La démocratie vraiment représentative ?

un léger décalage...

Billet

En lisant le billet La Sixième République, c'est maintenant ! d'un nouvel adhérent des Blogs 6.0 et le commentaire du célébrissime volatile de la blogosphère, Cui cui fit l'oiseau m'est revenue en mémoire la lecture d'une conférence de Henri Guillemin intitulée Le fascisme en France de 1875 à 1980.

Dans ses sensibilités politiques et ses composantes sociologiques, le Parlement n'est pas le reflet du peuple. La politique est devenue un métier stable quasiment à vie qui offre des conditions de vie et de travail privilégiées alors que la précarité et la régression sociale sévissent.

Au regard de l'abstention massive et de la menace d'un parti d'extrême droite, la démocratie est malade. La Cinquième République est à bout de souffle malgré de nombreux replâtrages. Le peuple ne croit guère en la politique. L'une des raisons, qui est d'ailleurs récurrente à toutes les républiques, tient en la représentativité du peuple.

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L'exercice direct de la démocratie via la consultation directe du peuple pour tout ce qui a trait à toutes les lois apparaît quelque peu utopique, voire infaisable, tant l'organisation de débats et de procédures semble compliquée et lourde à mettre en œuvre. Depuis les débuts de la République, la démocratie est dite représentative : le peuple élit ses représentants, lesquels font les lois et mènent la politique de la nation.

Nul besoin d'être politologue pour constater le décalage entre les promesses de campagne des candidat-e-s à la représentation et les actes ou les votes desdits représentants quand ils sont au pouvoir ou font partie de la majorité gouvernementale. Sous la Vème République comme sous les précédentes, les élections reviennent à donner aux élus un chèque en blanc pour la durée de leur mandat parlementaire ou présidentiel.

Il ressort de ce décalage et de ce chèque en blanc une terrible et mortifère caricature de démocratie. Nous vivons dans une démocratie oligarchique qui interdit toute véritable alternative politique. La dernière alternance l'illustre hélas à merveille.

Certes, les citoyen-ne-s votent, certes la presse est libre, certes les travailleurs-euses ont le droit de grève et de manifestation, mais il n'en demeure pas moins que la majorité politique qui est sortie des urnes à toute latitude pour conduire à sa guise et selon son bon plaisir une politique très éloignée, voire inverse, du programme pour lequel elle a été élue.

Mais, d'un point de vue légal et constitutionnel, cette majorité politique, même si elle trahit ses électeurs -rices, possède la légitimité populaire tout le temps de son mandat.

Ces quelques rappels sont dignes des vérités de Monsieur de La Palice, mais il me semble important de les rappeler avant d'en venir à Guillemin. Dans sa conférence, ce dernier évoque longuement la création de la IIIème République.

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Pour quelles raisons un Parlement dominé par les royalistes (plus de 600 députés sur 750), après l'écrasement sanglant de la Commune de Paris, a-t-il opté pour la République ?

Certains l'expliquent par les divisions au sein du camp royaliste. Guillemin réfute cette thèse souvent avancée. Les raisons du choix de la République sont réalistes et cyniques. Il cite le sanguinaire Adolphe Thiers, bourgeois et royaliste, pour qui les structures économiques, c'est-à-dire l'ordre capitaliste, sont essentielles :

« J'ai été, comme vous, effrayé par l'idée de la révolution, de la République parce que la démocratie me paraissait très dangereuse. »

Mais l'ancien ministre de Louis-Philippe qui a vu des monarques tomber poursuit sa démonstration :

« Je me suis dit, après tout, le système monarchique n'est peut-être pas le système préférable pour obtenir la paix sociale, ce que l'on appelle l'ordre établi, pour la raison que je viens de vous dire, à savoir qu'il suffit que les gens se déclarent non sujets mais citoyens pour renverser le gouvernement. Tandis que réfléchissons ensemble à ce que peut être la République et le système démocratique. »



Mes amis réfléchissons et reprenons la lecture :

« Le système démocratique, c'est en principe la nation qui gouverne, la liberté de la nation, le suffrage universel, la volonté nationale comme on dit. Mais réfléchissons d'une manière concrète à ce qu'est la volonté nationale : c'est la majorité + 1. Il suffit qu'il y ait la majorité + 1 pour appeler ça la volonté nationale. Alors l'homme qui est au pouvoir, ou le groupe qui est au pouvoir et qui est mandaté par la souveraineté nationale, a entre les mains une puissance incomparablement supérieure à celle du roi, puisqu'il peut prétendre représenter la volonté nationale, c'est vous dire à quel point l'autorité est puissante maintenant puisque toute rébellion contre cette autorité, est en somme une rébellion contre la liberté des citoyens qui ont opté pour une telle forme démocratique. »

Et, la chambre royaliste opta pour une démocratie représentative pour préserver l'ordre capitaliste et la domination de la bourgeoisie. Jusqu'au Front populaire qui demeure une exception, malgré toutes les critiques légitimes contre la politique de Blum et sa fameuse pause, la IIIème République vit des majorité parlementaires de "gauche" soutenir régulièrement des gouvernements de droite, choisissant par exemple l'anti-cléricalisme pour faire diversion et préserver les structures économiques.

Alors que faire pour éviter un tel écueil qui permet à l'oligarchie de préserver ses intérêts ? Que faire pour renverser un président de la République qui devient un monarque républicain, sourd aux aspirations du peuple ? A mon sens, la Sixième République devrait donner aux citoyen-ne-s de nouveaux droits : le droit de révocation de ses représentants au Parlement, le droit de dissolution du Parlement, ainsi que le droit d'initiative au référendum. Si ces trois moyens existaient, le peuple posséderait un véritable droit de contrôle, de pression et d'action sur ses représentants, et nous ne verrions pas le président Hollande et sa majorité tourner le dos aux maigres promesses du candidat "Moi président"...

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Commentaires

1. Le vendredi 8 novembre 2013, 11:25 par lediazec

De la lecture de cet éclairant papier je dégage une vérité commune : la démocratie n'ayant jamais existé, ce qu'on nous vend comme telle n'étant qu'un simulacre, il est en effet temps de s'employer à la construire.
Simple, mais très vaste chantier. Il va falloir de la main d’œuvre...

2. Le vendredi 8 novembre 2013, 18:09 par des pas perdus

Exact. Recrutons ! ;-)

3. Le vendredi 8 novembre 2013, 19:39 par Didier Goux

Vous voulez vraiment que le parlement soit le reflet du peuple qui l'a élu ? Vous vous rendez compte que, si c'était le cas, vous vous retrouveriez avec plus de cent députés étiquetés Front national, contre zéro écolo et deux ou trois communistes ?

4. Le samedi 9 novembre 2013, 06:22 par babelouest

Comme a dit Charles de Lorraine, inventeur de la présente constitution avec l'aide d'un certain Michel père de Jean-Louis, "Vaste programme". Il est vrai que la proposition qui lui était faite différait légèrement, "Mort aux cons !".

Là-dessus, même la déclaration des droits de l'homme de 1789, la base du reste, est à revoir en raison des articles 2 et 17 qui instituent la propriété en tant que pièce maîtresse de la vie en société : ce préalable détruit la nécessaire égalité qui devrait être la Première Pierre de la vie en commun.

Ne nous leurrons pas : c'est une marche difficile qui réussira à mettre en place cette nouvelle donne. Il faudra plusieurs générations encore. Le Monde ne sera-t-il pas détruit auparavant par ceux qui mettent LEUR PROPRIÉTÉ au-dessus de tout le reste ?

Raison de plus, pour s'y mettre tout de suite.

5. Le samedi 9 novembre 2013, 07:14 par babelouest

Ton article a inspiré le mien, ce matin ! Merci !

6. Le samedi 9 novembre 2013, 07:35 par des pas perdus

Monsieur Goux, je vous laisse dans vos illusions...

Babelouest : la tâche est rude. Je vais lire ça, le débat continue...

7. Le samedi 9 novembre 2013, 10:22 par Un partageux

" la IIIème République vit des majorités parlementaires de "gauche" soutenir régulièrement des gouvernements de droite, choisissant par exemple l'anti-cléricalisme pour faire diversion et préserver les structures économiques."

Aujourd'hui on nous serine que la république serait outragée par le choix vestimentaire d'un foulard ou le choix d'une école catho. Et grâce à cela on ne parle pas de menus détails comme les SIX millions de chômeurs ou les DIX millions de personnes vivant au dessous de seuil de pauvreté… Les gens concernés n'écoutent plus les politiques qui se déconsidèrent ainsi.

8. Le samedi 9 novembre 2013, 18:07 par des pas perdus

Finalement, ça n'a guère évolué...

9. Le vendredi 15 novembre 2013, 14:46 par joel

Difficile de sortir des schémas traditionnels ! Ainsi Goux , voit la représentativité en terme de partis ! Sauf que les partis , déjà ne sont pas représentatifs des différentes couches sociales de population ! donc on tourne en rond ! sur la notion de démocratie , démo= peuple ! et non pas membre d'un parti !!!!

Il faudrait déjà enlever aux partis , le pouvoir quasi absolu de nous imposer nos représentants ( on voit ce que çà donne )

Nos représentants devraient être choisi par colléges plus ou moins importants , selon qu'ils reflétent exactement la configuration d'une population .. Ainsi il y aurait tant d'ouvriers , tant de paysans , tant de fonctonnaires , tant de professions libérales ! etc

C'est ce qui se passe d'ailleurs dans les élections professionnelles ! ( le systéme par collége ) ..c'est bien sûr une ébauche , il faudrait fignoler tout çà ..

Evidemment y'a pas un parti qui sera d'accord qu'on lui enléve ses priviléges ! même ceux qui défendent une 6éme république ! :-)

Donc , je prêche dans le vide ! .. c'est toujours le même truc , place au peuple , mais à condition que je le guide ..

10. Le vendredi 15 novembre 2013, 18:06 par des pas perdus

Ecoute Joel, chacun est libre de s'exprimer. Je l'ai fait sur la représentativité comme sur le tirage au sort à une époque. Toute organisation comporte des défauts, il faut me semble-t-il imaginer des règles qui empêchent les dérives que l'on connaît. Sinon, intéressante ton idée par collèges, tu devrais essayer de creuser l'idée. C'est d'ailleurs l'objectif des Blogs 6.0, d'une part de contester la Cinquième République, et d'autre part d'ouvrir le débat, de proposer.