Pétrole ! (Upton Sinclair)

un léger décalage...

Billet

« il avait observé qu'un syndicat ouvrier permettait à un tas d'officiels de vivre du travail des véritables ouvriers. Ces officiels devenaient eux-mêmes une classe, leur pouvoir une sorte d'investiture, et c'était d'eux-mêmes qu'ils s'occupaient et non du travail. Ils devaient naturellement justifier leur propre existence, aussi étaient-ils amenés à faire naître chez les travailleurs un mécontentement dont autrement ceux-ci ne se seraient pas avisés. »

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En commentant, en ces lieux, Un pays à l'aube, l'excellent rédacteur en chef de SimplyLeft m'a vivement conseillé la lecture de Upton Sinclair. Alors, quelques mois après... ;-)

Pétrole ! est un roman fleuve et dense de près de 1000 pages, en version édition de poche, qui se lit aisément, tant le récit est captivant à plus d'un titre, notamment parce que le principal personnage se retrouve dans une situation centrale lui permettant d'avoir une vue d'ensemble.

« Pas du tout ! La démocratie, c'est le but, la seule chose qui vaille la peine qu'on travaille pour elle. Mais elle ne peut exister tant que nous n'aurons pas brisé l'étreinte des puissances d'argent qui nous étranglent. »

Il traite du lien réciproque très fort entre un fils et son père, de l'amitié entre un gosse de patron et un jeune prolétaire, de la découverte de l'amour, de croyances, mais surtout d'un éveil à la chose publique et de politique.

« Le mouvement travailliste avait ses traditions : il s'agissait d'obtenir aux ouvriers une réduction des heures de travail et une augmentation de salaire. Les officiels vieille mode ne démordaient pas de ce programme. C'étaient pour la plupart d'anciens ouvriers qui avaient trouvé dans l'organisation politique, au sein du syndicat, un moyen de couper à la nécessité du labeur quotidien. Toute nouveauté signifiait pour eux un danger de perdre leur rond-de-cuir et d'avoir à retourner au travail éreintant. Ils avaient appris à négocier avec les patrons et à fumer les cigares de ceux-ci, (...) »

Pétrole ! décrit les conditions de vie et du travail des prolétaires aux USA, l'exploitation et l'exaspération des travailleurs, les grèves et la répression policière au mépris des lois avec le soutien des autorités locales et fédérales, quelques années avant et après la première guerre mondiale, mais Upton Sinclair évoque également et davantage que Dennis Lehane l'influence des événements internationaux dans le "débat" politique et dans le mouvement ouvrier.

« Mon petit gars, dit-il, enfoncez-vous bien cela dans la tête : je peux acheter n'importe quel dirigeant de syndicat, aussi bien que n'importe quel politicien ou que n'importe quel type qu'une bande de ballots peut élire à une charge. (...) L'argent n'est une force que lorsqu'on s'en sert, et la raison pour laquelle je peux acheter le pouvoir, c'est qu'on sait que je peux m'en servir, ou alors, nom de D..., ils ne me le vendraient pas. »

Upton Sinclair nous plonge aux premières années de la Révolution bolchevique avec les espoirs et les craintes qu'elle suscite chez les travailleurs américains, les soldats occidentaux enrôlés de force contre elle aux côtés des armées blanches après l'armistice, et dont les témoignages diffèrent de la propagande officielle, ou les conflits au sein même du parti ouvrier entre les roses sociaux démocrates et les rouges acquis à Lénine... Un récit susceptible de faire prendre conscience aux plus naïfs que le capitalisme, en particulier américain, a le sang des exploités sur les mains.

« je m'étais imaginé que j'allais faire des tas de choses épatantes. Mais, ces dernières années m'ont appris qu'un ouvrier compte bien peu dans ce monde capitaliste et qu'il doit rappeler la place qu'il occupe. Nombre d'entre nous vont en prison, de plus nombreux encore à la mort. la seule chose dont nous devons nous pénétrer, c'est que nous contribuons au réveil des esclaves... »

Un grand roman.

Commentaires

1. Le mercredi 4 novembre 2015, 18:20 par AgatheNRV

Il faut lire aussi "La bombe" de Harris écrit en 1902 (je crois).

2. Le mercredi 4 novembre 2015, 19:08 par Robert Spire

Je n'ai pas lu le livre mais j'ai vu le film "There will be blood" tiré de ce roman. Ce film m'avait marqué.

3. Le mercredi 4 novembre 2015, 21:32 par des pas perdus

Je le note Agathe, merci. On doit probablement le trouver dans une excellente librairie...

Robert, on m'en a parlé. Pas vu.

4. Le jeudi 5 novembre 2015, 05:15 par Lou de Libellus

1000 pages, je ne pourrai pas, enfin... on verra.
http://www.lemonde.fr/economie/arti...
Déjà que je n'ai pas pu lire jusqu'à la fin ce beau projet de belle réforme.

5. Le jeudi 5 novembre 2015, 18:07 par Lou de Libellus

Je viens de le commander, comme neuf, à 5 euros, en édition Gutenberg - c'est un format plus grand, ça ne fait que 700 pages. Et en même temps le film, à 3 euros. Comme j'avais 9,50 euros dans mon porte-monnaie... Sur Priceminister, où je suis un gros vendeur (je dois en être à une douzaine de ventes), les bénéfices sont versés dans un "porte-monnaie".
Je n'avais plus d'idée pour décembre.
(mon pseudo Pm n'est pas mon nom de plume)

6. Le vendredi 6 novembre 2015, 12:42 par Lou de Libellus

Regarde tes courriers e-mail, il s'agit de fermeture tous les jours et pas seulement le dimanche, tu n'as que quelques jours.

7. Le vendredi 6 novembre 2015, 17:46 par des pas perdus

D'accord Lou.
Tu devrais boursicoter... tu as acquis les bases ;-)

8. Le vendredi 6 novembre 2015, 18:01 par Lou de Libellus

Réponds à mon courrier.

Le cacarente est à 4.984,15, j'attends que ça baisse un peu.

9. Le samedi 7 novembre 2015, 07:18 par des pas perdus

J'ai répondu? Je te disais que je publierais bien quelques unes de tes images si tu me donnes l'autorisation.

10. Le samedi 7 novembre 2015, 12:16 par Lou de Libellus

Tu sais que tu as l'autorisation pour ces quelques images que tu arrangeras pour qu'elles aient l'air de quelque chose.

11. Le samedi 7 novembre 2015, 17:28 par des pas perdus

Merci, quelle modestie. Probablement pour la semaine prochaine.

12. Le samedi 7 novembre 2015, 18:15 par Lou de Libellus

Raconte-moi un de tes derniers rêves - en privé, si tu l'as déjà déchiffré.
Oui, je vois. Tu es élu à l'Elysée en 2017. Tu gardes Croma(ti)gnon, il paraît que la cuisine est meilleure qu'au palais pour le palais. Et tu épouses une violoniste - il y a des cordes dans ton rêve mais ce n'est pas pour te pendre sinon à elle. Et je vois...