la solidarité ou la charité ?

un léger décalage...

Billet

statueliberte.jpg Dans quelque zone industrielle, nos pas perdus sont passés devant cette réplique de la fameuse statue... A l'observer de plus près, il ne nous a pas échappé que la flamme, ici une ampoule, ne brille plus. Qu'est donc devenue cette Amérique puissante et surpuissante? Les avions téléguidés par Ben Laden et l'ouragan Katrina auraient balayé l'american way of life? Les images et les témoignages reçus depuis la Nouvelle Orléans montrent des Américains laissés à l'abandon.

Un abandon qui se révèle plus cruel et plus médiatique depuis la catastrophe. A vrai dire, la réalité de la société américaine est bien éloignée des feuilletons américains, des portraits élogieux de tel ou tel chef d'entreprise, et de ce monde merveilleux où la liberté ne serait pas un vain mot! Devant les images et les témoignages diffusés ces derniers jours, on est à mille lieues des clichés de l'idéologie libérale véhiculés par les Sarkozy, Madelin, et consorts qui se nourrissent des analyses du Médef et de l'OCDE.

Dans un pays où l'Etat n'assure plus que ses fonctions régaliennes (pour simplifier, il faudrait se téléporter avant le front Populaire en France), l'éducation, le logement, les transports, la santé, la communication, qui ne sont pas (ou plus) des services publiques (donc gratuits ou peu chers accessibles à tous), sont à la seule charge des citoyens... Le niveau de vie dépend uniquement des moyens financiers de l'individu. A la Nouvelle Orléans, l'Etat fut impuissant, dès les premières heures de la catastrophe naturelle. L'initiative privée qui s'est manifestée par l'intermédiaire de diverses oeuvres caritatives montra elle aussi ses limites. Les moyens mis en oeuvre n'étaient pas à la hauteur des enjeux. En droit, on pourrait qualifier cette situation de "non assistance à personnes en danger" !

Seules des administrations spécialisées et entraînées dans les domaines des secours et de l'assistance peuvent être efficaces pour éviter qu'une catastrophe naturelle ou industrielle ne devienne humanitaire. Mais de telles structures humaines, matérielles et administratives impliquent un engagement de la société toute entière et doivent être financées par l'impôt : on appelle ça la solidarité nationale. Depuis une trentaine d'années, cette solidarité nationale décline aux USA. A noter que l'Europe et la France imitent progressivement les Etats-Unis. Les politiques vantent "le moins d'impôts et le moins de charges" et légifèrent... Pour éviter que les déficits grandissent, "on" allège, "on" privatise des sociétés qui assuraient un service public, "on" rembourse moins ou plus du tout certains soins ou médicaments... "On" dégraisse, "on" embauche moins de fonctionnaires..."On" dit que nous vivons au-dessus de nos moyens, alors que tous les indices qui mesurent les richesses produites (PIB ou PNB) augmentent année après année....

Il y a donc un problème de redistribution des richesses. D'un côté, les richesses produites sont en hausse : le pays n'a jamais été aussi riche. Et de l'autre, l'Etat vit au-dessus de ses moyens : les caisses sont vides. La solidarité nationale suppose la redistribution des richesses. Le moins d'Etat (pour notre part, nous n'avons jamais été des thuriféraires de l'URSS ou de la collectivisation des moyens de production) ne profite qu'aux plus aisés. Le moins d'impôts implique des services qui se privatisent et deviennent payants pour tous... Pour l'immense majorité des citoyens, cette politique libérale se traduit par un niveau de vie qui baisse au fur et à mesure que l'Etat renonce à ses missions.

Comme nous le disions plus haut, les USA ont fait le choix du moins d'Etat. Les classes aisées n'ont plus voulu payer l'impôt. La solidarité nationale est devenue une notion virtuelle, un vague souvenir. Bush n'a pû envoyer que des soldats et des policiers armés jusqu'aux dents... Et les bonnes oeuvres caritatives privées, souvent religieuses (la charité), financées par les riches (pour s'acheter une conscience...?) ont montré leur inefficacité. Pour détourner un slogan propre aux libéraux, nous pourrions écrire la phrase suivante : si trop d'Etat tue l'initiative privée, il apparaît aussi qu'un pays laissé à la seule initiative privée, où l'Etat est exangue, tue ses propres habitants...