découvertes bureaucratiques

un léger décalage...

Billet

"Ah, qu'elle est belle la liberté d'entreprendre et de travailler sans compter ses heures. Vivement que monsieur Nicolas de Sarkozy prenne le pouvoir pour appliquer le programme moderne et progressiste du MEDEF qui abolira les satanées 35 heures. Oui, les salariés rejettent le socialisme bolchévique incarné par madame Royal ou Hollande (ils ne sont pas mariés les gueux!). Les Français désirent travailler plus, gagner plus, autrement dit bosser à mi-temps, c'est-à-dire 12 heures par jour, 7 jours sur 7 ! Qu'on se le dise ! Mais, on s'éloigne du sujet. Dans ce fabuleux épisode, vous allez découvrir le monde merveilleux de la world company. Que du bonheur !" Cliquez sur l'image...

Avertissement : les bloggueurs zélés de l'UMP ont pris le contrôle de cette machine pour afficher les quelques lignes de propagande , ci-dessus... Veuillez nous en excuser, merci.

M

Dans les semaines qui suivirent, le service fut enfin au complet, à ma plus grande satisfaction. Je fus vite intégré dans un petit groupe de nouveaux et retrouvais le café du matin, ce qui me changeait de cette première semaine en solitaire. De plus, des balades post déjeuner nous permettaient d’oublier l’atmosphère pesante du service.

Côté boulot, je compris rapidement pourquoi, malgré mon inexpérience de la matière, on m’avait si rapidement recruté au sein du service. Dès la 2ème semaine, Jackson Five, ma chef, commença à m’apporter des dossiers qui avaient été laissés à l’abandon durant plus d’un mois et demi, alors que la procédure exige une réponse dans les deux mois. J’avais donc à étudier une masse importante de documents dans un délai inférieur à trois semaines. Formé et habitué dans mon précédent poste à agir et à rédiger rapidement, je goûtais l’amertume de voir mes dossiers, que je croyais terminés, revenir sur mon bureau comme des boomerangs.

Jackson Five me les retournait systématiquement annotés avec en prime un « vieux nouveau » dossier… En les comparant aux dossiers bouclés par mes prédécesseurs, je remarquais également qu’elle était beaucoup plus exigeante avec ma très modeste personne, pour citer notre ami de « sous les jupes des fonctionnaires ». Tel un roseau pensant, je pliais et m’efforçais de ne point rompre. Et pourtant, je n’étais pas loin de péter un boulon ! D’une part, la gent dame ne me donnait aucun conseil ou aucune orientation pour régler les affaires alors que je n’avais aucune formation en la matière. D’autre part, j’estimais que sur une immense partie, elle chipotait et se la jouait. Et enfin, bouquet final, elle doublait ma charge de travail en disant innocemment : « il faut revoir le dossier XXX, et tenez j’ai trouvé le dossier XXL, c’est arrivé quand je devais être absente… ».

A l’aune de ces informations, je décidais de revoir ma stratégie. Je m’efforçais désormais de travailler vite mais lentement. Autrement dit, je ne changeais nullement ma manière d’étudier et de traiter lesdits dossiers, mais je remettais mon travail en différé, c’est-à-dire au compte goutte. Et là, miracle : les annotations devinrent plus concises et la majorité d’entre elles se rangèrent en deux catégories, « à classer » et parfois « préparer une lettre d’observation »… Je compris que Jackson Five considérait que travailler vite signifiait bâcler le travail, et que l’urgence était une notion qui était absente de son esprit.

D’ailleurs, mon collègue de bureau m’informa qu’il y avait à certains postes un roulement de personnels considérable qui se déroulait au mépris des règles basiques des relations humaines et de la gestion prévisionnelle du personnel. Dont les nôtres qui n’avaient pas été occupés pendant des mois, voire des semestres… Des postes à paperasse qui doivent exister mais dont les matières sont si sensibles qu’elles poussent à la paralysie. Un mot à retenir : l’opportunité…

Tout est question d’opportunité. Une affaire le sera le lundi X du mois X de l’année X mais sera « à classer » le mardi X du mois Y de l’année X… Allez savoir pourquoi ! A ce subtil petit exercice, de nombreux collègues furent invités à débarrasser le plancher et à retrouver un autre service après avoir soit pété un câble en criant au scandale ou au laxisme, soit abandonné tout travail et toute motivation en s’adonnant aux joies du glandage trop voyant, soit démissionné en trouvant ailleurs leur bonheur.

Bref, j’allais de découvertes en découvertes toutes plus réjouissantes les unes que les autres…