1969 (R. Murakami)

un léger décalage...

Billet

« Depuis mon entrée au lycée, mes résultats scolaires n'avaient cessé, inexorablement, de se dégrader. Les raisons en étaient multiples : le divorce de mes parents, le suicide inattendu de mon frère, la découverte de l’œuvre de Nietzsche, et enfin avoir appris que ma grand-mère était atteinte d'un mal incurable... Raisons, bien-sur, toutes aussi mauvaises les unes que les autres, la vérité étant tout simplement mon profond dégoût des études. »

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Pour le petite bande réunie autour de Ken, 69 sera peut-être érotique, ou pas. En attendant, c'est une année de fortes mobilisations sociales au Japon, en particulier contre les bases militaires des Etats-Unis. Le narrateur, en dernière année au lycée, n'est pas hermétique à ce vent de contestation à l'ordre établi, notamment à la rigidité de l'institution éducative, et aux influences occidentales avec la littérature étrangère, le rock, le cinéma.

« Une rumeur courait dans le lycée selon laquelle Otaki et Narushima recrutaient en laissant sous-entendre que l'entrée dans le Comité de lutte de Nord offrait des occasions de baiser. C'était donc vrai ! Ah, les fumiers, pourquoi ne prenaient-ils pas la lutte des classes plus au sérieux ? J'en avais les larmes aux yeux de rage d'envie.. »

Espérant se faire remarquer par quelques belles lycéennes, il s'engage dans un comité de lycéens, plutôt marxisant, et devient l'un des leaders, avec son fidèle ami Adama. C'est sur sa proposition que ses camarades et lui déploieront une banderole sur le toit du lycée avec ce slogan: l'imagination au pouvoir.

« Je dois ajouter qu'à l'époque, nous disposions de l'argument facile que les élèves studieux n'étaient que de VALETS DU CAPITALISME. Le Zenkyoto, mouvement des étudiants révolutionnaires, avait déjà amorcé son déclin, non sans avoir réussi tout de même à faire annuler les examens de Tokyo »

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La partie consacrée à l'intrusion clandestine de sa bande de pieds nickelés dans le lycée est vraiment cocasse. La suite est à l'avenant avec la réaction des profs et de certains lycéens, la traque des coupables, et la punition par l'institution scolaire.

« Regarde-les droit dans les yeux, me dit-il. Quand le proviseur te parlera, ne détourne pas le regard et ne baisse pas la tête. Tu n'as pas à t'humilier devant eux. Ne sois pas arrogant, mais ne sois pas obséquieux non plus. Après tout, vous n'avez ni tué ni volé ni violé personne. vous avez agi selon vos convictions, il ne vous reste qu'à en accepter dignement les conséquences. »

Ils seront exclus plusieurs mois du lycée, le temps de faire leur propre révolution en s'attelant à la préparation d'un film et d'un festival underground.

« Je tenais si bien mon rôle pour convaincre les profs qui venaient me rendre visite de la qualité et de la sincérité de mes remords que, plusieurs fois, je vis mon père hocher la tête d'un air incrédule et me demander d'où je tenais ces réserves d'hypocrisie. »

1969 est un roman autobiographique léger et déjanté qui donne une image inhabituelle du Japon par rapport au poids du contrôle social, des relations familiales ou à la culture traditionnelle.

À lire.

Commentaires

1. Le mardi 24 janvier 2017, 08:27 par lediazec

Le contenu et la démarche me parlent très distinctement. Je vais me le procurer !

2. Le mardi 24 janvier 2017, 16:52 par Robert Spire

"La réalité est ce qui échappe à jamais au concept" Takiguchi Shûzo (La poésie et l'existence réelle, 1931)

3. Le mercredi 25 janvier 2017, 08:26 par babelouest

Un bouquin sûrement très amusant, qui doit faire un peu tache sur la façon dont on voit le Japon en général.

4. Le mercredi 25 janvier 2017, 12:43 par des pas perdus

Lediazec, tu diras ce que tu en penses..
Robert,je ne connais pas.
Bab, exactement.