu seras passé devant l'église : on voit bien l'appareil photo, sur le toit de la voiture. Au terme de la randonnée, on se fera un bisou façon Mini-Panda (si c'est une Panda...) devant le Vieux Saumur, et on conclura aux Folies, whaouuuh !"

5. Le mardi 15 avril 2014, 18:02 par des pas perdus

Merci pour le lien !

6. Le mardi 15 avril 2014, 18:05 par des pas perdus

Dommage, on ne peut pas commenter. Je reconnais certains lieux : se méfier des mots...

7. Le mercredi 16 avril 2014, 09:10 par Lou de Libellus

Mais si, on peut commenter, après ma réponse dans l'article sur 'La chambre d'Hannah'.

8. Le mercredi 16 avril 2014, 17:33 par des pas perdus

Certes, certes...

9. Le samedi 19 avril 2014, 21:46 par Le Gentil

Disons :
1° Que c'est une décision bricolée, comme le décret lui-même, puisqu'il a fallu le rafistoler. Ce n'est pas une nouveauté. En 1993 déjà,Jean-Claude Milner soulignait "le fait avéré que les gouvernements, depuis 1981 avènement de la mitterrandie, ont étalé la plus grande incapacité juridique. Difficile de mentionner une loi qui tienne la route. La plupart ont été rédigées de manière grossière; insuffisamment pensées, techniquement malhabiles, elles permettent les interprétations les pires. Au lieu que des obstacles aient été dressés devant l'arbitraire administratif et les obstacles de l'opinion, ils ont au contraire été presque systématiquement abaissés." ("L'archéologie d'un échec", p. 104).
2° Que le juge administratif prépare surtout la réouverture des maisons closes au moins le dimanche, car, "s'il ne fait aucun doute que le bricolage mais là, il faut s'entendreconstitue un réel besoin des ménages nous nous entendons", il faut penser à tous les sans-ménage (pas forcément des branleurs, mais...)qui sont dans ce besoin de "bricoler", besoin qu'il est nécessaire de "satisfaire par l'ouverture, ce jour-là, d'une certaine catégorie d'établissements".
3° Qu'il faut liquider les PME (autant de canards boiteux de l'économie)et que le bricoleur est le fossoyeur naturel du besogneux artisan qui vit de planter des clous ou de l'agencement des prises mâles et femelles. Ah, nous revoilà à "bricoler".

10. Le samedi 19 avril 2014, 21:50 par Le Gentil

Ach, ce blog ne reproduit pas les crochets...Nos lecteurs les rétabliront d'eux-mêmes ("avènement de la mittarrandie", "mais là il faut s'entendre" "nous nous entendons").

11. Le dimanche 20 avril 2014, 05:19 par Lou de Libellus

Seigneur ! Mon Dieu ! Le Gentil est sur Des pas !
Oui, Des pas, il a vu ton nom dans les commentaires sur Libellus. Tu es mouillé. Tu veux une cellule psychologique ?

En fait, Le Gentil est très gentil, il te suffit de surveiller ta ponctuation.
"Manuel Valls au CRIF !", ce n'est pas la même chose que : "Manuel Valls, au CRIF, a dîné d'un dodu dindon."
Si on enlève deux virgules (Le Gentil est accro aux virgules), le sens n'est plus le même.

Bon courage, Des pas, nous sommes avec vous.

(entre crochets... eh oui ! chez Des pas, les crochets disparaissent et font place à un hyperlien, qui n'est pas un lien... entre parenthèses - puisque -, Le Gentil, qui ne s'est pas présenté, par humilité, en ce samedi saint, est professeur de lettres classiques, à la retraite - ça te rappelle quelqu'un ? -, et toujours sur le métier - il est incollable sur... tout, c'est bien simple)

12. Le dimanche 20 avril 2014, 11:19 par Le Gentil

Pour confirmation, taper "bricolage drague" et c'est une avalanche (les bandits manchots) qui commence très fort : "Monique te voit venir petit coquin avec tes gros sabots et ta salopette bleue." Mais ce n'est pas à Lou que Monique s'adresse...

13. Le dimanche 20 avril 2014, 17:44 par Lou de Libellus

C'est pourtant vrai. Le progrès... mais ça ne date pas d'hier.
Depuis Einstein, nous voyons le monde conique, comme Lesaffre (tu as dû le connaître) se plaisait à le rappeler à Georges, dont la femme s'appelait Monique.
Lesaffre, transcendant satrape, professeur de philosophie à Cherbourg, avait sa table réservée tous les soirs dans ce café sur le port qui fermait tard (le café).
Il faisait livrer son eau de vie de prune (la sienne à lui) au café. Il commençait par un flacon, en apéritif. Et deux et trois flacons, parce que les attablés étaient invités à partager (il aurait été impoli de refuser).
Te rappelles-tu le jour où il est allé en cours, en culottes de golf comme Tintin, en traînant une laisse au collier de laquelle était attachée une brosse à dent ?
Les élèves bien rangés, on entre, le professeur s'installe à son bureau.
_ Tu bouges pas, Médor, tu nous fais pas chier.
Ensuite, une heure de cours - ce jour-là, c'était la philosophie de l'histoire de Hegel.
Fin du cours. Lesaffre détache la bête, mise à la niche sous le bureau, et dit à sa classe :
_ Vous voyez, il nous a pas fait chier aujourd'hui.

Dans la rue, personne ne disait rien. En classe, il était fort estimé. Une autre époque.

Dans les années 1980, il a été chahuté. Les Terminales A ne s'intéressaient plus à la philosophie.

(si on t'ennuie, entre crochets, Des pas, tu le dis : - )

14. Le lundi 21 avril 2014, 08:43 par des pas perdus

Le Gentil, déplorer la baisse de niveau du législateur depuis 1961 pour suggérer la réouverture des maisons closes, comment dire ? S'il y a un lien de causalité...

Lou, et pourquoi pas la camisole psychologique ?

15. Le mardi 22 avril 2014, 12:53 par Le Gentil

Comment dire ? Comme cette grande page de publicité Leclerc dans la presse locale de ce jour : "Ils y ont goûté et ils ne peuvent plus s'en passer" Un couple, un arbre, la nature. Lui, "Sylvain Viard, producteur de produits laitiers à Moyon"; elle, "Isabelle Laisney Latouche, propriétaire du centre E. Leclerc de Bayeux". Il y eut aussi "Pour chacun, la perle rare, c'est l'autre", car il ne faut pas ségréguer les chacuns. Lui, "Anthony Rousseau, ostréiculteur à l'Houmeau"; et lui -un lui relui-, "Paul Flogeac, propriétaire des centres E. Leclerc de l'agglomération rochelaise". Ils "se sont associés en 2012". Ainsi va la vie...Quant à la causalité...