Chez nous (Lucas Belvaux)

un léger décalage...

Billet

Infirmière, divorcée, mère de deux jeunes enfants, l'héroïne principale se voit proposer par le notable du coin de s'engager dans la politique comme tête de liste du Rassemblement national populaire aux élections municipales dans sa petite ville sinistrée...

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Le RNP est le mouvement créé par le fille du fondateur du BLOC, le parti historique d’extrême droite. Officiellement, le RNP n'est pas le Bloc, les militants les plus extrêmes ont été bannis, les éléments de langage ne sont plus ouvertement racistes, le programme est devenu social, et l'image de la fille est plus lisse que celle du paternel...

Ces éléments séduisent cette femme qui ne s'est jamais intéressée à la politique comme la plupart de ses concitoyen-ne-s dans un contexte de désabusement et d'apolitisme général, d'alternative gauche-droite inutile et impuissante, d'amnésie historique et d'absence de conscience de classe.

L'irruption du RNP délie les langues, divise et attise la haine au sein de la ville, des quartiers et même des familles. L'héroïne va peu-à-peu s'apercevoir qu'elle sert juste de potiche pour permettre à la cheffe du RNP de remporter les municipales et de rester sur une dynamique électorale positive. Non seulement le RNP est un parti comme les autres, mais de surcroît son idéologie et ses objectifs sont exactement les mêmes que sous l'ère du fondateur du Bloc.

Certaines scènes du film sont marquantes : le barbecue entre amis avec des dialogues pleins de sous-entendus qui deviennent carrément racistes, les consignes aux militants pour la campagne électorale, la leçon politique du notable à l'ancien membre du service d'ordre du parti et exécuteur des basses besognes, la réaction du père, ancien communiste et syndicaliste, quand sa fille lui apprend qu'elle se présente sous les couleurs de l'extrême droite, ou l'ancienne amie ou la patiente d'origine immigrée qui la mettent face à ses propres contradictions.

Lucas Belvaux, conseillé par Jérôme Leroy, auteur notamment de Le Bloc et de L'ange gardien, ne tombe jamais dans la caricature, ni dans la démonstration, et encore moins dans la leçon de morale, si bien que l'on a l'impression de regarder un reportage. Ce film est une réussite. La fiction est quasiment plus réelle que le réel, qu'on comprend pourquoi ce film dérange le FN.

Mais, quelque part, Chez nous dérange aussi les adversaires politiques de l'extrême droite parce qu'on en ressort abasourdis. Carrément sonnés d'avoir vu en action cette dynamique politique dont la victoire semble inéluctable, tant la désespérance sociale et l'inculture politique et historique font sauter tous les verrous, tant ce parti, à peine relooké pour prendre les traits d'un mouvement respectable et républicain afin de tromper les derniers réfractaires, représente, pour les uns par adhésion au racisme et pour les autres par dépit, la seule alternative politique à l'échec social et économique de trente ans de politiques conduites par le PS et la droite classique

Ce film devrait rester à l'affiche le plus longtemps possible.

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Commentaires

1. Le mercredi 15 mars 2017, 16:32 par Robert Spire

Je n'ai pas encore vu le film. Le fait de montrer ce qu'est réellement le FN, existe depuis longtemps. Tout le monde sait comment fonctionne un parti fasciste, mais personne ne peut expliquer le fait que des ouvriers puissent voter pour ce parti et donc agir contre leurs propres intérêts ?? Je suis étonné par certains discours de gauche et d'extrême-gauche qui coupent tous les ponts possibles avec cette classe en les réduisant à de simples racistes néo-fascistes. L'émancipation de la classe ouvrière devrait être le fait de tous les ouvriers. Il y a là un déficit d'explications et d'instructions.

2. Le mercredi 15 mars 2017, 20:11 par des pas perdus

60 % des ouvriers s'abstiennent, ça relativise pas mal le vote d'adhésion au FN.
Justement ce film peut participer à la prise de conscience parce que certains ont des illusions, minorent l'idéologie réelle du FN

3. Le mercredi 15 mars 2017, 21:34 par Robert Spire

Plus d'un tiers de l'électorat du FN est constituée de salariés: ouvriers, employés, fonctionnaires...Des travailleurs qui touchent les salaires les plus bas. On beau triturer les chiffres, sans la progression de leurs votes des dernières années, le FN resterait très minoritaire. Le vrai problème est de comprendre le pourquoi de cette progression contre nature et d'être capable de l'empêcher.

4. Le jeudi 16 mars 2017, 07:48 par des pas perdus

Je ne sais si la progression du FN résulte d'une progression du vote ouvrier en sa faveur. J'avoue ne pas avoir les statistiques en tête.
Pour l'empêcher, il faudrait mettre fin aux politiques qui contribuent à les attirer au FN. Or jusqu'à présent, l'alternance n'a pas produit de bifurcation significative. C'est bien là le problème. Y-aura-t-il une force politique qui mettra en œuvre une vraie politique sociale dans tous les domaines (éducation, santé, travail, culture, aide aux populations handicapées et personnes âgées non autonomes ) ?
Je crains que si la réponse est négative, le FN finira par l'emporter parce que jusqu'à présent les affaires qui le touchent n'affectent pas sa popularité.