Travaux (Georges Navel)

un léger décalage...

Billet

« Il avait plus de soixante ans, il allait vers sa quarantième année de présence à l'usine. (...) On l'avait félicité bien souvent d'être un père de famille nombreuse, d'être un ouvrier fidèle. Il avait été bon soldat, il s'étonnait qu'on l'ait mis dans un poste ausi dur, "à l'intempérie", comme il disait, en récompense de sa vie de brave homme. Les beaux messieurs de l'usine et de la République lui paraissaient manquer d'honnêteté des actes aux discours. »

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Georges Navel est né au début du XXième siècle dans une famille nombreuse, assez représentative de ses familles paysannes dont les pères et les fils durent quitter la ferme pour la ville et l'usine. La terre ne permettait pas de vivre mais de faire à peine l'appoint des salaires de misère.

« Le travail ne justifie rien. Le travail justifie le charron dans un village. Incontestablement il voit les services qu'il rend. (...) Il ne justifie pas le travailleur de la grande industrie qui produit pour la guerre ou pour les besoins de la classe privilégiée (...). »

La pauvreté qu'il a toujours connue, l'usine, les rapports professionnels et surtout l'un de ses frères syndicalistes lui ouvrent les yeux sur sa condition sociale et lui donnent un inextinguible sentiment d'appartenance à la classe ouvrière.

« On était déjà loin des grèves de 1919. J'avais le cafard. J'étais trop tôt rentré dans la vie consciente, j'avais trop lu, j'étais trop sorti. L'atelier mal aéré, obscur, était aussi déprimant. A l'étau, je ruminais des idées noires. Des doutes me gagnaient. Je ne parvenais pas à croire possible la transformation de la société bourgeoise en société communiste libertaire. »

Il raconte simplement sa vie et surtout son absolu besoin de liberté qui le poussera à quitter l'usine.

« Je commençais à croire, on me l'avait appris, qu'il n'existe qu'une sorte de liberté, celle de gouverner ses pensées, et que tout le reste n'est que dépendance, et je m'efforçais de chasser les remous de tristesse. »

Il deviendra saisonnier, vendangeur, cueilleur de pêche, terrassier... Il retournera à l'usine quand les conditions de travailleur indépendant seront trop dures.

« Ma réalité, c'était le travail. J'acceptais. Travailler pour la société et non pas pour un parasite quelconque ça m'aurait plu. En attendant, je ne voulais pas faire du travail une malédiction. »

Travaux est un recueil de récits passionnants, très bien écrits, sans emphase ni misérabilisme, où l'on découvre des épisodes de la vie de Georges Navel, ses amours, son travail, ses espérances, ses doutes, ses déprimes, ses galères et ses joies.

Un grand merci à Hubert qui nous l'a fait découvrir sur son blog : Un partageux.

Commentaires

1. Le jeudi 13 septembre 2012, 13:49 par Un partageux

Puisque tu as aimé, pour ta punition, je ferai un jour une petite chronique sur une autre belle voix d'en bas. Pour ta punition puisque cela te fera encore un livre à lire... ;o) Bonne journée, mon camarade.

2. Le jeudi 13 septembre 2012, 17:41 par des pas perdus

Avec plaisir.