Amour, compétitivité, austérité, etc

un léger décalage...

Billet

Aujourd'hui, c'est mon anniversaire : 71 ans au compteur !

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Je ne me plains pas.

Je l'ai fêté avec les collègues, à la pause de midi, entre 16h et 16h 20. Ils m'ont offert un jambon beurre. Oui le dimanche, la pause est plus longue parce qu'il y a moins de clients qu'en semaine . Le patron est un bon bougre, il a mis au pot pour mon sandwich. Il m'a aussi offert un bon de réduction de 10 % sur le prix des chaussures de sécurité dont le port est obligatoire.

Je suis chef de rayon depuis 3 ans. C'est grâce au dispositif emplois junior-sénior que je ne suis plus au RSA. Je gagne royalement ma vie. Un bon SMIC senior. Grâce au travail en soirée et au travail dominical, je me fais allègrement 500 euros bruts par mois. L'année dernière, j'ai reçu 20 euros bruts de prime annuelle en dépassant mes objectifs de vente. Je suis compétitif, j'aime la concurrence, j'adore les challenges, je suis intrinsèquement un winner ! Je ne me plains pas.

Mon boulot est tellement prenant que je ne vois pas arriver minuit. Je gère le stock et les commandes, je procède à la réception des commandes et à la mise en rayon, je conseille les clients. J'ai décroché ce boulot grâce à ma maîtrise de trois langues étrangères. C'est utile pour vendre la camelote à nos étrangers.

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Cette année, je suis devenu délégué du personnel pour la CFDT. C'est bien simple, j'adore négocier, et comme je suis toujours d'accord avec mon patron, je ne me plains pas, le dialogue social est fluide. J'ai conscience que les salariés et le patronat ont les mêmes intérêts depuis je suis allé en formation syndicale à la confédération. J'ai même serré la main de Laurent Berger, un vrai manager. Il faut être réaliste, bordel, c'est la mondialisation !

Le soir, je ne me plains pas, les gars de la RATP me laissent dormir dans la station Lamarck, une des plus profondes de Paris. Je ne souffre pas du froid, ni de la chaleur. C'est juste le couchage qui est un peu raide ! Mais, je ne m'inquiète pas, le médecin de la Croix rouge m'a confié que c'était très bon pour le dos.

Je glisse dans mon duvet, un surplus de l'armée du salut. Je n'oublie pas de régler mon réveil à 5 h. Je me réveille au son de la voix de l'homme politique que j'admire le plus :

« il n'a pas de nom, mon ennemi, c'est la finance... »

Parfois, ça me provoque même un début d'érection !

Bref, à 5 heures du matin quand les derniers fêtards sont rentrés, je prends ma douche au robinet qui est juste situé en bas des escaliers du quai. L'eau froide me revigore. Je mets mes vêtements made in France par camaraderie montebourgeoise.

Je prends l'ascenseur, je sirote mon café en lisant les journaux gratuits. Il me fait rire ce Mélenchon avec son Front de gauche. Le socialisme pépère à la Jaurès, c'est fini ! Puis, je pars au boulot. Une petite heure et demie de marche en toutes saisons et par tous les temps. Je pratique la discipline budgétaire forcée, c'est bon pour la santé, en plus ! Je ne me plains pas. Je suis un citoyen responsable.

Arrivé aux galeries printanières. je prends un café à la machine, 5 euros, c'est donné. Je ne sais plus quel extrémiste anti européen, pardonnez ce pléonasme, affirme que le passage à l'euro a augmenté le coût de la vie... Je ne me plains pas mon café est chaud.

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Vous savez quoi ? Je me sens privilégié ! J'ai un boulot stable, j'ai un toit ! J'ai un repas par jour à la soupe pop' ou aux restos du cœur ! Que demande le peuple ? J'en suis presque à capitaliser pour mes vieux jours !

Je ne me plains pas. Politiquement, je suis socialiste, transcourant, ascendant opportuniste, toujours majoritaire. A ma sortie de l'ENA, j'étais largué politiquement, disons apolitique. Remarquez, je le suis toujours. Mais, je ne regrette pas mon choix de carrière : pas donné à tout le monde d'avoir une situation stable.

Cette année, je prends la première semaine du mois de juin, en congé sans solde, bien entendu, depuis que le camarade Rebsamen a aboli les congés payés, une vieille mesure bolchevique que la droite n'avait même pas osée réformer. Un vieux machin qui date de l'époque où Léon Blum était l'otage des populistes extrémistes du PCF.

Je participerai au congrès de Poitiers. J'ai réservé mon billet de bus Macron. Je ne me plains pas, en partant de Paris le vendredi soir, je devrais arriver le lendemain en début d'après-midi. Le service public confié aux entreprises, y a que ça de vrai et de performant. En plus, c'est écologique ! Ne me demandez pas pourquoi, je suis pas technicien, mais le gouvernement œuvre pour la transition énergétique.

Bref, le président Hollande, le premier ministre Valls et le docteur Cambadelis peuvent compter sur mon soutien inconditionnel. Ce n'est pas parce que tout n'est pas parfait depuis 2012 que je vais commencer à pinailler ! Comme je dis toujours, sans trop savoir pourquoi, avec la droite, ce serait pire. Je ne me plains pas ! D'ailleurs, c'est bien simple, aujourd'hui, je ne culpabilise plus de ne pas voter UMP ou Républicains en glissant mon bulletin de vote PS !

Commentaires

1. Le mardi 19 mai 2015, 09:05 par Lou de Libellus

"Aujourd'hui, c'est mon anniversaire : 71 ans au compteur !"
J'ai cru un instant que tu fêtais vraiment ton anniversaire.
Le mien vient le 3 juin. Pour les cadeaux, on évitera la canne de randonnée ou les chaussettes "En état de marche" (> sketch de Guy Bedos).

Bientôt une anthologie de tes textes de réalité-fiction ?

2. Le mardi 19 mai 2015, 11:19 par Lou de Libellus

http://www.libellus-libellus.fr/201...

Voilà tout ce que tu as gagné !

Bon anniversaire, vieux !

3. Le mercredi 20 mai 2015, 12:56 par despasperdus

Une anthologie, je me demande qui ça intéresserait ?
Je note la date de cet événement historique.

4. Le mercredi 20 mai 2015, 16:13 par jmfayard

J'ai bien compris qu'il s'agit d'une satire, mais je suis nez en moins frappé par ce pessimisme radical. On semble être passé de la religion du Progrès, cette certitude naive que demain sera mécaniquement meilleur qu'aujourd'hui, à son inverse tout aussi mécanique et pas moins idiot. C'est faire trop d'honneur au PS et à l'UMP que de leur prêter cette capacité de nuisance, contre laquelle on ferait certes tout ce qu'on peut, plus dans l'idée de ralentir le mouvement qu'avec le réel espoir de faire avancer les choses.

Ces gens là, et la Politique en général, me semblent quant à moi bien davantage inutiles que nuisibles.

Il est sans aucun doute rageant de voir les Bernard Cazeneuve faire passer sa loi sur le renseignement ("On n'attend rien d'eux, mais ils nous décoivent quand même"). Mais les défis de l'ère Snowden peuvent se résoudre de bien d'autres manières que par une loi. "Code Is Law" comme le dit Lessig. Des programmers et designers peuvent apporter les réponses qu'un hémicycle s'avère incompétent à fournir, par exemple en rendant trivial le chiffrement généralisé des échanges.

Ailleurs ce sont des actions associatives, éducatives, entrepreunariales qui peuvent faire basculer les évènements. On peut généraliser le principe : accepter que la politique a échoué, concentrer l'essentiel de son énergie sur des formes d'actions qui peuvent nous sortir de l'impuissance.

5. Le mercredi 20 mai 2015, 18:35 par Lou de Libellus

Une anthologie, cela m'intéresserait pour un numéro 01 d'Oxymores (où l'on reçoit un écrivain comme à 'Apostrophes').

Des pas pessimiste !? Et moi qui vient de m'évertuer à faire valoir son optimisme !

6. Le mercredi 20 mai 2015, 19:28 par des pas perdus

jmfayard : une certaine politique a échoué ou peut-être qu'une certaine politique n'a jamais été entreprise... Certes les actions que vous décrivez peuvent faire basculer les choses, mais à un moment ou à un autre, elles devront entrer dans le champ de la vie politique. C'est ce que tente de faire aujourd'hui Podemos.

Lou, je suis un pessimiste foncièrement optimiste !

7. Le mercredi 20 mai 2015, 21:38 par jmfayard

@des pas perdus
> une certaine politique a échoué ou peut-être qu'une certaine politique n'a jamais été entreprise... Certes les actions que vous décrivez peuvent faire basculer les choses, mais à un moment ou à un autre, elles devront entrer dans le champ de la vie politique. C'est ce que tente de faire aujourd'hui Podemos.

Sur le plan théorique, sans doute, sur le plan pratique, ca l'a été dans le passé, la génération de l'après guerre a pu faire des grandes choses sur le plan politique, et ca le sera sans doute à nouveau dans le futur.

Mais quand même!
Il devrait être clair depuis au moins une ou deux décennies que l'action sur le plan politique, c'est l'effet papillon inversé : il faut déployer l'énergie d'un ouragan sur le plan des idées, dans les luttes partisanes et les joutes parlementaires pour arriver à faire vibrer l'aile d'un papillon dans le quotidien des gens.

L'énergie des gens de bonnes volontés prêts à se bouger avant que les choses ne bougent réellement n'est pas extensible à l'infini. Si on l'oublie, on contribue à ce sentiment de lassitude généralisée. Si on ne l'oublie pas, alors il faut rechercher au moins pour un moment des modes d'actions plus propices.

8. Le jeudi 21 mai 2015, 16:57 par SimplyLeft

"J'ai conscience que les salariés et le patronat ont les mêmes intérêts depuis je suis allé en formation syndicale à la confédération. J'ai même serré la main de Laurent Berger, un vrai manager."
J'adore !
Merci et bon anniversaire (ou pas ;-)

9. Le vendredi 22 mai 2015, 14:23 par Annie

C'est pas que je boude, mais lassée de toutes organisations en politique.
C'est donc Lou qui m'a conseillée (oralement) de venir lire ce billet. Ma foi je ne m'en plains pas.
Et même, si tu le permets, je vais de ce pas faire comme lui pour mon blog, en manque de temps pour réfléchir à un billet conséquent ces jours-ci en voilà un tout trouvé qui devrait avoir sa recette de commentaires.

10. Le vendredi 22 mai 2015, 14:34 par Annie

http://blogs.mediapart.fr/blog/anni...

11. Le samedi 23 mai 2015, 03:44 par babelouest

Jolie esquisse de la situation actuelle brossée par un maître, un Rembrandt de l'action syndicale. Cela tombe bien, je suis à Poitiers chez mes enfants.

Annie, pourquoi fais-tu la tête à mon égard, toi qui as avancé l'hypothèse que j'étais antisémite ? J'en suis encore tout retourné, des années plus tard.

Continuons le combat, les copains. La semaine prochaine avec un pote (le secrétaire national) j'organise le congrès fédéral de mon parti, où même Michèle Dessenne sera présente : ceci juste avant le congrès national extraordinaire qui a lieu dans un mois à Paris. On bosse beaucoup, le document de travail comporte presque 1000 pages. Sans compter l'action de terrain.

12. Le samedi 23 mai 2015, 06:47 par des pas perdus

jmfayard : bien d'accord. Les élections à Barcelone vont peut-être porter une majorité inédite issue du mouvement social ce week-end.

Simplyleft : merci, mais c'est juste une fiction.

Annie, je te remercie, c'est vraiment sympa. Déçue par le NPA ?

Babelouest : ma ville natale... Si tu es sur Paris, on peut boire un verre.

13. Le samedi 23 mai 2015, 17:50 par Lou de Libellus

Des pas, tu es sur Mediapart, c'est la gloire !
Annie m'a appelé pour une histoire de confiture de figues, nous sommes politiquement très actifs. Elle a passé une heure et demi à me dire du mal de toi, comme quoi tu étais sympathique, ouvert, intelligent, limite quelqu'un de bien - je vous laisse régler vos comptes.

Annie, j'ai vu. Il semble que je puisse pas commenter sans être inscrit. Une inscription entraînera de nombreux mails à chaque événement sur Mediapart, je n'y tiens pas.

Ma fantaisie du jour sur Libellus peut être développée à la demande. Crois-tu, Des pas, que je pourrais inviter Cambadélis ? Je lui rappellerais le bon vieux temps du PCI, et puis hop ! au bain !

14. Le samedi 23 mai 2015, 18:29 par babelouest

J'en suis toujours à ma chère utopie : il faut bien vouloir beaucoup, pour avoir un peu.
http://ti1ca.com/x4lcwr8s-Anarchie-...

Bien entendu, pour se débarrasser du capitalisme, il faut commencer pour sortir d'une union européenne qui a pour seul but l'hégémonie toujours plus grande de ce même capitalisme. Mais c'est bien ce à quoi il faut tendre, pour le bien des classes dominées, voire oppressées. Sortis de l'union, nous pourrons saisir les biens des banques (pas les dépôts des clients bien sûr), ce sera un premier pas, qui en plus aidera à financer la nouvelle donne.

15. Le lundi 25 mai 2015, 09:04 par des pas perdus

Lou, il faut avoir des ami-e-s influent-e-s, mais je vois que tu y travailles.
Propose à ton ancien camarade un petit bain...

Babelouest, bien d'accord, les islandais n'ont finalement pas voulu mettre un orteil dans l'UE.