La finance est mon métier

un léger décalage...

Billet

Le conseil supérieur de l'internet civilisé créé par Sarkozy et amélioré par Hollande ordonne au webmaster de publier le discours, ci-dessous, conformément aux dispositions du décret relatif à la liberté d'expression et d'information dans l'internet civilisé :

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« Monsieur le Président de la République, cher ami,

Bien entendu, c'est avec émotion que je vous remercie, Monsieur le Président, de m'avoir nommé au grade de Commandeur de la légion d'honneur à 70 ans. Je remercie aussi l'un de vos plus proches conseillers, mon fils, qui a proposé ma modeste personne à cette haute gratification.

Bien entendu, derrière l'homme d'affaires qui brasse des millions d'euros et de dollars se cache un patriote qui se bat pour le rayonnement international de la France et un humaniste qui avec sa fondation familiale apporte de l'aide aux plus démunis en leur donnant une seconde chance et une part du rêve français.

Bien entendu, j'ai en cet instant une pensée pour Père qui coule une retraite dorée active en participant à quelques Conseils d'administration de grandes entreprises avec les nôtres, je pense à notre ami commun Michel Pébereau qui a tant œuvré pour l'intérêt général.

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Bien entendu, puisque nous sommes en petit comité, permettez-moi de vous délivrer quelques confidences :

Durant les trente glorieuses alors que la France était devenue l'Union soviétique du monde occidental, je fis le choix audacieux d'entrer dans la fonction publique.

Bien entendu, par rapport au standing et au train de vie de notre famille, la carrière de haut fonctionnaire au ministère des finances représentait un véritable sacrifice. Je vous ferais grâce de la litanie des appartements de fonction au goût douteux que ma famille et moi devions systématiquement faire redécorer grâce à la ligne budgétaire idoine de l'État, du mobilier national vieillot, et du petit personnel fonctionnaire incompétent et feignant (excusez ce quintuple pléonasme) qui était à notre disposition 7 jours sur 7, 24 heures sur 24.

Dans cet enfer keynésio-bureaucratique, j'ai réussi à convaincre les politiques qu'il fallait lutter contre l'inflation, ce mal qui rongeait l'économie française et les petites économies de nos compatriotes. Par conséquent, le président Pompidou, un ancien collègue de Père à la banque, fit voter la loi n° 73-7 du 3 janvier 1973 qui interdit à la Banque de France de délivrer des prêts à l'État. Depuis, ce sont les banques privées qui accordent naturellement des prêts à l'État à leurs conditions...

Bien entendu, la Banque Familiale Privée (BFP) de Père fit preuve de patriotisme en accordant des prêts à des taux d'intérêt modestes à l'État grâce aux titres qu'elle avait elle-même empruntés à la banque de France à un taux proche de 0 %. Un mécanisme win-win, renforcé par les traités européens, qui permet aux banques privées d'empocher à coup-sûr un petit pactole de plusieurs millions d'euros à chaque emprunt d'État.

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Bien entendu, 10 ans plus tard, après le court épisode vintage du 10 mai 81, la gauche décida enfin de moderniser le pays en respectant scrupuleusement les recommandations de la Commission européenne. La chute du rideau de fer accéléra les processus de désengagement étatique dans le domaine économique et de libéralisation de tous les marchés. Je garde en mémoire, Monsieur le Président votre courageux et visionnaire discours du 6 mai 1992.

Bien entendu, la droite et le PS - avec l'accord tacite du Front national et des médias officiels - ringardisèrent la lutte des classes et libéralisèrent le talent des entrepreneurs : fiscalité directe allégée, multiplication des niches fiscales, cadeaux fiscaux pour lutter efficacement contre le chômage, privatisations tous azimuts, zones franches, emplois subventionnés, et surtout libéralisation des marchés financiers qui permirent à la BFP de Père de créer des produits financiers complexes et d'investir massivement dans les paradis fiscaux.

Bien entendu, à mesure que l'État réduisait volontairement ses ressources fiscales et vendait ses actifs, la BFP de Père et les autres institutions financières lui accordaient de nombreux prêts et à des taux d'intérêts substantiels.

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Bien entendu, je fus nommé à la tête d'une grande banque publique quelques mois avant sa privatisation. Le courageux sacrifice de mon statut de haut fonctionnaire fut à peine compensé par une série d'augmentations non-stop de ma rémunération de base, de mon intéressement, de mes primes autoaccordées, de mes indemnités diverses et de mes palettes de stocks-options.

Bien entendu lors de la crise des subprimes, les dirigeants politiques prirent les bonnes décisions en renflouant sans aucune contrepartie les banques privées avec l'argent du contribuable.

Bien entendu, l'État encouragea la fusion de la BFP de Père au bord de la banqueroute et de la banque publique privatisée pour créer le nouveau fleuron bancaire français. Je devins naturellement le président de cette nouvelle institution bancaire de dimension internationale. Père se retira des affaires avec son parachute en or pour rejoindre sa retraite dorée.

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Bien entendu, les États s'endettèrent lourdement en sauvant les banques. Ils furent contraints d'emprunter à des taux parfois usuraires auprès des banques privées qu'ils avaient sauvées. Ces dernières firent remarquer au FMI, à la BCE et à la Commission européenne qu'il était urgent d'imposer aux Etats des politiques de bon sens pour éradiquer l'endettement publique.

Bien entendu, les gouvernements, dont celui de votre Premier ministre, sont ravis de lutter contre la dette publique grâce à des politiques austéritaires qui redonnent du sens à la valeur du travail.

Et pour conclure Monsieur le Président, sachez que je serais toujours à vos côtés, au-delà de nos différences partisanes, pour réduire le train de vie de l'État, privatiser, supprimer des postes de fonctionnaires, révolutionner le marché du travail en le flexibilisant, lutter contre l'assistanat, réformer les retraites, construire l'Europe démocratique, moderniser les institutions de la Cinquième République, promouvoir le développement durable et travailler de concert avec le patronat pour sauver le modèle social français que le monde entier nous envie ! »

Commentaires

1. Le lundi 20 mai 2013, 16:56 par babelouest

Un grand texte ! Qui est donc l'heureux récipient d'air (pfffffffffff) objet de cette sollicitude ? Un grand homme sans doute, sereinement au service de ses concitoyens les plus méritants (en dollars).

Il faut continuer à choyer ces merveilleux gestionnaires de fortunes pleins de mansuétude pour celles-ci puisque ce sont les leurs. Un jour ils seront bien au chaud, et nous danseront en cet honneur pieds nus sous les étoiles, faute de souliers et de toits.

Le Capital est notre intérêt à tous (puisque c'est nous qui payons celui-ci).

2. Le lundi 20 mai 2013, 18:39 par Saxo

Très bien écrit...
De qui s'inspire directement cette satyre? (pas si satyrique que ça...)

3. Le lundi 20 mai 2013, 19:25 par des pas perdus

Bableouest, Saxo : pas de nom, juste un portrait inspiré par le parcours de pas mal de dirigeants de sociétés importantes qui ont été privatisées...

4. Le mardi 21 mai 2013, 06:21 par babelouest

Je comprends mieux. Mais pourquoi donc cette attitude de ces "Grands" ? Un engrenage ? Une prédisposition familiale ? Une sorte de folie ? Quand on en est arrivé à compter les milliards comme je recense les pièces de mon porte-monnaie, la différence d'échelle ne peut manquer de créer des dérives terribles...

5. Le mardi 21 mai 2013, 08:00 par des pas perdus

Je voulais montrer que l'oligarchie vit dans un autre monde où l'argent est une donnée purement abstraite. Ces gens-là n'ont même pas idée du gouffre qu'il y a entre eux et les autres, ne serait-ce qu'en termes de revenus, ce qui leur permet de donner des leçons au commun des mortels tout en se gavant... Ils ont dès la naissance à suivre une voie toute tracée, c'est la reproduction sociale qui est bien vécue et qui semble naturelle au sommet de l'échelle. Je voulais aussi montrer qu'il n'y a plus vraiment de frontière étanche entre le public et le privé dans les hautes sphères, et que ces gens-là vont de l'une à l'autre, confondant intérêt privé et intérêt général... Tout cela explique en partie les dérives actuelles.

6. Le mardi 21 mai 2013, 15:43 par jacques garreau

et comme ils en ont jamais assez il ont converti les crédits carbones en produits bancaires..ils vont jusqu'à spéculer avec les assurances vies que des gens dans le besoin doivent revendre pour se soigner,a leur mort ils touchent le pactole,ainsi tu peux acheter du cancer et du diabete en évitant l'alzeihmer, ça traine un peu trop longtemps,voilà le monde dans lequel nous essayons de survivre..

7. Le mardi 21 mai 2013, 19:45 par des pas perdus

Je ne saurais mieux dire Jacques.