S. D. F. : de la mort sociale à la morgue.

un léger décalage...

Billet

Le SDF est devenu un marronnier des médias, c'est-à-dire un sujet régulièrement traité, à l'instar de l'immobilier, du sexe au boulot ou pendant les vacances, quand l'actualité n'est pas très riche... Et pourtant, il n'y a pas si longtemps...

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Nos villes ou nos arrondissements comptaient quelques vagabonds, chemineaux ou clochards. Ils faisaient partis du décor... Des légendes circulaient sur chacun d'eux. Untel était un ancien magistrat, un autre ancien chef d'entreprise... Ils avaient peut-être choisi la cloche, la marginalité...

A la fin des années 80, la crise de l'emploi s'aggravant, de restructurations en plans de licenciements, éliminant notamment la plupart des emplois peu qualifiés et désertifiant certains bassins industriels, le nombre des sans domicile fixe à considérablement cru . A tel point que la société leur a accolé un acronyme édulcoré : SDF. Depuis, leur nombre ne cesse d'augmenter.

Les politiques néo-libérales, profondément destructrices d'emplois, ont été incapables de faire respecter un droit constitutionnel, le droit à un logement. Même l'instauration du revenu minimum d'insertion (RMI) n'a pas permis d'enrayer ce mouvement. Cette aide sociale, signe tangible de la solidarité nationale à l'égard des plus pauvres, s'est toujours située en dessous du seuil de pauvreté.

Même la loi SRU, dans ses différentes versions, n'a pas été efficace pour offrir aux plus miséreux un logement social. La crise du logement et la précarisation du travail sont telles que certains travailleurs, mêmes dotés d'un emploi à durée indéterminée, sont SDF !

Les SDF sont devenus un tel phénomène social, touchant toutes les catégories sociales et les classes d'âges, que des plans grands froids dans chaque département ont été mis en place sous la présidence de Chirac. Ceux-ci doivent mieux organiser l'accueil d'urgence et les maraudes en période hivernale pour éviter que des SDF meurent de froid.

La mort d'un SDF est une mauvaise publicité pour tout gouvernement. Quoi qu'on dise, c'est la preuve d'une société profondément injuste, dans un des pays les plus riches au monde. C'est aussi la preuve que l'éradication de la pauvreté, et en général des inégalités les plus flagrantes, ne fait partie des priorités des politiques entreprises depuis plus de 20 ans.

D'ailleurs, on constate que :

  • le logement social est en crise;
  • le chômage demeure un phénomène de masse;
  • la précarité sociale s'accroit;
  • les droits des salariés et des chômeurs régressent.

La société ne dispose plus de "filets" sociaux... Par conséquent, on ne s'étonne plus qu'un sondage révèle que la peur de devenir SDF se renforce chaque année : 60 % en 2008 contre 47 % des Français. Personne n'a la certitude d'échapper à un tel destin... Il suffit d'un licenciement, d'un enchainement d'évènements...

Avec 20 ans de retard sur les sociétés du continent américain, le temps de se mettre économiquement et socialement en conformité avec le modèle néo-libéral, la France prend conscience que le phénomène social des SDF s'installe durablement, au point qu'en moyenne, un SDF meurt chaque jour .

L'arrivée au pouvoir de Sarkozy correspond à une amplification des réformes néo-libérales. Cette politique hautement destructrice de services publics et de solidarité sociale aggravera la situation sociale, et par ricochet celle des SDF. Les dernières tentatives de réforme de la loi SRU ne résoudront pas la crise du logement. Il en est de même pour le RSA qui n'est pas à la hauteur de la situation. De plus, en cette période de récession économique, les différentes lois et accords, style TEPA ou accord sur l'assurance-chômage signé récemment par la CFDT, représentent autant de reculs sociaux qui risquent de provoquer un accroissement de la population des sans-abri.

Au vu des statistiques, la condition de SDF est une mort sociale, dont l'issue la plus probable semble aujourd'hui la morgue...

Commentaires

1. Le mardi 13 janvier 2009, 10:42 par Etiam Rides

Et face à la montée de la précarité et à l'appauvrissement des salariés, pour ne pas poser la question qui fâche, la question sociale, on encourage à s'endetter.

Pour tout, pour rien. Normal: un pays qui ne s'endette pas est un pays qui n'a pas foi en l'avenir, comme disait l'autre.

Ainsi, on bloque les salaires, on rémunère le capital et au détour d'un prêt hypothécaire ou d'un prêt-relais, le malchanceux se transforme en marronnier pour journaleux pressé de partir en vacances.

2. Le mardi 13 janvier 2009, 18:46 par pas perdus

Tu as raison, on est loin de voir le bout du tunnel

3. Le mercredi 14 janvier 2009, 00:13 par Rébus

Le SDF a aussi l'utilité d'être un épouvantail moderne, il permet le rappel à l'ordre en soulignant ce qui peut arriver au moindre écart; Sois heureux de ton boulot, quel qu'il soit, et quelle que soit sa rémunération, sans lui, tu pourrais être "ça"...
D'ailleurs, le remplacement du "clodo" usuel par un acronyme est bien une déshumanisation complète du dit SDF

4. Le mercredi 14 janvier 2009, 18:51 par marie laure

Tout à fait d'accord avec Rébus.
Et avec l'article aussi.

5. Le mercredi 14 janvier 2009, 18:52 par pas perdus

Bien d'accord... Une vraie menace pour tout accepter...

6. Le jeudi 15 janvier 2009, 01:39 par Merachlor

Merci pour ce billet. N'oublions pas que l'on meure dans la rue tout au long de l'année.
L'explication de Rebus est la seule à laquelle je sois parvenu, sinon comment expliquer qu'aucun gouvernement n'ait jamais mis les moyens pour des centres décents et à taille humaine. C'est un effort d'investissement largement à la portée des finances du pays.

7. Le jeudi 15 janvier 2009, 07:02 par pas perdus

Il y a également de l'indifférence à l'égard de ces personnes qui ne votent pas... Autrement dit, ils ne sont pas de bons clients pour les politiques.

8. Le jeudi 15 janvier 2009, 11:59 par alf

j'allais parler d'épouvantail, Rébus l'a fait dès le premier com. on est tous bien d'accord, malheureusement

9. Le jeudi 15 janvier 2009, 13:39 par patrick

moi ce qui me scandalise c'est d'abord notre lâcheté à tous d'avoir laissé faire l'exclusion sous prétexte de garder notre petit confort, je me trouve haïssable, pas digne et si petit. maintenant ce n'est plus la peine d'en rajouter façon Boutin, elle dont l'idéologie a elle-même creusé ces fossés et les creuse davantage encore comme si les abîmes ne l'effrayaient pas. Sales gens.

10. Le jeudi 15 janvier 2009, 19:47 par pas perdus

C'est vrai Alf.

On ressent tous ça, comme un sentiment de culpabilité enfin ici... Mais, il est impossible individuellement de changer un système qui exclut. Ça rentre plutôt dans le cadre d'une lutte politique collective, non ?

11. Le vendredi 16 janvier 2009, 07:35 par patrick

longtemps j'ai fréquenté des bien-pensants, des "nouvel obs" avec des "on", l'état, "nous tous", on ne peut leur dénier leur sincérité comme aussi leur stérilité, leur absence de détermination. Individuellement, nous faisons beaucoup et mon ami largement plus que moi mais au regard des nécessités et des injustices, nous ne représentons que nous-mêmes, un peu comme ceux qui donnent à la quête du dimanche, la croyance en moins ou la volonté de se montrer.