Le crépuscule excite les fous.(...)
O nuit! ô rafraîchissantes ténèbres! vous êtes pour moi le signal d'une fête intérieure, vous êtes la délivrance d'une angoisse! Dans la solitude des plaines, dans les labyrinthes pierreux d'une capitale, scintillement des étoiles, explosion des lanternes, vous êtes le feu d'artifice de la déesse Liberté!
Crépuscule, comme vous êtes doux et tendre! Les lueurs roses qui traînent encore à l'horizon comme l'agonie du jour sous l'oppression victorieuse de sa nuit, les feux des candélabres qui font des taches d'un rouge opaque sur les dernières gloires du couchant, les lourdes draperies qu'une main invisible attire des profondeurs de l'Orient, imitent tous les sentiments compliqués qui luttent dans le cœur de l'homme aux heures solennelles de la vie.
On dirait encore une de ces robes étranges de danseuses, où une gaze transparente et sombre laisse entrevoir les splendeurs amorties d'une jupe éclatante, comme sous le noir présent transperce le délicieux passé; et les étoiles vacillantes d'or et d'argent, dont elle est semée, représentent ces feux de la fantaisie qui ne s'allument bien que sous le deuil profond de la Nuit.
Charles Baudelaire, Le Spleen de Paris.
4 réactions
1 De Stef - 20/02/2010, 13:43
Superbe Baudelaire, superbes photos, superbe quoi ^^
2 De des pas perdus - 20/02/2010, 17:23
Merci Stef
3 De Pensez BiBi - 20/02/2010, 20:41
La Nuit tombe et se relèvera.
Le Jour s'achève et n'en finit pas.
Lisant Baudelaire, entre l'Ere du Beau et l'Air du Temps, BiBi a bien aimé s'aérer sur cette page et y perdre ses pas.
4 De des pas perdus - 21/02/2010, 11:16
Une sinécure avant de se plonger dans les écrits des employés de Frère Lagardère...