E. Mallo : Les hommes t'ont fait du mal

un léger décalage...

Billet

« Il regarde le papier, mais il ne lit pas. Il ne veut pas signer. Tout à coup, il est plein d'une haine incroyable en repensant aux trente dernières années de sa vie, passées à combattre les pires ordures de la société. Ce travail est tout ce qu'il a parce qu'il lui a tout pris. Rideau. Dès qu'il aura inscrit son nom sur ces documents, il ne lui restera plus rien. Il ne s'est pas enrichi comme beaucoup de ses collègues (...). Rien. Il ne lui restera qu'une misérable pension qui connaîtra une dévalorisation incessante et qui, au bout d'un moment, ne lui permettra même plus de se maintenir à flot. »

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Le flic Perro Lascano se retrouve à la retraite sans s'y être préparé. Il s'enfonce dans l'ennui et l'amertume dans son appartement de Buenos Aires, à tel point que sa maitresse n'éveille plus en lui le moindre désir. C'est une parente éloignée et richissime, dont il ne soupçonnait pas l'existence, qui le sauve de la dépression en lui confiant la mission d'élucider l'assassinat de sa fille et la disparition de sa petite-fille, vingt ans après les faits...

« Elle ne se rappelle pas la dernière fois qu'elle a emprunté un moyen de transport en commun qui ne vole pas. Elle trouve ça admirable toutes ces petites gens qui, après huit ou dix heures d'un travail exténuant et ennuyeux, ont encore la force de grimper dans ces corbillards surpeuplés, nauséabonds et minables pour supporter un trajet de deux heures qui leur permettra, enfin, de retrouver leur maison et leur vie tout aussi ennuyeuses. »

Le récit brosse une société violente pourrie par l'argent de la prostitution et de la came où dominent politiciens véreux, malfrats, juges et policiers qui profitent, à leur niveau, de la corruption. Quant à la multitude, elle est exploitée et miséreuse, et parmi, elle, ce sont les femmes, réduites à l'état de marchandises, qui paient le plus lourd tribu...

« Nous sommes tout le passé, nous sommes nos amis, nous sommes tous ceux que nous avons vus mourir, nous sommes les libres qui nous ont rendus meilleurs, nous sommes avec bonheur les autres. »

Ernesto Mallo est une vieille connaissance dont le précédent roman, L'aiguille dans la botte de foin, m'avait déjà fait passer un excellent moment de lecture. L'atmosphère est toute aussi malsaine et irrespirable. Un roman passionnant.

Commentaires

1. Le jeudi 16 juin 2016, 23:34 par Lou de Libellus

Une atmosphère malsaine et irrespirable ? C'est pour moi. Je ne pourrai le chroniquer qu'à la rentrée.

2. Le vendredi 17 juin 2016, 16:01 par des pas perdus

Lou : je sais, tu lis très lentement...

3. Le vendredi 17 juin 2016, 18:09 par Lou de Libellus

: - )
C'est que mon programme est en ligne jusqu'à la rentrée. J'ai même intercalé trois articles à quatre jours de distance d'ici à fin juin, malgré ma résolution de ne publier qu'une fois par semaine.
Ce dimanche, tu es invité 'Au comptoir' où tu expliques le 49-3 à Mimile (qui n'y voyait qu'une figure érotique).

4. Le vendredi 17 juin 2016, 20:06 par des pas perdus

Je suis impatient de découvrir les nouvelles aventures de Mimile...

5. Le samedi 18 juin 2016, 08:47 par Robert Spire

Ado, ma conscience s'est éveillée à la politique grâce à la lecture du "roman noir" ou "Série noire"; plus que celle des romans classiques.

6. Le dimanche 19 juin 2016, 08:45 par des pas perdus

Robert, j'en ai lu un paquet quand j'étais ado.