Gagner à en mourir (PL Basse)

un léger décalage...

Billet

« En revoyant toutes ces images, je me demande si la chevauchée fantastique de Piazza, puis le but de Revelli ne symbolisent pas à eux seuls l'évolution de l'Europe, et surtout la déroute du communisme dans les années qui suivirent cette rencontre. Moi, je m'accrochais à Kiev, et je commençais surtout à me demander, dans mes petits moments de solitude, ce qui pouvait bien me rattacher à l'histoire de cette équipe. »

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Issu d'une famille communiste dont les grands-parents survécurent à la déportation, Pierre-Louis Basse, enfant, est déçu par l’élimination d'Oleg Blokhine et ses camarades du Dynamo de Kiev par l’équipe mythique de Saint-Etienne en coupe d'Europe des clubs champions. Quelques années plus tard, l’auteur apprend qu’un match s'est déroulé à Kiev, le 9 août 1942 dans des circonstances inimaginables.

« Je voudrais tant que ce livre ne ressemble pas seulement à une enquête minutieuse. Mais qu’il soit capable, au bout du chemin, de faire le lien entre une distraction qui a sans doute échappé aux forces d’occupation et ce souffle d’horreurs que l’Histoire finit par oublier. »

Ce récit d'une centaine de pages relate le contexte de ce match opposant une équipe ukrainienne, composée en majeure partie d’anciens joueurs du Dynamo de Kiev, et une sélection allemande, alors qu’au même moment, les troupes allemandes sont lancées à l’assaut de Moscou et qu’à l’arrière elles commettent des meurtres de masse contre les juifs et tout ce qui s’apparente à un bolchevik. C'est aussi une réflexion sur le présent et le passé, l'enfance et l'âge adulte, le sport et la politique.

« Oui, j’ai aimé le football comme on aime son enfance. Avec insouciance et regret, car nous passons une partie non négligeable de notre vie à regretter cette enfance. Jouets et tendres crampons qu’il fallut oublier dans les chambres que nous allions abandonner. D’autres aventures nous attendaient dans le monde des adultes. Je n’ai jamais cessé de croire – au nom de cette passion pour l’enfance – que le football n’était rien d’autre que le merveilleux prolongement de cette époque »

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Après avoir subi la collectivisation et la famine planifiées par Staline, les Ukrainiens ont d'abord accueilli à bras ouverts les nazis, avant de vite déchanter puisque les allemands les considéraient et les traitaient comme une race de sous-hommes. Par conséquent, le match du 9 août 1942 dépassait le simple enjeu sportif.

« Le présent m’ennuie. Il ne réclame que des victoires et des performances. Tant de mensonges aussi. Non pas que le passé fut glorieux. Mais le passé nous oblige à aimer notre mémoire. A nous approcher au plus près de ceux et celles qui l’ont vécue. Au risque d’être trompé sur la marchandise. »

Les nazis voulaient démontrer en tout lieu et en toute circonstance la supériorité de la race aryenne. Aussi, ont-ils organisé un championnat de football dans les territoires occupés. C'est dans ce contexte que cette équipe ukrainienne, de bric et de broc, a affronté une sélection allemande et l'a emporté 5-3. Cette victoire est encore dans les mémoires parce qu'elle a redonné espoir à un peuple qui vivait une tragédie. [1]

« C’était une histoire qui n’avait cessé de me hanter, au fil des ans, sans que je parvienne à réunir l’ensemble du puzzle inouï. Une histoire de football, privée d’images et de caméra embarquée. Une histoire de dribbleurs fous et insouciants qui avaient préféré la mort à un match arrangé. »

Un livre que les footeux et les autres apprécieront, forcément...

Note

[1] Pour en savoir plus : FC Start, la victoire et la mort

Commentaires

1. Le jeudi 4 décembre 2014, 09:05 par Lou de Libellus

"la collectivisation et la famine planifiées"
En 1978, j'ai fait un repas de rêve dans un kolkhoze ukrainien. Les hôtes n'avaient pas l'air affamés. Nous avons tout visité, les vaches étaient grasses.

Il me semble avoir lu qu'en 1914, il y a eu des réveillons de Noël en tranchée "neutre", Français et Allemands réunis. Mais ça n'a pas duré.

2. Le jeudi 4 décembre 2014, 13:00 par des pas perdus

C'était le kolkhoze Potemkine... Tu accompagnais Georges?

J'ai eu vent de cela aussi, la fraternisation...

3. Le jeudi 4 décembre 2014, 18:31 par Lou de Libellus

Je n'ai même pas été compagnon de route. J'étais avec une charmante attachée de la Sécurité Sociale - c'était un voyage organisé mixte, socialement parlant, et j'ai l'esprit social, surtout quand elle est charmante, cheveux longs déliés, avec des lunettes.
J'ai toujours eu un faible pour les femmes myopes. Pourquoi ?

Depuis le train (deux nuits de rêve dans le Transsibérien - j'avais viré du compartiment les trois militants cocos vers le compartiment d'à côté où ils avaient des frères militants, tristes, et malades - ils ne digéraient pas le bortsch, pourtant excellent), et à pied, près d'Irkoutsk, on a vu des villages pauvres, comme dans les campagnes françaises des années '50, la maison en bois au lieu du tuffeau.

Tu sais que j'ai failli me faire pincer par la redoutable Gestapo soviétique et transsibérienne ? Je suis allé chercher deux tasses de thé (ils faisaient un thé extraordinaire) dans un autre wagon ! On cloisonnait, les touristes avaient leur salon de thé, mais pas avant sept heures.
Une charmante faminée nous a apporté un plateau de thé, avec du raisin frais et des biscuits. Les Russes ont beaucoup souffert en ce temps-là.

4. Le jeudi 4 décembre 2014, 18:36 par des pas perdus

Tu devrais écrire tes carnets de voyage... J'ai l'impression que c'était des vacances assez physiques...

5. Le vendredi 5 décembre 2014, 10:51 par Lou de Libellus

L'ascension au sommet surplombant le lac Baïkal demandait quelques ressources. Quand on est jeune...

6. Le vendredi 5 décembre 2014, 18:41 par des pas perdus

Quelques ressources et quelque motivation...