L'abus de pouvoir de Macron

un léger décalage...

Billet

Le refus du président de la République de nommer premier ministre une personnalité issue de la coalition majoritaire à l'assemblée nationale est un fait sans précédent dans l'histoire de Cinquième République, voire dans celle de la République et des démocraties européennes, qui relève de l'abus de pouvoir.

Certes, le NFP n'a pas la majorité absolue à l'assemblée nationale, mais la macronie ne l'avait pas non plus en 2022 et pourtant Elisabeth Borne avait été rapidement catapultée à Matignon.

En l'espèce, Macron a modifié les règles d'usage en démocratie, selon ses propres intérêts à court terme - aka le fait du prince - en expliquant qu'il nommera un premier ministre d'une coalition qui aura la majorité absolue à l'assemblée nationale...

Et, il ajoute qu'il est prêt à attendre la fin des Jeux Olympiques, soit plus de deux mois après le 2d tour des législatives !

Alors, pourquoi s'est-il empressé d'organiser les élections législatives dans des délais si rapprochés avec les européennes, si ce n'est pour acter la domination du Rassemblement National ?

Or, le coup a manqué : la coalition d'extrême droite - RN, LR de Ciotti et Reconquête - n'a pas remporté les législatives.

Il espère maintenant une coalition baroque sur la base d'un front républicain reconstituant le bloc bourgeois ou l'extrême centre, c'est-à-dire les forces politiques qui ont gouverné le pays depuis 30 ans en pratiquant une politique économique et sociale néo-libérale.

Mais, la fin du macronisme et la perspective de la présidentielle de 2027 empêchent les LR de Laurent Wauquiez de sacrifier leurs espoirs de renaissance de la droite classique en formant une majorité avec le groupe macroniste. Idem pour le PS, hormis quelques socialistes isolés de la droite du parti, nostalgiques du hollandisme qui pourraient éventuellement tenter une aventure solitaire qui satisferait leur ambition personnelle.

In fine, quelle que soit la nature de ses intentions, naïve ou machiavélique, Macron plonge la Cinquième République dans la crise avec un gouvernement démissionnaire qui continue à gérer le pays à coups de décrets et des ministres démissionnaires mais toujours ministres qui votent à l'assemblée nationale avec leur casquette de député, violant ainsi la séparation des pouvoirs entre l'exécutif et le législatif.

La Cinquième République avait été conçue pour favoriser le bipartisme et une majorité absolue à l'assemblée nationale à la main du président de la République. Or, aujourd'hui, le bipartisme est mort temporairement. Le tripartisme actuel avec un bloc de gauche, un bloc d'extrême droite et un bloc d'extrême centre divisé empêche qu'une majorité absolue se dégage.

Cette crise aurait pu être circonscrite si Macron était un vrai républicain, soucieux du respect des règles et des usages démocratiques. La nomination de Lucie Castets aurait permis à la Cinquième République de devenir ou redevenir une République parlementaire dans laquelle l'assemblée nationale, en dernier ressort, vote les lois et décide le cas échéant de censurer le gouvernement.

Macron ne l'a pas souhaité et aucune disposition constitutionnelle ne peut l'y obliger, tout simplement parce que les constituants n'avaient pas imaginé une telle situation avec De Gaulle. Sauf que l'actuel locataire de l’Élysée ne s'appelle pas De Gaulle ou Mitterrand ou Chirac...

Les institutions sont dans l'impasse, uniquement parce que Macron l'a décidé tout seul.

Plus personne ne peut nier que les institutions de la Cinquième République ne sont pas démocratiques. Les constituants du 4 octobre 1958 ont donné trop de pouvoirs au Président de la République et aujourd'hui, la France a un gus qui n'en fait qu'à sa tête, aidé par la bourgeoisie et l'ensemble des médias du CAC 40 et du service public.

Cette décision illustre son mépris du résultat des législatives. Un mépris du peuple qui n'est pas sans rappeler la négation du référendum de 2005 avec l'adoption du traité de Lisbonne deux ans plus tard.

Irresponsable, déséquilibré, pion zélée de la bourgeoisie ou fasciste du "en même temps" et d'une novlangue imbuvable digne de 1984 sont autant d'expressions que certains accolent au chef de l'Etat.

Mais peu importe les mots pour caractériser Macron. Sa personne a peu d'importance. En l'espèce, il est urgent de changer de République et d'imaginer une constitution qui empêchera à celui ou celle qui exercera la fonction présidentielle tout abus de pouvoir.