renfort bureaucratique

un léger décalage...

Billet

M

Enième retour des chroniques bureaucratiques.

Chaque fois que nos pas ponctuent d'un point final une chronique puis cliquent sur l'onglet "enregistré", ils croient naïvement qu'il n'y aura pas de suite, tant la vie bureaucratique est routinière. Mais parfois, dans ce morne immeuble, un miracle se produit qui ajoute quelques couleurs à notre bureaucratique quotidien...

Le départ d'une collègue à la retraite et celui de ma chef ont quelque peu dégarni notre service.

La fin de l'année est une période toute particulière. Surtout pour la Boite. Alors donc, que noël se rapproche dangereusement, que les contrats doivent lus et relus, vus et revus, travaillés et retravaillés, négociés et renégociés, et enfin signés, deux collègues, et non des moindres, laissent tomber La Boite ! Impensable en ces temps de sarkoland...

La première fait valoir ses droits à la retraite, alors qu'elle aurait pu travailler encore cinq bonnes années ! C'est son choix comme dirait l'autre, mais avouez que fêter les soixante-dix ans d'une collègue ça aurait eu de la gueule non ? Ne faisons pas la fine bouche, Agnès s'est retirée après quarante années de bons et loyaux services pour La Boite. Tout cela mérite bien une fête. L'état-major de La Boite avait comme de coutume fait le déplacement. Pisser quotidiennement dans les mêmes cuvettes que ses subalternes collaborateurs est devenu, depuis peu, inconcevable pour ses membres, mais souhaiter une bonne retraite fait encore parti des usages de La Boite. Une sorte de b.a. que notre élite bureaucratique fexécute de manière fort religieuse.

Avant que direction et gueux se jettent sur les petits fours et trinquent, une coupe de champagne à la main, le PDG s'est placé au milieu d'un arc de cercle parfait pour retracer les grandes lignes de la carrière de la partante. Il y est question d'abnégation, de compétence, de service... On sent une pointe de regret dans ce discours qui déchire le coeur de chaque membre de l'assistance. Pour conclure cet éloge à la défunte retraitée, notre dieu à tous lui remet une belle médaille bien lourde et bien grosse qui représente le siège social de La Boite.

Vient ensuite le petit laiüs de la récipiendaire. Elle débute en affirmant être très très brève, mais n'étant pas habituée à discourir et visiblement portée par l'émotion, elle nous raconte son histoire à La Boite, une histoire sans queue ni tête, d'une banalité affligeante, celle de presque toute une vie, que chacun construit sans en avoir conscience...

Deuxième événement, le départ de notre chef pour un heureux événement. Même si entre deux siestes et deux exercices pour une grossesse sans douleur, la dame n'oublie pas de nous téléphoner ni d'envoyer quelques mails pour nous rappeler son indispensable présence-absence, La Boite a été contrainte au recrutement. Pour une fois, elle n'a ni embauché définitivement un collaborateur en CDI, ce qui devient rare, ni provisoirement un stagiaire ou un intérimaire. A été recrutée pour 6 mois, une avocate détachée de son cabinet. Comme l'a formulé notre cher directeur, il convenait de renforcer le service : "j'ai décidé de prendre Pénélope pour remonter le niveau du service dans cette délicate et décisive période..."

C'est ce qu'on appelle du management... Tout le monde a apprécié la formule. Pas mieux pour motiver les troupes et accueillir la recrue, non ? Heureusement la Pénélope est une jeune femme fort avenante et très sympa. Le genre de personne qui n'hésite à se confier. Car, elle a beau être issu d'un milieu social très très convenable, d'être liée à un fiancé qui travaille dans l'un des trois cabinets d'audit qui comptent dans le monde, et de réussir également sa vie privée et professionnelle, elle n'en a pas moins des soucis comme le commun des mortels...

Effectivement, mademoiselle et jeune homme Pénélope viennent d'acheter un appartement dans le VIIIème arrondissement. Pour situer le personnage, et sans caricaturer, sachez qu'elle estime que "le XVIème c'est déjà la zone"... C'est à ce moment-là que j'ai compris qu'elle me regardait les premiers temps comme un martien après lui avoir avoué résider dans le XVIIIème... Avant d'aménager quelques travaux sont habituellement nécessaires. Mais s'attacher les services de professionnels déclarés n'est point de tout repos. "La couleur, ce n'est pas du tout ce que nous voulons, il a mis du violet alors qu'on veut un salon mauve"... Quand je lui ai répondu qu'elle aurait mieux fait d'acheter ses pots de peinture et de peindre elle-même, Pénélope faillit tomber à la renverse ! Heureusement, pour oublier ces quelques petits ennuis, qu'y-a-t'il de mieux que de partir en week-end à Barcelone, New-york ou Tokyo ? Muni d'une conscience professionnelle à toute épreuve, votre humble scribe resta muet en opinant du chef pour ne pas décimer les effectifs de La Boite !