Les leçons de "la France en face"

un léger décalage...

Billet

Il arrive parfois que la télévision de service public remplisse sa mission. Hier soir, j'ai regardé une conserve, La France en face, un excellent documentaire diffusé lundi 28 octobre.

france_en_face.jpg

Synopsis du documentaire :

« Comment vit-on à Saint-Dizier en Haute- Marne ? Mieux qu’à Neuves-Maisons en Meurthe-et-Moselle ? Ou moins bien qu’à Villaines-la-Juhel en Mayenne ? Vaut-il mieux être paysan en Languedoc- Roussillon ou soudeur à Saint-Nazaire ? Ces quelques territoires qu’a priori tout oppose ont pourtant un point commun : la fragilité sociale. 60 % de la population vivent dans cette France, dont on ne parle jamais, à l’écart de la mondialisation. Comparés à Paris ou Montpellier, c’est le jour et la nuit. Les 25 grandes métropoles françaises rassemblent, elles, 40 % de la population. Ici vivent la plupart des cadres, des techniciens spécialisés et l’essentiel des immigrés. Deux France pour un même pays ! Plus qu’un gouffre, c’est une fracture qui explique l’hypertension que nous ressentons tous. Grâce aux travaux des chercheurs en géographie sociale, économie et histoire contemporaine, Jean- Robert Viallet est parti un an sur les routes de France. Le tableau qu’il dresse redessine la géographie sociale de la France. »

Sur la base d'études démographiques, d'enquêtes et d'interviews se dessine le vrai visage d'une France coupée en deux. Une population de cadres qui vit dans les grandes métropoles, et celle de la ruralité et du péri-urbain qui subit le chômage ou les temps partiels sous-payés.

C'est la France de la mondialisation après 30 années de politiques néo-libérales, avec des territoires qui concentrent l'essentiel de l'activité économique, et d'autres qui ne cessent de perdre leurs activités industrielles et leurs services publics. Elle se caractérise par la disparition des classes moyennes déclassées et la présence d'une importante classe populaire, fragilisée socialement et ignorée par les partis gouvernementaux qui ne s'intéressent à elles que par intermittence.

Enfin, c'est une France marginalisée qui ne se reconnaît plus dans le clivage gauche-droite et qui s'abstient ou vote Front National.

Mais plutôt que de paraphraser cet excellent documentaire, je vous encourage à le regarder.

J'en suis ressorti très pessimiste au regard de la politique du gouvernement Ayrault et de l'état actuel du Front de gauche, seule force politique à même à la fois d'éviter l'arrivée du FN au pouvoir et d'apporter les réponses pour mettre un terme au gâchis économique, social et écologique des politiques néo-libérales.

Pessimiste parce que le cartel du Front de gauche est englué dans des divisions et des logiques d'appareils qui sont étrangères aux préoccupations des classes populaires, alors que le Front national a le vent en poupe, s'implantant même dans d'anciens bastions ouvriers.

Pessimiste parce que je ne suis pas persuadé que la stratégie front contre front, qui repose essentiellement sur le dénigrement du FN, puisse avoir quelque influence sur le vote des classes populaires. Il me semble que le FDG se condamne à la marginalité politique tant qu'il ne reformulera pas son discours politique. En d'autres termes, le FDG devrait se réapproprier des thèmes traditionnellement de gauche qui sont dévoyés par le FN : la souveraineté populaire (sortir de l'UE qui détruit toutes les conquêtes du mouvement ouvrier) et le protectionnisme (social et écologique).

Commentaires

1. Le mardi 5 novembre 2013, 14:55 par mimi

Tu écris;
"Il arrive parfois que la télévision de service public remplisse sa mission."
La télévision de service publique remplirait plus souvent sa mission si l'état actionnaire,la tutelle,rétablissait l'indépendance des chaines .
Le PDG de l'audiovisuelle publique,Pflimlin,nommé par Sarko est toujours en place (son mandat se termine en aout 2015!)
PG est bien muet sur ce scandale,qui dévoilé, conscientiserait les gens et nous rendrait peut-être un peu plus audible dans le PAF.
Le coordinateur pour la télé que vous pouvez voir ici à 48 sec de la vidéo;
http://www.ina.fr/video/36562670010...
est-il à la hauteur de l'enjeu?
Pourtant,ce coordinateur est bien placé pour informer JLM
voyez cette courte vidéo;
http://www.dailymotion.com/video/x8...

2. Le mardi 5 novembre 2013, 18:08 par clem

Visiblement, ce documentaire a été très bien accueilli par toute la critique et les téléspectateurs, notamment de gauche. et ça me désole...
C'est sûr que c'est mieux que la plupart des docus qui passent habituellement à la télé, mais est-ce suffisant ?

Le géographe Christophe Guilluy dont les travaux sont à l'origine du documentaire, largement interviewé dans celui-ci, est membre de la Gauche populaire (-1). Hormis le fait que ceci n'est jamais mentionné dans le docu, cela aurait dû suffire à en faire réfléchir quelques uns.

La "gauche populaire" c'est Laurent Bouvet, son leader prof à sciences po (-1) qui donne des interviews au bloc identitaire (-1), qui fait du marketing électoral (-1), essayant de faire de l'inception (-1) au PS (-1) pour que celui-ci délaisse les gens (immigrés) dans la merde pour ceux (blancs) qui sont dans une merde un peu moindre au prétexte qu'ils sont plus nombreux.

Bref, un positionnement idéologique entre Riposte laïque et Elisabeth Lévy qui consiste à penser que pour contrer le FN, il faut appliquer son programme.

Après, plus factuellement, on peut rentrer dans le détail et démonter le docu point par point.
Lier le sort des Français à la mondialisation est posé comme une évidence, un postulat jamais étayé. Comme si cela allait de soi. Personnellement, j'ai le sentiment que la transition industrielle vers les services, l'agriculture intensive, l'exode rural ou la financiarisation n'ont pas attendu la mondialisation.

Idem pour le fait que les ouvrier et les employés délaissés votent pour le FN. Comme si c'était automatique. Et comme si cela excusait leur vote, les dédouanait d'être raciste. Cette pseudo-évidence est contestée par d'autres chercheurs
http://lmsi.net/La-France-d-en-bas-...
http://lmsi.net/La-souffrance-du-le...

Enfin, les migrations du nord-est de la France vers le sud-ouest sont probablement dues surtout aux flux de retraités (plutôt aisés), massif avec le vieillissement de la population française. De ce fait, prendre pour exemple de ce phénomène une jeune fille qui galère à Montpellier n'est pas représentatif, voire trompeur.

3. Le mardi 5 novembre 2013, 20:24 par des pas perdus

Mimi : Merci pour les liens. Le FDG s'est exprimé sur le service public de l'audiovisuel, en particulier sur les conditions de nomination des présidents de chaînes, à l'époque et lors de la présidentielle.

Clem : Merci pour les liens.

Je ne connaissais pas les infos sur Bouvet mais je n'ai pas trouvé que ce doc faisait passer un message proche de Riposte laïque ou de Elisabeth Lévy. Je ne partage aucune sympathie pour ces trois là, ni pour la "gauche populaire".

Je pense qu'effectivement la mondialisation n'est pas la cause des phénomènes que tu évoques. A titre perso, j'évosuerais plutôt le néo-libéralisme, la déréglementation de la finance, et aussi la mondialisation, bref un ensemble de phénomènes qui favorisent le dumping social et donc le chômage, les inégalités, la régression sociale.

S'agissant du vote FN, je n'ai pas eu non plus l'impression que le doc disait que salariés et employés délaissés votaient systématiquement FN. Il insiste surtout sur l'abstention. C'est sûr que j'aurais préféré qu'il choisisse une aide ménagère qui vote Mélenchon ou Besancenot... C'est probablement un cas isolé et je n'en tire aucune généralité, mais c'est un fait que le FN progresse dans des zones traditionnellement hermétiques au discours de l'extrême droite.

Quant aux flux, certes pas mal de retraités mais c'est un fait que les grandes métropoles concentrent l'activité et se tirent la bourre... En prenant l'exemple de Montpellier, il a pu évoquer le phénomène de gentrification, de concentration de populations, d'ouvriers rejetés en marge, et cette jeune femme en galère qui espère en son projet et qui a des valeurs étrangères au monde du fric. Des cas individuels, à prendre pour ce qu'ils sont, rien de plus.

Je ne prétends pas que le doc est parfait. Mais c'est une photographie. Et finalement, chacun en retire ce qu'il veut.

4. Le mardi 12 novembre 2013, 20:52 par Arthurin

La mondialisation n'est pas étrangère au délitement du tissu industriel, mais ce n'est qu'un autre nom pour qualifier le capitalisme à l'échelle du monde.

Apatride en essence, néo-libéralisé, financiarisé, le capitalisme ne considère que des marchés et ne descend de sa stricte vision macroéconomique que pour analyser les conditions de ces marchés.

Ici le constat est simplissime, l'Inde, la Chine, dans une moindre mesure l'Amérique latine ou l'Afrique, sont des marchés dits émergents (lire : avec des perspectives de croissance et de retour sur investissement conséquentes), là où l'Europe est un marché stagnant (voir déclinant) et à saturation sur nombres de secteurs.

Ceci amène le capitalisme mondialisé à reconsidérer sa production, ses investissements ; dans le contexte où nous sommes (et que je n'ai nullement la prétention de comprendre pleinement) il va fort logiquement prendre appui sur ses conquêtes passées pour servir ses intérêts immédiats, à savoir conquérir ces nouveaux marchés, les marchés qu'il possède actuellement ne l'intéresse principalement que dans cette conception (avec les corollaires que ça implique).

Le capitalisme se voit perpétuel au travers des fluctuations conjoncturelles.

Vous m'objecterez à ce moment là que le capitalisme ne possède pas d'entité propre qui lui permette d'agir consciemment de la sorte. Oui et non, il se dégage une forme d'intelligentsia des différents think tank néolibéraux qui jalonnent le monde et utilisent la cybernétique sociale à leur avantage.

Le capitalisme ne se pose pas la question du bien fondé de sa démarche ou de la finitude du monde, il ne se remet pas en question, il est le plus fort, il a dominé tous les autres systèmes de gestion sociétale, sa vision est obligatoirement la bonne et ceux qui ne l'épousent pas seront méthodiquement annihilés.

Ce que je retiens de ce documentaire, c'est le mépris pour l'individu, sa destruction qui va jusqu'à lui ôter les moyens de penser, de se penser ; la gentrification qui correspond bien à cette guerre de basse intensité.

Il n'y a effectivement pas de quoi être optimiste DPP mais tous motifs à être en résistance, avec ou sans FdG.

5. Le mercredi 13 novembre 2013, 17:48 par des pas perdus

Je partage ton analyse. L'individu n'est qu'un rouage du système. Pour l'heure, je ne vois qu'une seule force susceptible d'être efficace pour résister, malgré ses défauts, le FDG.