On achète bien les cerveaux (Marie Bénilde)

un léger décalage...

Billet

Hier soir, le spécial Sarkothon a eu au moins le mérite de nous rappeler la lecture d'on achète bien les cerveaux. L'auteure, Marie Bénilde s'attache à montrer l'emprise, quasiment totale, voire totalitaire, de la publicité dans notre société, et en particulier dans les médias de l'information :

«La proximité d'intérêts des grandes agences avec les idées libérales ne fait aucun doute. Seule une idéologie prônant un interventionnisme minimal de l'Etat, la privatisation des biens et la mise en concurrence des services joue en faveur d'un développement des dépenses de publicité (...). »

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Au début du XXème siècle, la pub n'était qu'une activité marginale, voire complémentaire pour les commerçants et les industriels, et une source accessoire de revenus pour la presse. Elle ne présentait qu'un caractère ludique et inoffensif, permettant à des artistes de gagner quelques revenus...

Mais depuis, le statut et la place de la publicité ont radicalement évolué :

«Davantage qu'un simple reflet de la société économique moderne, la publicité suscite l'acceptation de celle-ci dans toutes ses composantes : inégalitarisme, violence sociale, domination masculine, stéréotypes communautaires, etc. Elle fabrique les envies, les rapports sociaux, les clivages générationnels sans lesquels il n'est pas de société capitaliste, c'est-à-dire une société où l'accumulation du capital est un but en soi, permettant d'accéder à la société de consommation.»

Elle montre combien ce secteur, devenu un secteur d'activités à part entière, finance des recherches dans de nombreuses disciplines scientifiques, dont les neurosciences, pour comparer l'impact des campagnes publicitaires, étudier les réactions des individus, et in fine connaitre les raisons de l'efficacité ou non de certaines publicités :

«L'image publicitaire réussie ne doit pas se contenter d'impliquer le consommateur dans la représentation intime qu'il a de lui-même, elle devrait aussi mobiliser chez lui une volonté "archaïque" d'appropriation d'un objet de séduction. Les publicitaires en ont conclu qu'il convenait de renforcer dans leurs spots la corrélation instinctive entre désir sexuel et pulsion d'achat (...)».

L'un des chapitres les plus passionnants est celui consacré à l'information, à la domination de la publicité sur quasiment l'ensemble des médias, l'importance du budget pub, généralement première source de revenus pour équilibrer le budget de ces médias dominants, les pressions exercées par certaines firmes, les campagnes de pub retirées pour punir... l'autocensure... les articles écrits par les agences pour vanter un produit qui sont publiés sans la mention "publicité"... [1]

Un secteur qui impose ses codes, ses idoles, ses produits, ses marques, son idéologie de la surconsommation, du bonheur mercantile, du gaspillage, du néo-libéralisme... Et ce, dès l'école grâce à des partenariats et à la démission des politiques (merci Jack Lang !). Car la cible privilégiée est désormais l'enfant : plus l'individu est conditionné jeune, davantage il sera fidèle à tel produit, à telle marque... Une industrie qui détourne tous les codes, toutes les oppositions à son unique profit :

«Total fait étalage d'une "énergie inépuisable" avec les éoliennes pour faire oublier le pétrole et ses marées noires. le chic publicitaire consiste à revendiquer la sauvegarde de ce qu'on contribue à détruire».

En fait, tout citoyen-ne devrait lire on achète bien les cerveaux de Marie Bénilde pour comprendre certains ressorts de notre société.

Notes

[1] Sur ce thème, on pourra lire ACRIMED - A lire : On achète bien les cerveaux. La publicité et les médias (extrait)