Au-delà du sentiment amer que pouvait ressentir tout-e citoyen-ne de gauche en voyant un président de la République issu du parti socialiste, célébrer la Cinquième République, sans émettre une seule critique, ni la moindre perspective de changement constitutionnel, c'est le décalage qui prédominait entre son discours officiel "hors-sol" et la réalité.
La réalité, c'est celle des résultats de la partielle de Brignoles où plus de deux électeurs sur trois se sont abstenus, confirmant que cette République-là ne rencontre plus l'adhésion populaire, mais seulement celle d'une clique d'oligarques.
Certes, les défenseurs de la Cinquième République rétorqueront qu'il ne s'agit que d'une élection partielle, toutefois, elle est assez symptomatique d'un régime politique qui n'a plus que les apparences d'une démocratie et qui vole les citoyen-ne-s se de leur pouvoir de décision.
L'abstention est révélatrice du profond malaise politique, du dysfonctionnement des institutions, d'une démocratie qui est devenue aussi populaire que l'étaient les démocraties populaires de l'ancien bloc de l'Est. Et dans ce contexte, seul le FN tire son épingle du jeu parce que son électorat est celui qui s'abstient le moins. Si une petite partie des électeurs traditionnels de droite et de gauche vote par dépit pour le FN, et la majeure partie s'abstient, c'est parce que l'acte de voter dans la Cinquième République n'a pas la portée qu'il devrait avoir dans une véritable démocratie.
La démocratie dit représentative, telle qu'elle est organisée par la Cinquième République, est une duperie :
D'une part, elle ne respecte pas les deux autres textes qui forment avec elle le bloc de constitutionnalité, la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 et le préambule de la constitution de 1946. Un certain nombre de droits ne sont en fait que de vagues principes généraux : droit au travail, droit au logement...
D'autre part, une fois la présidentielle et les législatives passées, les citoyen-ne-s ne peuvent plus intervenir dans le débat politique, autrement que dans la rue. La représentation élue a les coudées franches pour décider d'une politique pour laquelle elle n'a pas été élue. Le peuple doit subir et patienter 5 longues années pour sanctionner la majorité en place. Et d'alternance en alternance se renforce ce climat de défiance contre l'invariabilité des politiques de régression sociale conduites par les majorités PS ou UMP.
Enfin, elle réduit la politique à une caste privilégiée constituée de politiciens professionnels à vie qui impose au peuple des réformes de régression sociale qu'elle ne subit pas elle-même. Une caste dont les pouvoirs ont été renforcés par la Décentralisation, laquelle est selon ses promoteurs censée rapprocher les citoyens de la politique. Mais là encore, l'abstention révèle que la décentralisation ne fait que renforcer les dérives de la Cinquième République avec des exécutifs locaux qui s'apparentent à des baronnies féodales tout autant éloignées des citoyen-ne-s que le pouvoir central.
En définitive, la Cinquième République dégoute les citoyen-ne-s de la politique.
Alors que faire ?
Changer de République.
Mais comment procéder ? Attendre que le Front de gauche remporte les deux plus importantes élections pour enclencher le processus constituant, ou initier sans attendre des assemblées citoyennes constituantes ?
C'est la 2ème solution que propose justement le blogueur Antoine Trouillard dans un billet fort intéressant : Sur les Assises de la VIe République, lettre ouverte au Front de Gauche
Commentaires
Billet intéressant, mais un peu étouffant en raison de ses phrases longues. Je doute que Monsieur Tout le Monde s'en empare facilement. Je note que de nombreuses tentatives pour susciter un débat pour la 6e République se sont fait jour, mais jusqu'à présent peu de citoyens ont joint leurs efforts à ceux des initiateurs.
Une question se pose : n'y aurait-il pas tout simplement un nombre significatif de nos compatriotes qui sont au fond contents de leur sort, et ne cherchent pas plus loin ? Dans ce cas, les efforts des plus motivés risquent de se briser sur cette indifférence. Ce n'est qu'une question, bien entendu.
Voter? les élire, eux qui se pavanent ou se déchirent à la télé, écrivent des livres sur la pauvreté ou enquêtent sur les cités abandonnées ? accorder sa confiance, déléguer à ceux qui en jouent et exercent le pouvoir sur les tapis des palais de la république et de ses annexes, la télé, la radio, la presse? je crois que l'électorat a compris, qu'il est conscient des dangers de l'abstention mais qu'il aimerait avant d'être encore sollicité encore, être entendu, entendu car la pression fiscale c'est bien confortable quand on est imposable mais quand on n'a plus rien? on fait comment? on vole? on détourne? l'exemple, c'est vrai, vient d'en haut mais en haut, il y la partialité, les avocats et en bas? le camion de la police et l'arrogance des chiens de la république.
babelouest : c'est un blog non influent et très peu lu qui m'oblige à réfléchir... à essayer de comprendre.
Sinon, à moins d'être dans la misère, on peut tous être heureux de notre sort, en particulier pour les choses qui tiennent à la vie privée, à la débrouille, à la vie intérieure... Une belle balade, une bonne lecture, avoir réussi une recette, faire de la photo, passer une bonne soirée avec des amis, etc
Au-delà de ces plaisirs, la société produit suffisamment de divertissements pour nous empêcher de réfléchir et de nous intéresser à la politique.
Je pense qu'il y a un mal être social mais les citoyens ont du mal à le traduire politiquement. Cela me fait penser au portrait de Kamel dans le dernier numéro de Fakir. Un gars révolté par ce qu'il subissait dans son quotidien mais qui avant "son déclic" n'avait pas les outils pour décrypter la situation. Il lui a fallu un déclic pour commencer à réfléchir, à rechercher, à lire, à discuter.
Patrick : il faut que les citoyen-ne-s deviennent des acteurs de la vie politique. Aujourd'hui, l'actuelle constitution les exclut. Elle produit des élus privilégiés, voire des oligarques, qui votent des lois injustes qu'ils ne subissent pas ou peu. Cela donne une société de plus en plus injuste et divisée. J'ai en mémoire l'exemple de l'amiante. Comme les principaux exposés étaient les ouvriers, la loi interdisant ce matériau s'est fait longtemps attendre alors que sa dangerosité était de notoriété publique depuis plus de 60 ans... Je pense que si le Parlement représentait vraiment le peuple, la loi interdisant l'amiante aurait été votée beaucoup plus tôt.