« allo, l'impuissance publique du redressement ? »

un léger décalage...

Billet

En juillet dernier, pendant nos vacances, l'annonce de la fermeture de l'usine PSA à Aulnay a fait descendre le nouveau pouvoir de son confortable nuage rose et vert pâle.

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C'est à cette époque que le ministre du redressement productif a fait un coup de communication en réunissant les représentants des compagnies de téléphonie, Orange l'opérateur historique, SFR, Bouygues et Free.

Orange, SFR et Bouygues qui ne peuvent plus autant se gaver depuis l'arrivée d'un nouvel opérateur, se comportent comme des toxicomanes sevrés, prêts à toutes les forfaitures pour conserver leur dose.

Il est facile de comprendre qu'il est difficile de changer pour ces trois-là, qui s'entendent comme larrons en foire, après plus de 15 ans de profits colossaux pour le plus grand bonheur des actionnaires.

Aussi, furent-ils contraints de revoir leurs forfaits téléphoniques et internet après avoir vainement tenté de démontrer que le nouvel opérateur ne respectait pas certaines normes en termes de qualité ou de légalité.

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Du coup, la réunion entre Montebourg et ces compagnies fut une aubaine pour tous les participants. Un bon coup de communication dont tous les médias dominants se sont régalés, d'autant plus allégrement que les pubs desdites entreprises, fort nombreuses, représentent une manne financière importante pour ces médias très indépendants.

Le deal entre le gouvernement et ces entreprises serait le suivant : faire payer les consommateurs pour financer les centres d'appels (hotline) et leurs milliers d'emplois en France .

Connaissant le fonctionnement des hotlines et les minutes qui défilent par dizaines sans que le client n'ait commencé à exposer son problème technique, on mesure l'entourloupe même si au total, la somme ne s'élèverait qu'à quelques centimes d'euros par mois en la répartissant sur l'ensemble de la clientèle.

Au-delà de cette arnaque anecdotique et grossière au nom de l'emploi, ce dossier est riche d'enseignements :

1 : l'ouverture du marché de la téléphonie a permis durant près 20 ans à trois entreprises de se gaver avec des forfaits abscons aux tarifs élevés, afin d'enrichir impunément une poignée d'actionnaires au détriment des clients et des salariés.

2 : la privatisation de France télécom a été un désastre en termes d'emplois stables, de précarité sociale et de dégradation sans précédent des conditions de travail dans l'ensemble du secteur. De plus, en termes d'innovations techniques décisives, la contribution de ces acteurs est proche du néant.

3 : la loi Rocard-Quilès relative aux postes et télécommunications a représenté, dès le début des années 90, la phase expérimentale de ce qui va s'appeler la RGPP. Elle s'est ensuite généralisée dans les fonctions publiques d'Etat et hospitalière sous l'ère Sarkozy et se poursuit "normalement" sous Hollande.

4 : le démantèlement du service public des postes et télécommunications n'a pas représenté un progrès pour la société. Un bien public, un bien commun a été vendu à vil prix à quelques capitalistes en mal de nouveaux marchés. En 1990, au nom de la modernisation, il fallait séparer les deux secteurs d'activité, officiellement dans une logique industrielle, mais en fait pour préparer la privatisation... Et aujourd'hui, La Poste vend des forfaits téléphoniques, et la notion de service public est un lointain souvenir dans les deux entreprises issues du ministère des PTT.

5: le pouvoir politique est volontairement impuissant, incapable de défendre l'intérêt général face à des sociétés privées. Il est tout de même stupéfiant que des sociétés privées qui exploitent un domaine public exercent un tel chantage à l'emploi.

Cette gauche, dite socialiste et écologiste, s'est peu-à-peu laissée gangréner par l'idéologie libérale. En l'espèce, elle accrédite la thèse libérale que l'emploi est trop cher en France, alors qu'in fine, le surcoût qui sera payé par les consommateurs ne servira qu'à préserver le taux de profit de ces sociétés, et non l'emploi !

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Pourtant, l'Etat n'est pas un acteur démuni. Le droit accorde à la puissance publique des prérogatives exorbitantes du droit commun pour défendre et préserver l'intérêt général. Alors, l'intérêt général ne devrait-il pas commander à l'État d'imposer des conditions, dont certaines relatives à l'emploi aux exploitants privés du domaine public ?

Pourquoi donc la puissance publique n'impose-t-elle pas un cahier des charges qui interdirait toute délocalisation ? Si ces entreprises refusent, d'autres moins gourmandes seront sans doute prêtes à les remplacer.

Et puis, pourquoi faudrait-il laisser l'exploitation des télécommunications à des entreprises privées dont les intérêts qui les guident se sont révélés incompatibles avec l'intérêt général ?

Bref, pour l'heure, le nouveau pouvoir fait preuve de suivisme et d'immobilisme dans ce dossier pour le plus grand profil du capital.

Dis-moi camarade batave, le volontarisme de gauche, c'est maintenant ?

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Commentaires

1. Le mercredi 22 août 2012, 10:50 par Lou

Oui.
Le redressement contre-productif ne date pas du printemps de la rose.
Jadis, dans un autobus parisien, il y avait deux employés : le conducteur et le receveur. Aujourd'hui, il reste un conducteur-receveur qui doit tenir le volant en vendant des tickets, conduire dans le brouhaha des voyageurs et éviter les accrochages dans une circulation devenue délirante.
Jadis, dans une station de métro de la RATP, il y avait un chef de gare, souvent assisté d'un adjoint qui se tenait dans le bureau pendant que le chef faisait partir la rame, et un poinçonneur. Dans chaque rame, il y avait un conducteur et un chef de train qui ouvrait et fermait les portes sans coincer le gamin turbulent ou la mémé arthrosée, il connaissait même le métro : on pouvait lui demander (comme au poinçonneur) comment aller de la Bastille à Denfert-Rochereau et où changer de ligne. Dans certaines stations équipées d'un ascenseur, il y avait un employé d'ascenseur, on lui donnait 2 centimes (en anciens francs), 5 centimes pour les 1e classe. Aujourd'hui, sur les quais, rien. Il y a quelqu'un, quelque part, devant un mur d'écrans, il voit, il fait son rapport. Dans le train, un conducteur - en province, même pas, ça roule tout seul.
Même topo pour la SNCF, Air France et autres compagnies.
Certes, direz-vous, mais la fabrication des machines automatiques a créé des emplois.
Oui, mais non. La robotisation a été le moteur de la délocalisation. On n'aurait jamais délocalisé un poinçonneur pour contrôler depuis Tombouctou le titre de transport d'un voyageur parisien.
Certes, mais on a créé des emplois de vigiles.
Ah ! Le beau métier valorisant et motivant pour la jeunesse, pour l'entraîner à faire des études techniques spécialisées - parce que cela s'apprend d'avoir un plan du métro dans la mémoire.
Certes, mais ailleurs, c'est pareil.
C'est vrai. En URSS, il n'y avait pas de chômage ni de misère (je ne parle pas de pauvreté). En Russie libérée, on a seulement gardé le goulag, tout peut resservir dans une démocratie libérée ou des punkettes ne peuvent pas chanter leur chanson.

  • * *

Des pas, je viens de t'inviter sur facebook. Je l'avais annoncé (tu verras, c'est récent) : il y en a un que j'inviterais bien et qui accepterait, mais (ici, inspiration de Pierre Desproges) on me dirait que des communistes se sont glissés dans la salle, ce à quoi je répondais que j'aimais autant me fâcher avec les communistes qu'avec les anticommunistes parce qu'ils sont bien moins nombreux.

2. Le mercredi 22 août 2012, 10:51 par Lou

Oui.
Le redressement contre-productif ne date pas du printemps de la rose.
Jadis, dans un autobus parisien, il y avait deux employés : le conducteur et le receveur. Aujourd'hui, il reste un conducteur-receveur qui doit tenir le volant en vendant des tickets, conduire dans le brouhaha des voyageurs et éviter les accrochages dans une circulation devenue délirante.
Jadis, dans une station de métro de la RATP, il y avait un chef de gare, souvent assisté d'un adjoint qui se tenait dans le bureau pendant que le chef faisait partir la rame, et un poinçonneur. Dans chaque rame, il y avait un conducteur et un chef de train qui ouvrait et fermait les portes sans coincer le gamin turbulent ou la mémé arthrosée, il connaissait même le métro : on pouvait lui demander (comme au poinçonneur) comment aller de la Bastille à Denfert-Rochereau et où changer de ligne. Dans certaines stations équipées d'un ascenseur, il y avait un employé d'ascenseur, on lui donnait 2 centimes (en anciens francs), 5 centimes pour les 1e classe. Aujourd'hui, sur les quais, rien. Il y a quelqu'un, quelque part, devant un mur d'écrans, il voit, il fait son rapport. Dans le train, un conducteur - en province, même pas, ça roule tout seul.
Même topo pour la SNCF, Air France et autres compagnies.
Certes, direz-vous, mais la fabrication des machines automatiques a créé des emplois.
Oui, mais non. La robotisation a été le moteur de la délocalisation. On n'aurait jamais délocalisé un poinçonneur pour contrôler depuis Tombouctou le titre de transport d'un voyageur parisien.
Certes, mais on a créé des emplois de vigiles.
Ah ! Le beau métier valorisant et motivant pour la jeunesse, pour l'entraîner à faire des études techniques spécialisées - parce que cela s'apprend d'avoir un plan du métro dans la mémoire.
Certes, mais ailleurs, c'est pareil.
C'est vrai. En URSS, il n'y avait pas de chômage ni de misère (je ne parle pas de pauvreté). En Russie libérée, on a seulement gardé le goulag, tout peut resservir dans une démocratie libérée ou des punkettes ne peuvent pas chanter leur chanson.

  • * *

Des pas, je viens de t'inviter sur facebook. Je l'avais annoncé (tu verras, c'est récent) : il y en a un que j'inviterais bien et qui accepterait, mais (ici, inspiration de Pierre Desproges) on me dirait que des communistes se sont glissés dans la salle, ce à quoi je répondais que j'aimais autant me fâcher avec les communistes qu'avec les anticommunistes parce qu'ils sont bien moins nombreux.

3. Le mercredi 22 août 2012, 11:39 par jacques G.

On nous plume depuis des années,doucement mais surement,la finance nous enlevera jusqu'a notre slip...Tout part en couilles dans ce pays,la faute a pas de chance,la faute a la mondialisation,les fautifs se sont tous ces politiques,tous bords confondus...La doite on la connait,nazi pendant les guerres et catholiques entre elles comme disait J.BREL,Mais cette gauche qui devait porter l'espoir du peuple,prendre en compte les petites gens,remettre l'humain au coeur des débats,socialiste qui disent,pas plus socialiste que je suis franc maçon...c'est plus facile de démonter un camp de roms plutot que d'arreter les évadés fiscaux...Apres on va s'étonner chez les experts des sondages que le français ne vote plus..De la grande bouffonnerie comme disait NTM

4. Le jeudi 23 août 2012, 17:47 par des pas perdus

Lou entre la Russie actuelle et l'URSS, je ne choisis pas...

Jacques, je te trouve pessimiste !

5. Le vendredi 24 août 2012, 09:47 par Lou

Des pas, tu n'as pas à choisir, tu n'y peux rien. Les Russes, eux, sont en train de revoir leur choix - ou plutôt le choix qui leur a été imposé par l'Occident.

Tiens ? Occident, le nom me rappelle quelque chose. J'ai eu un élève qui avait de mauvaises fréquentations (aux dires-mêmes de sa mère) : dans une dissertation sur Chateaubriand, il avait trouvé le moyen de me parler de l'araignée rouge !

Et puis... j'ai dit 'Russie', j'aurais pu dire 'Chine'. Un prolétaire de là-bas vient de s'offrir un petit château en Bourgogne, avec la vigne et le cru attenants, pour la modique somme de 8 millions d'euros.
http://www.lepoint.fr/vin/vins-le-g...
Tu me diras que tu préfères la cuvée de Montmartre et que tu ne visites pas les châteaux.
: - )

6. Le dimanche 26 août 2012, 07:18 par des pas perdus

Si si je les visite ! ;-)