Le loup dans la bergerie (Gunnar Staalesen)

un léger décalage...

Billet

« Au commencement était le bureau et au bureau il y avait moi. Les pieds sur la table. Le bureau était rangé, on s'y retrouvait facilement. A gauche il y avait une pile de factures. A droite, il y avait ce que je possédais en argent liquide : dix couronnes et trente ore. Dans un coin de la pièce se dressait une armoire de classement grise. Elle était vide. Un coffre-fort mural contenait tout ce que j'avais de valeur : le livret d'un compte-épargne affichant 503,75 couronnes. La porte double donnant sur la salle d'attente était entrouverte, mais personne n'y passa la tête. »

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Au commencement du roman, Varg Veum, détective privé, résident d'une petite ville scandinave, s'ennuie jusqu'au jour où deux personnes lui offrent du travail. Il refuse la première offre au motif que ses principes lui interdisent de se mêler à ce qui ressemble à un futur conflit conjugal : il ne fera pas la filature de la femme d'un riche avocat. Peut-être cela lui rappelle-t-il trop son divorce et les difficultés à avoir une vraie relation avec son fils ?

« Filer quelqu'un est une expérience déprimante et angoissante. L'être qu'on file n'est jamais vivant. Jamais il n'est de chair et de sang. Il vit comme une poupée mécanique qui se déplace de lieu en lieu parce que quelqu'un la remonte. »

Par contre, il accepte de surveiller les faits et gestes d'une femme pour le compte d'un homme qui prétend agir pour son père mourant. Cette dernière est l'épouse de l'avocat. Junkie à l'adolescence, elle aurait fui sans depuis donner la moindre nouvelle à sa famille. Le monde est petit, n'est-ce pas ?

« J'ai été assez bête pour tomber dans le panneau, j'aurais pourtant dû me méfier, mais passons. La grande que je me suis posé après le meurtre était pourquoi ? Non pas tellement pourquoi Margrete Moberg a-t-elle été assassinée, mais pourquoi ai-je été engagé ? »

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Dès le premier crime, la mécanique s'emballe. L'histoire devient sordide avec le riche avocat de trafiquants de drogue et son épouse ex-junkie, la maison close clandestine pour hommes fortunés, de jeunes camé-e-s qui se prostituent, un ancien dealer et sa femme, patrons d'une respectable société qui offrent les services de nounous, des policiers qui ne n'aiment pas voir Varg marcher sur leurs plates-bandes...

« Je m'interrompis. c'était trop bête. Ce genre de choses n'arrivaient pas, pas dans la réalité. Ça n'était pas une raison suffisante pour tout cela. Ça devait cacher quelque chose d'autre. j'en devinais les contours flous, comme quelque chose qui se trouverait au fond de l'eau près d'un quai d'où, installé à plat ventre, je l'observerais. J'ajoutai pensivement : "Mais dans ce cas... dans ce cas, il a fait entrer le loup... dans la bergerie. »

Un roman captivant autant pour son intrigue que pour son atmosphère. Lou disait justement à propos d'un roman de Gunnar Staalesen : « Par-delà une intrigue tortueuse, piégée, lente, on retiendra une écriture sèche comme un assommoir ou parfois tendre et poétique pour évoquer les paysages, les brumes, l'amour. Un roman noir, une histoire d'aujourd'hui. »

Commentaires

1. Le mercredi 11 janvier 2017, 08:13 par lediazec

Noté. Je passe de la littérature dite "classique" au polar, mon genre préféré, et j'ai un faible pour les auteurs venus du "froid". Les aventures de l'inspecteur Wallander m'avaient bien plu. Depuis, je n'ai rien entrepris d'autre.

2. Le mercredi 11 janvier 2017, 15:14 par Zap Pow

J'ai vu deux films (sur les douze existant pour l'instant) ayant pour personnage le détective Varg Veum, mais n'ayant lu aucun des romans je ne saurais dire à quel point les films les ont respectés. Ambiance très froide, intrigue tirée au cordeau, personnages complexes. Du très bon polar en tout cas.

Pour la petite histoire, le nom du personnage, Varg Veum, vient d'une vieille expression de la langue ancienne parlée en Norvège et en Islande signifiant "le loup dans le sanctuaire", expression qui, à ce que dit Wikipédia, désignait les hors-la-loi.