Lointain souvenir de la peau

« Les secrets et les mensonges vous bouffent de l'intérieur jusqu'à ce qu'il ne vous reste qu'une peau mince et dure semblable à la coquille d'un de ces œufs dans lesquels on perce un petit trou pour les vider de leur contenu avant de les peindre pour Pâques. »

Par le biais de ce récit, Russel Banks dévoile une nouvelle fois l'envers du rêve américain : l'exclusion sociale et le règne de l'individualisme. Il montre combien la justice américaine ou californienne est bancale et injuste, n'ayant qu'un seul objectif, punir sans se préoccuper de la réinsertion sociale. Combien le système ne s'intéresse pas aux causes de la délinquance et contribue à jeter et à maintenir dans l'exclusion, la misère et la délinquance des individus.

« Ce n'est qu'un rêve, se dit-il, un putain de rêve.Si je réussi à me réveiller, tout ira bien et je serais de nouveau au paradis. Il ne va rien m'arriver de vraiment dur. Je ne serais pas un loser sans domicile, un mec sans amis et sans famille vers qui se tourner pour avoir un peu de réconfort, d'aide et de compagnie.»

Accessoirement, Banks illustre la force d'un système impitoyable et inhumain, aux pouvoirs illimités, échappant à tout contrôle, broyant n'importe qui, même ses propres serviteurs, manipulant les individus et la société.

« Je ne serai pas un délinquant sexuel pitoyable, soumis plus ou moins toujours à des clauses de libération conditionnelle avec un bracelet électronique collé à la cheville. Je ne serai pas un ex-addict de la branlette, un ex-fana de la pornographie viré de l'armée et sans boulot (…). Si seulement j'arrive à me réveiller et à m'arrêter de rêver, j'arrêterai d'être moi ! »

Enfin, et c'est ce qui nous a le plus passionné, l'auteur essaie tout au long du récit, de comprendre en relatant leurs vies, leurs pensées intimes et leurs secrets, comment ces deux individus sont devenus ce qu'ils sont , l'un basculant vers la déchéance sociale et l'autre vers la reconnaissance sociale.

Sans l'ombre d'une hésitation, Lointain souvenir de la peau est un grand roman qui rappelle d'ailleurs Sous le règne de Bones. A lire.