Confessions d'une taupe à Pôle emploi

un léger décalage...

Billet

La lecture de Confessions d'une taupe à Pôle emploi s'avère fort réjouissante et instructive sur la nouvelle administration née de la volonté de notre notre omniprésident de la République. On découvre que le mode d'organisation interne et les objectifs assignés au personnel de Pôle emploi sont calqués sur le modèle fantasmé de l'entreprise privée :

«Mon boulot ? Vendre de faux espoirs à des gens qui n'en veulent plus. Les chômeurs consultent aujourd'hui nos offres avec autant de conviction que leur horoscope. L'amusement et l'optimisme en moins.»

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Les auteurs, Gaël Guisselin et Aude Rossigneux, dévoilent que la fusion administrative de l'ANPE et des ASSEDIC, exemple cité à maintes reprises par notre grand dirigeant, le cher leader Sarkozy, a été exclusivement conduite pour réaliser des économies budgétaires d'échelle...

Aussi, la gestion humaine, notamment la formation du personnel, les conditions de travail et l'accueil du public, avec des locaux inadaptés et parfois insalubres, ont été clairement mises au second rang des préoccupations lors de la création à la hussarde de Pôle emploi.

En matière de rationalisation des coûts, Pôle emploi, à l'instar du ministère de l'équipement, fait figure de pionnier dans la réforme des services de l'Etat, la fameuse RGPP. Avec les résultats suivants : la dégradation du service, les usagers mécontents et l'appel aux services très coûteux du secteur privé !

Les conseillers de Pôle emploi sont soumis à la triple pression de la hiérarchie, des chômeurs et des entreprises. Ces dernières demandant aux conseillers de leur dénicher un dispositif de retour à l'emploi le plus avantageux pour faire travailler à moindre coût. En dépit d'un nombre de "dossiers", toujours plus importants, les manques de moyens tant matériel, logistique et humain empêchent les conseillers de remplir correctement leurs tâches. Pire encore, leurs missions ont été dévoyées puisque la hiérarchie leur impose de radier chaque mois le maximum de chômeurs. L'objectif n'est plus de proposer des emplois aux usagers [1] clients mais de les éliminer des statistiques mensuelles du chômage :

«Les statistiques de l'emploi en France ? Une vaste blague ! (...) Pour ce qui concerne Pôle emploi, on peut y ajouter une déclaration de Churchill : "Je ne crois pas aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées".»

A lire...

Notes

[1] usager est devenu un mot quasiment interdit en interne

Commentaires

1. Le vendredi 2 juillet 2010, 20:13 par vildary

salut ! j'ai 51 ans chomeur depuis janvier 2010 , mon metier "plaquiste"OHQ ,comme je ne peux plus faire mon metier correctement a cause de problemes de santé , pole emploi ma noté comme manoeuvre !!!! si je ne cherche pas de travail seul , ils sont incapable de me proposer quelque chose , pire que tout j'avais demandé une formation , reponse : pas rentable !!!!!!!! merci pole emploi !

2. Le samedi 3 juillet 2010, 09:30 par des pas perdus

Merci pour votre témoignage qui confirme bien des choses lues dans ce bouquin ou entendues sur Pôle emploi.

3. Le dimanche 2 décembre 2012, 18:40 par atom

Je viens de lire le livre : je n'ai pas pu m’empêcher de vous copier un passage : Pas celui sur le coût du Logo :500 000 € (si si) ou le coût du nouveau nom (a peu prés la même chose) non un passage sur les contrats aidés :

Où les patrons jouent à cache-cache

Mon téléphone sonne. Un employeur au bout du fil. Il vient d’embaucher le client d’une de mes col-lè
gues. « Ça ne va pas le faire. Il ne va pas assez vite. Je vais être obligé de m’en séparer », m’explique-t-il. Je connais ce demandeur, il est au chômage depuis un moment et en souffre terriblement. Son couple tangue. Pas tellement le genre à rechigner. Je pousse un tantinet le patron dans ses retranchements. N’y a-t-il pas d’autre solution ? Ne peut-on pas attendre un peu ? Réponse : « Moi, je ne le garde que si vous me proposez un contrat aidé. » En d’autres termes, si ça lui coûte moins cher et si l’État prend en charge une partie des frais. D’un signe de sémaphore, j’avise la collègue qui gère habituellement ce dossier et place le combiné en mode silencieux pendant que le chef d’entreprise patiente et que je résume notre discussion. Ma camarade de bureau, soufflée d’indignation, m’arrache le téléphone et reprend la conversation : « Dites-moi, je ne comprends pas très bien. En fait, vous pensez que, si on vous établit un contrat aidé, votre employé travaillera mieux et plus vite, c’est ça ? » Silence puis dénégations outrées, qui ne suffiront hélas pas à sauver notre client.
Des exemples comme ça, chaque conseiller peut en citer des dizaines. Les contrats aidés ont transformé l’ANPE puis Pôle emploi en foire aux bestiaux. Les patrons appellent pour savoir à quelle « ristourne » – c’est le terme que nombre d’entre eux utilisent – ils auront droit en fonction de telle ou telle embauche. Phrases entendues : « Si je prends un chômeur de longue durée de plus de 50 ans, j’ai droit à quoi ? » ; « Et avec un handicapé, j’ai pas une réduction supplémentaire ? » ; « Bon, mais alors j’embauche quoi pour être totalement exonéré ? » (oui, il a bien dit « quoi », et pas « qui ») ; « Et si je vous en prends deux ? ». Combien de fois me suis-je mordu la langue pour ne pas répondre : « Mais bien sûr, et je vous fais un paquet cadeau ou c’est pour licencier tout de suite ? »

Autre jackpot pour les entreprises, elles ont la possibilité de gagner de l’argent en embauchant. Voilà une des astuces que le conseiller, en bon VRP de l’emploi, doit vendre aux employeurs lors de ses VE, les « visites entreprises ». Un terme élégant pour « tournée des popotes ». La plupart des boîtes se passent volontiers de Pôle emploi, il faut par conséquent prospecter auprès d’elles pour conquérir… des parts de marché. Après avoir ciblé les sociétés susceptibles de recruter, me voilà en route. Avec mon véhicule, et à mes frais. Dans ma précédente agence, nous avions chacun un quota minimal de dix VE par mois.
Je pars donc en balade commerciale, besace remplie de documents élogieux sur nos actions, nos ser-vices. Je vends mes produits : du demandeur garanti pas cher, avec promotion sur les contrats aidés. J’arrive parfois avec les CV de certains clients. J’ai auparavant soigneusement étudié les avantages auxquels ils donnent droit et qui vont me permettre de brader du salarié. De fait, je participe à la déréglementation du marché, je casse les prix.

La palme de la bonne affaire est indiscutablement attribuée à « l’évaluation en milieu de travail », l’EMT. Il fallait y penser. De même qu’un acheteur veut tester la marchandise avant d’investir, on considère que l’employeur peut souhaiter éprouver les compétences d’une éventuelle recrue. Pôle emploi lui propose donc d’en juger par lui-même en mettant à sa disposition un demandeur d’emploi pendant dix jours. Aucun coût pour l’entreprise, elle ne verse pas de rémunération au chômeur, qui continue de percevoir ses prestations. Mieux, l’entreprise est rémunérée : environ 2 € par heure pendant la durée de l’EMT. Pour quatre-vingts heures maximum, l’employeur touchera jusqu’à 160 € en bout de course. Il n’y a pas de petit profit. Cette période terminée, le supposé embaucheur peut évidemment décider d’en rester là. Le candidat, lui, aura travaillé pour le même prix que son chômage, dans les mêmes conditions matérielles que ses très provisoires collègues, et souvent engagé des frais de garde d’enfants, de transports ou de restauration.
De son côté, le chef d’entreprise toujours à la recherche de main-d’œuvre pourra récidiver et proposer de nouveau à un chômeur de travailler plus, pour ne rien gagner. C’est ainsi que certains emplois saisonniers sont pourvus grâce aux EMT. De quinzaine en quinzaine, ni vu ni connu, aux frais de Pôle emploi.

4. Le lundi 3 décembre 2012, 18:15 par des pas perdus

Merci pour cet extrait, je le placerais bien dans un nouveau billet.