la France bureaucratique d'après...

un léger décalage...

Billet

Ce n'est pas sans une pointe d'émotion que votre humble serviteur a l'immense plaisir de vous annoncer le dernier épisode des chroniques bureaucratiques de la France d'après. Tandis que la majorité présidentielle va bientôt occuper l'Assemblée Nationale et laisser quelques miettes à l'opposition bolchevik de gauche et menchevik du Modem, votre chroniqueur poursuivra son oeure bureaucratique anonyme et Ô combien utile au sein de La Boite.

Nul doute que le prochain récit relatera l'ardeur des salariés à toujours travailler plus, les parts de marché gagnées par notre grande entreprise, et le génie de notre capitaine d'industrie, enfin débarrassé des hordes barbares des agents des impôts grâce au bouclier fiscal et à son golden parachute !

Sachez bien que ce sera avec la neutralité et l'objectivité sans complaisance des inégalables et exemplaires journalistes Jean-Pierre Pernaut ("le chauffeur d'élite givré des Alpes-Maritimes qui se fait sponsoriser" selon certaines mauvaises langues) et Arlette Chabot ("madame 100 minutes de plus pour Nicolas" selon les mêmes langues médisantes) que votre petit bureaucrate chroniqueur vous contera, à son niveau celui de la France d'en bas la France d'après.

L'actualité politique a à peine troublé notre milieu professionnel. Certes, nous avions à la cafét' notre petit quart d'heure de discussion politique au sujet des déclarations des candidats et de leurs lieutenants, de leurs programmes ou des sondages. Certes, au lendemain de la victoire de Nicolas Sarkozy, nous remarquions bien que certains avaient la mine plus réjouie que d'autres. Mais sans plus. Tenez, il y en a un qui depuis ne vient plus qu'en costard-cravate au bureau. C'est mon collègue! Soit c'est un sarkozyste pur dur, soit il anticipe déjà la France de demain afin de ne pas être démasqué... Sachez qu'il arrive toujours plus tard que votre chrnoniqueur bureaucrate, mais le soin apporté à sa tenue prouve qu'il fera bientôt parti de cette France qui se lève tôt...

Ces derniers temps, Jackson Five s'épanouit. Avec sa coiffure en suspension qui défie toujours les lois de Newton, son étrange sourire aux lèvres, elle respire la sérénité depuis que les départs de la chef de service et de l'adjointe ont été annoncés. Elle s'arrête souvent dans le couloir pour tailler tranquillement une bavette avec les collègues. Les sujets ne manquent pas : météo, vacances, famille, actualité non politique. Et le travail ? Allons ne soyez pas indécent !

Lors d'une discussion juridique fort ardue autour de la table de travail réunissant les deux personnes sus-mentionnées, Jackson Five et votre très humble serviteur, le ton a d'un seul coup changé de registre, les aigus de ces dames se sont envolés et le volume également. En cinq années de présence, Jackson Five qui avait encaissé en silence une à une les humiliations se rebellait. Stupéfaction de la reine et de la vice-reine qui durent battre en retraite puis proposer un compromis acceptable pour les deux parties... Il est vrai qu'en arriver aux insultes, voire aux mains alors qu'il reste un trimestre de cohabitation serait stupide.

Il est indéniable que se réunir dans le service est exceptionnel, alors autant en profiter ! En aval, convaincre qu'une réunion pourrait s'avérer utile. Puis, laisser le temps à la chef de fixer le rendez-vous. Au jour J et à l'heure H, la réunion se retrouve systématiquement reportée à telle heure, voire à tel jour, et ce à plusieurs reprises! Alors, inutile d'ajouter que la réunion doit permettre de résoudre un problème. Hélàs, généralement, la chef ou l'adjointe n'ont pas eu le temps de lire le dossier et d'analyser les problèmes... « Nous sommes surbookés, vous comprenez ? » Bref, à la moindre hésitation sur un point, elles n'hésitent pas à nous demander de "creuser plus en profondeur" ledit point. Yes, travailler plus pour... on ne sait pas quoi... On connait... Résultat : au mieux un mois de perdu, et plus si le directeur ne s'inquiète pas de l'absence prolongée d'une proposition de solution pour le dossier en question.

Avant de regagner nos bureaux, nous nous arrêtons devant les distributeurs de boissons. La tension est encore importante. Pendant que nous revenons sur les temps forts de la discussion, des femmes et des hommes troncs sur des écrans numériques 16/9ème vantent sans interruption les méthodes modernes de managering et de communication qui permettent aux collaborateurs de participer activement au développement de La Boite... Et à La Boite de contribuer activement et directement à leur épanouissement tant collectif qu'individuel... La Boite n'a pas attendu le soir du deuxème tour de l'élection présidentielle pour vivre l'état de grâce en imposant ses désirs à la réalité... Quant à nous... hum hum!