avec R. Dati, la justice attendra

un léger décalage...

Billet

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Le Monde publie une tribune de la ministre de la justice au titre évocateur : « la justice sans attendre ». Elle débute sa thèse en expliquant que 66 % des français considèrent que la justice fonctionne mal. De quelle justice s’agit-il ? La justice administrative, civile, pénale ? Mystère. Sociale ? N'exagérons pas !

S’appuyant sur cette donnée chiffrée qui résulte sans doute d’un sondage dont elle ne livre pas la source, Rachida Dati s’applique à défendre sa réforme qui concerne aussi bien le fonctionnement et l’organisation de son administration que les lois qui ont été récemment votées. Dans une langue de bois, d’essence sarkozyste, elle balance une série de concepts.

Ainsi, chers concitoyen(ne)s, « La justice a une mission. Elle doit garantir l'égalité de tous devant la loi, elle doit sanctionner les délinquants et protéger les victimes, elle doit veiller au respect des libertés individuelles et défendre les plus démunis. » Et plus loin, «Réformer la justice pour qu'elle remplisse ses missions, respecte ses valeurs et restaure l'autorité de ses acteurs, c'est aller vers une justice plus humaine, plus efficace, plus concrète et plus ouverte. »

Franchement, quel hurluberlu remettrait en cause de si nobles et républicains objectifs ? Personne. Alors, pourquoi la ministre s’est-elle crue obligée de devoir défendre sa politique devant un public plus large, avec ce papier au quotidien du soir, que celui rencontré lors de son tour de France? A priori, la réforme Dati passe d'autant plus mal auprès des professionnels du droit qu'ils se sont rapidement aperçus que la concertation n'était qu'une mascarade puisque tout était préparé à l'avance.

Certes, « La justice doit être égale pour chacun d'entre nous. La justice doit être proche, accessible et lisible. » Mais, centraliser le fonctionnement des tribunaux, n’est-ce pas aller à rebours de l’objectif en éloignant la justice du citoyen par la suppression de tribunaux dans les moyennes et petites villes ? Quelle logique y-a-t'il de fermer de petites structures qui sont plus efficaces que les grosses ? N’est-ce pas alourdir encore plus les structures régionales et ralentir davantage la justice ?

L’objectif d’avoir « Une justice plus efficace » se réduit-il à des économies budgétaires réalisées en dotant ce ministère d’un meilleure gestion des ressources humaines et en supprimant les petits tribunaux ? Pour la gestion du personnel, même en faisant abstraction de la valse des hauts fonctionnaires place Vendôme, les débuts de l’ère Dati se caractérisent par un certain autoritarisme. Ainsi, ce magistrat en fin de carrière, à six petits mois de la retraite, que le ministère somme, sans raison autre que politique, à changer de poste et de ville. Voilà qui n'aurait pas déplu à l'auteur du père Ubu. Quant au bien-fondé de la centralisation des moyens pour améliorer l’efficacité de la justice de proximité, cela demeure une énigme…

Pour conclure Rachida Dati justifie également sa loi contre la récidive : « Elle pose un principe clair : la violation répétée de la loi doit être effectivement réprimée ». Effectivement. Mais, nous regrettons seulement qu’elle soit restée silencieuse sur une promesse de notre omniprésident de la République : la dépénalisation du droit des affaires.

Quand les médias s'emparent d'un fait délictueux, le gouvernement répond systématiquement en faisant voter une nouvelle loi ad hoc plus répressive. Or, chose étrange, la droite est demeurée très silencieuse lors de la publication du rapport de l'Autorité des marchés financiers sur les soupçons de délit d’initiés dans l'entreprise EADS. La justice risque de perdre beaucoup de son crédit et de son efficacité si elle s'éloigne du Citoyen et ne réprime plus les délits financiers qui sont généralement réservés à une élite. Inquiétant. La justice attendra que la droite ne soit plus au pouvoir.