Le narrateur introduit le récit en confiant qu'il a découvert trois paquets de lettres dans la cellule n°73 d'une prison désaffectée :
« Délocalisation. Ne signifie pas seulement le transfert de la production et des services dans un lieu où la main d'œuvre est moins chère, mais aussi l'annulation de tous les lieux de production antérieurs, de sorte que le monde entier devienne un Nulle part, une marée de finances. »
Pour l'essentiel, il s'agit de la correspondance d'une femme, Aïcha à l'homme qu'elle aime, Xavier, emprisonné pour des raisons politiques. Dans ses lettres où elle narre son quotidien, les faits et gestes banals ainsi que les actes de résistance, transparaissent les bonheurs de sa vie, les malheurs qui s'abattent injustement sur les siens, la lutte contre un pouvoir autoritaire ou à une armée d'occupation, l'amour et l'espoir envers et contre tous, et surtout l'absence qu'elle combat en lui écrivant et en se remémorant le temps où ils étaient ensemble.
« FMI, BM, GATT,OMC, ALENA,ZLEA - leurs acronymes musèlent la langue, comme leurs actions étouffent le monde. »
L'une des originalités tient à l'absence des lettres de Xavier et à l'incertitude du pays, ce qui renforce le caractère réel et universel du roman. Toutefois, le lecteur se repaît des annotations, ô combien justes, écrites par le prisonnier au verseau des lettres.
« L'enfer est une invention des ploutocrates; son but premier était de détourner l'attention des pauvres de leur détresse. D'abord par la menace d'une condition plus dure encore. Et ensuite par la promesse, à condition qu'ils se montrent obéissants et loyaux, que, dans une autre vie, au royaume des cieux, ils jouiraient des biens que la richesse peut acquérir ici-bas, et de plus encore. (...) Les supplices actuels sont allés plus loin. Plus besoin d'évoquer un enfer dans l'au-delà. Un enfer réservé aux exclus se construit ici-bas, pour proclamer la même chose : que seule la richesse peut donner un sens à la vie. »
Dans de A à X, John Berger a réussi le tour de force d'écrire un récit épistolaire passionnant à la fois poétique et politique. A lire...
« Ici, me dit-il en m'indiquant les hommes en train de se faire coiffer, ou raser, il y a plus de vérités qui se disent que dans le plupart des prières ! »
Commentaires
Ah oui, cela doit être passionnant. Dommage : ces temps-ci j'ai tant de livres à lire ! Le dernier, "Les secrets de la Réserve Fédérale", est un beau pavé.
En plus, je n'ai pas fini mon boulot de correction sur un essai d'un copain à propos de l'anarchie (imprimé, il fait 200 pages A4).
(à propos, qu'est cette indication : "imprimer avec Joliprint" ?)
Les retraités sont très occupés ;-))
Ca paraît intéressant.
Le roman par lettres n'est plus très à la mode. Si c'est un roman... En tout cas, c'est sûrement politique, je ne pose même plus la question. J'ai encore 'Oakland', pour février, peut-être.
Et ici
http://www.libellus-libellus.fr/art...
un article politique qui te doit beaucoup.
Et demain, tu sauras tout sur Eugène Beckett et Samuel Ionesco !
Je n'avais pas vu cette remarque perfide qui vient de s'inscrire en 2.
Je retiens...
un simple constat Lou !