Comme un écho errant (Jean Meckert)

un léger décalage...

Billet

« Deux ou trois mille morts dans les combats, mince détails ! Le vrai scandale, perpétué aux otages, c'était la mort de deux généraux et d'un archevêque, gens de la Caste supérieure qui n'avaient pas eu le loisir de pourrir dans leurs draps. Alors, pour trois têtes de pipe on avait multiplié par dix mille. Trente mille fusillés et le double de déportés ! Paris vidé, génocide d'un peuple amoureux qui avait eu un brin de soleil au cœur et avait osé hisser le rouge à l'Hôtel de ville.»

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Comme un écho errant est à la fois un roman et une autobiographie, écrit à la troisième personne du singulier, probablement par pudeur, tant l'auteur se livre.

Jean Meckert, connu également sous le pseudonyme de Jean Amila, évoque ici son présent et son passé, et surtout son rapport aux siens en essayant de recoller les morceaux épars de sa mémoire après une agression qui faillit lui couter la vie.

« C'était comme un film auquel il aurait manqué des bobines, comme un feuilleton dont on aurait sauté des épisodes. Plus rien ne refaisait surface.»

Grâce au soutien de sa sœur, il tente de reprendre le fil de sa vie, mais la mémoire lui joue des tours. Des souvenirs très précis de sa jeunesse remontent alors qu'il a peine à retrouver ceux de sa vie d'homme adulte. Il relit ses propres livres, puis toute sa bibliothèque... Il mène en quelque sorte sa propre enquête sur lui-même. Au fil du temps, des avancées et des renoncements à retrouver l'intégralité de sa propre histoire, l'enquête devient méditation philosophique :

« On ne pouvait pas enseigner la fraternité, on la ressentait directe en ses profondeurs, en même temps qu'on pouvait prendre conscience des deux seules grandes évidences sociales : sa propre existence et celle de l'Espèce toute entière, en dehors de quoi tout était inventé et donc artificiel, à commencer par les diverses communautés plus ou moins sacralisées au nom desquelles on assassinait en permanence.»

Le vieil auteur porte un regard lucide, attendri et plein d'amour sur sa vieille mère - ouvrière et fidèle à l'anarchie, et sur sa sœur, ancienne concubine d'un militaire, avec laquelle il a de profondes divergences politiques. Le décès des deux femmes oblige le vieil auteur à s'interroger sur son propre destin, l'écolier orphelin, l'apprenti à l'usine, et puis le romancier salué par Gide, contraint d'écrire des romains noirs pour faire bouillir la marmite, avec toujours en lui l'image mythique du père mutin exécuté en 1917.

« Il lui avait appris qu'elle n'avait pas à s'écraser devant ses patrons, que le drapeau n'était que torchon médaillé, les hymnes nationaux des borborygmes de poivrots, et qu'il ne fallait pas se priver de crier : "Crois ! Crois ! Crois !" devant le pape et ses corbeaux.»

Comme un écho errant est un récit passionnant et inédit. C'est une excellente porte d'entrée pour découvrir un auteur important, trop méconnu.

Commentaires

1. Le mardi 14 août 2012, 16:48 par wayfarer

Salut, j`ai vraiment aimé votre article. Je ne suis pas forte dans le sujet, avez-vous d`autres articles sur le même sujet ?
Continuez comme ça, c`est toujours agréable de lire votre blog !

Laure.

2. Le vendredi 17 août 2012, 09:03 par des pas perdus

Merci. Ces articles - là sont la rubrique Coups de coeur.