énigme bureaucratique

un léger décalage...

Billet

Vendredi soir, je suis sorti vers 17 heures. Je n'avançais plus, une bonne nuit réparatrice et le week-end me permettraient de remettre mes neurones en place pour trouver l’inspiration nécessaire aux quelques courriers qu'il me restait. Je souhaitais aussi profiter du soleil et de la douceur du printemps, en descendant à Châtelet pour flâner dans le quartier montorgueil où j’ai travaillé quelques années.

Ce matin, en allumant mon pc et en cliquant sur l’icône du serveur, j’ai eu une sacrée surprise. Impossible de retrouver mes fichiers. Plus de 70 % des dossiers s’étaient volatilisés. J’ai vérifié sur mon disque dur mais l’essentiel n’y était pas. Il ne me restait plus qu’à attendre mes collègues… Je replongeais dans mes dossiers papiers pour me rafraîchir la mémoire, jetais quelques idées sur une feuille, puis j’ai lu le canard..

C’est mon chef qui se présenta. Avant que je puisse lui poser la question, il me demanda si je n’avais rien remarqué vendredi après-midi, et si par hasard, je n’avais pas commis quelque mauvaise manœuvre… Je répondis d’abord par la négative et ajoutais que le service informatique devrait pouvoir nous informer sur les causes de cet événement et même restituer l’intégralité du serveur, car j’avais ouï-dire qu’une sauvegarde journalière et automatique nous protégeait des actes malveillants ou malheureux. C’est alors qu’il m’apprit que la dernière sauvegarde remontait à deux mois et que l’hypothèse du virus était improbable. Pour des raisons bien connues de tous, budgétaires précisons-le, ce service attendait qu’un budget soit attribué pour remplacer le matériel défaillant.

On se perdait en circonvolutions… Pour supprimer tous ces dossiers, il fallait d’abord les sélectionner en les noircissant, faire un premier clic droit sur la souris, choisir « supprimer » dans la liste qui se déroule à l’écran, puis confirmer en cliquant sur « oui » à la question : « Etes-vous sûr de vouloir envoyer xxxxx à la Corbeille ? ». Mais encore fallait-il soit faire un deuxième clique droit sur la corbeille, soit ouvrir la corbeille, et confirmer la suppression définitive des dossiers en sélectionnant « oui » à la question suivante : « Etes-vous sûr de vouloir effacer xxxxx ? ». Autant dire que la mauvaise manœuvre ne pouvait être faite que par une personne particulièrement maladroite et récidiviste !

Monsieur Todde se pointa et nous servit le café. Le chef réitéra ses questions mais n’insista pas car mon collègue est de l’ancienne génération. Sauf pour relever son courrier et envoyer quelques mails, il ne touche quasiment jamais à son ordinateur. Quand il doit taper un courrier ou modifier un tableau, je viens souvent en renfort pour lui glisser quelques conseils et vérifier. Il nous informa qu’il y avait eu du remue-ménage la veille. Après un long moment passé dans le bureau de l’adjoint, Frétillou avait claqué la porte et gueulé des noms d’oiseaux… Cette information fut confirmée par Line, la collègue dont le bureau est voisin. Elle ajouta que le ton était vite monté et qu’il avait demandé à Frétillou de le laisser enfin travailler. Moins d’une heure après, le serveur se trouvait allégé…

La star arriva enfin, accrocha sa veste, alluma son pc et fut « entreprise » par le chef, sans plus de succès que nous… Il nous demanda si nous n’avions pas quelques sauvegardes sur notre disque dur… Nous vérifiâmes et la réponse fut presque unanime. Seule Frétillou, qui avait sa réputation de pro de l’informatique à justifier, s’exclama par la positive! Nous étions aux anges, prêts à baiser ses augustes panards ! Le chef vint vérifier sur place, et constata que les fichiers retrouvés correspondaient à une misère… Entêtée, elle maintint que le service était sauvé grâce à elle! Précisons que tous ses dossiers étaient sauvegardés sauf ceux de ses collègues. Comme toutes les personnes qui pensent avoir systématiquement raison, Frétillou commença à s’enflammer et à hausser le ton. Le chef la refroidit vite en lui assénant : écoutez , depuis le début de la semaine, vous êtes énervée et agressive, vous viendrez dans mon bureau à 10 heures. ». Sur ce, il quitta la pièce tandis qu’elle s’affaissait sans phrase... et laissait son café refroidir.