Moi Jérôme C, 60 ans, drogué, prostitué...

« Moi Jérôme C, 60 ans, drogué, prostitué, je ne demande pas votre pitié mais juste un peu d'humanité et de compréhension. S'il vous plait, cessez de vous acharner sur moi, merci.

Depuis bientôt un mois, je vis une chute terrible.

Je suis à l'heure des choix.

Je me pose des questions existentielles.

Dois-je payer mes modestes consommations en utilisant ma carte de crédit ou en retirant quelques dizaines d'euros de mon livret A ? Dois-je faire appel à mon avocat spécialisé pour transférer mes maigres avoirs de Singapour sur mon compte postal ? Ou troquer quelques Rolex au carré des biffins aux abords de la porte Montmartre?

Bref, ma vie est devenue un enfer.

J'ai quitté Paris dans la précipitation pour la Corse, et depuis je me tape toutes les étapes du tour de France 2013 avec 3 mois d'avance dans l'anonymat et le dénuement le plus complet.

J'ai perdu mon job, ma femme a demandé le divorce et j'en suis réduit à dormir dans ma bagnole. Pour vous dire à quel point je suis dans la panade, un pharmacien m'a même expulsé manu militari de son officine comme si je puais le chacal.

Je tombe de haut.

De très haut.

Drogué au flouze, au blé, à la thune, à la fraîche, à l'euro, au dollar, à l'oseille, à l'aubert, à l'avoir, aux deniers, aux espèces, aux billets, à la carte de crédits, aux fonds sans fond, au grisbi, à la mitraille, à la monnaie, à la picaille, au pognon, au pèze, aux pépètes, au quibus, aux radis, aux ronds, aux sous, aux francs suisses, j'évoluais dans les hautes sphères.

Si haut que j'avais l'impression de voler...

Drogué à la maille, au flouze, au blé, à la thune, à la fraîche, à l'euro, au dollar, à l'oseille, à l'aubert, à l'avoir, aux deniers, aux espèces, aux billets, à la carte de crédits, aux fonds sans fond, au grisbi, à la mitraille, à la monnaie, à la picaille, au pognon, au pèze, aux pépètes, au quibus, aux radis, aux ronds, aux sous, aux francs suisses, aux écus, je prenais même du plaisir à palucher mes électeurs en province le week-end...

Je suis en manque comme un requin hors période estivale sur les côtes de la Réunion.

Prostitué à la finance, à la maille, au flouze, au blé, à la thune, à la fraîche, à l'euro, au dollar, à l'oseille, à l'aubert, à l'avoir, aux deniers, aux espèces, aux billets, à la carte de crédits, aux fonds sans fond, au grisbi, à mitraille, à la monnaie, à la picaille, au pognon, au napoléon, au pèze, aux pépètes, au quibus, aux radis, aux ronds, aux sous, aux francs suisses, aux écus, aux lingots et au blanchiment, je fréquentais assidûment des investisseurs, des banquiers, des patrons, des capitalistes, des avocats spécialisés dans l'optimisation fiscale, des milliardaires mécènes, d'anciens syndicalistes think tankisés, des éléphants proches de DSK, et d'anciens hauts-fonctionnaires reconvertis en traders.

Prostitué au Capital, je faisais des pompes à la finance et des coupes budgétaires. Je prenais mon pied à donner d'une main des milliards d'euros des impôts au patronat et de l'autre à serrer le budget de la fonction publique, des affaires sociales et de la santé, à prendre par derrière le prolo qui espérait voir son pouvoir d'achat augmenter après mai 2012, et la position du missionnaire pour imposer sans ménagement la règle d'or.

Aujourd'hui, je me sens cocufié par mon parti alors qu'il prêche la religion du capital avec la foi du dernier converti. Qu'ai-je fait, sinon aller jusqu'au bout de la logique capitaliste en plaçant au mieux mes maigres économies gagnées cheveu par cheveu ? Qu'ai-je fait sinon mentir comme tout le gouvernement et la direction du parti qui affirment que la France est gouvernée à gauche alors que c'est l'inverse !

Je me sens à poil ! Tellement trahi par le PS, Hollande, Ayrault et toute la bande que j'en deviendrais presque socialiste pour la première fois de ma vie !

Tiens, si je pouvais, j'irais marcher le 5 mai prochain pour la VIème République ! »