clarification bureaucratique

un léger décalage...

Billet

La journée commençait bien. Je me suis réveillé bien reposé sans l'aide de mon réveil. J'ai un peu traîné puis suis allé ouvrir la fenêtre. Le soleil perçait déjà à l'horizon, l'air était doux. La douche fut on ne peut plus agréable, m’y attardant même, le petit déj’ excellent avec les tartines confiturées à la framboise et le thé vert. Dans le bus, le 65 en l’occurrence, j'étais zen, pas serré comme une sardine à l’huile, et une place assise m’attendait pour lire "Mendiants et Orgueilleux", un livre savoureux d'Albert Cossery, en toute tranquillité dans les RER B et A. C’était vraiment une belle journée . Et n’eusse été de me rendre à la boite, j’aurais poussé la chansonnette en reprenant « c’est le printemps » de Léo Ferré.

Premier arrivé, je pris le temps de boucler un dossier gonflant, qui n’a aucun rapport avec l’aéronautique, avant que mon collègue monsieur Todde ne me salue. Vous voyez, le genre de dossiers soporifiques, dont on se débarrasse au plus vite, mais qui reviennent régulièrement. Bref, la version bureaucratique du mythe de Sisyphe. Nous prîmes notre premier café avant les autres. Nous rîmes quand il me confia que la veille, après mon départ, aux alentours de 17 heures, Frétillou avait fait montre d’une certaine animosité à mon encontre, me comparant à un touriste, se lamentant de la laisser seule, ce qui était sympa pour lui aussi, et la contraignant à « être sur tous les fronts ».

Peu à peu le bureau se remplissait, l’ambiance était calme et franchement détendue, un climat de sérénité nous enveloppait ! Frétillou semblait particulièrement en forme avec sa nouvelle coiffure de lionne, sa jupette blanche à carreaux noirs et son petit haut panthère rose. Elle buvait les paroles de notre chef qui annonçait ces prochaines vacances au Liban. Elle n’intervenait que pour enfiler les clichés sur le désert et donner des conseils pratiques pour monter à chameau… Secrétaire certes, mais surtout femme précieuse en tous domaines ! Chacun sentant arriver la fin de la pause, l’on aborda quelques sujets liés au service mais toujours de façon relax…

C’est à cet instant, que le ciel se couvrît… Prenant les autres à témoin, elle m'interrogea d'un ton péremptoire. Pourquoi avais-je osé poser sur son bureau le dossier « commission enquête et stratégie ». Elle ajouta que ce n’était pas des façons de travailler, qu’il fallait communiquer, qu’elle allait craquer… Evidemment, je mis quelque temps à réagir… Je sais bien que Frétillou ne règle jamais les différents en petit comité, entre intéressés. Je sais aussi qu'elle aime se mettre en spectacle et passer pour une victime. Il n’empêche, je ne me suis jamais habitué à cette façon de procéder qui relève autant de la lâcheté que de la délation. A chaque fois, c’est comme si je recevais un direct du droit en pleine face…

Néanmoins, j’arrivais à lui rétorquer que ce dossier était le sien et non le mien… Qu’il n’y avait aucune raison que je me le coltine. Cette réponse ne la convainquit pas, arguant que la fois précédente je l’avais bien fait… Je dus remonter dans mes souvenirs et lui rappeler qu’elle me l’avait laissé, en effet, juste avant de partir en congés... Des congés posés et pris à la toute dernière minute, et que j’avais du, en catastrophe, à cause des délais, laisser de côté mon boulot pour régler de A à Z ledit dossier, en une semaine, alors qu’elle disposait de plus d’un mois pour le traiter… Elle essaya de riposter mais la vérité des faits était de mon côté.

C’est à ce moment là que le chef prit la parole et lui demanda des explications. Elle bredouilla un « je voyais qu’il n’avait rien à faire… ». Lorsque celui-ci énuméra mon boulot et lui ordonna de s'en occuper en temps et en heure, je buvais du petit lait en la voyant se ratatiner sur son siège à mesure que sa mine se décomposait. L’épisode clos, je n’entendis plus que ses soupirs… Nous ne nous adressâmes la parole que pour nous souhaiter une bonne soirée… Qui eut cru que la guerre froide éclaterait en une si belle journée ?