Les « Experts » du SMIC ou les salopards ?

un léger décalage...

Billet

Cette information parue dans Challenges m'a fait bondir :

« Le groupe d'experts sur le SMIC, chargé d'"éclairer" le gouvernement sur les évolutions du salaire minimum, préconise de s'en tenir à la hausse légale à la date du 1er janvier, sans coup de pouce, selon un rapport préliminaire consulté mercredi 20 novembre »

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Pour bien mesurer cette information, il faut savoir plusieurs choses :

  • Les salarié-e-s à temps complet payés au SMIC gagnent autour de 1.100 euros nets (9,43 euros bruts de l'heure).
  • Ils sont près de 2,6 millions, y compris celles et ceux qui subissent un travail à temps partiel.
  • Le salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) est revalorisé le 1er janvier de chaque année en tenant compte de l'évolution de l'inflation.
  • Le SMIC peut être revalorisé une seconde fois si l'inflation dépasse 2 %.

Le calcul de l'inflation est sujet à caution. Officiellement, l'inflation n'ayant augmenté que de 1,1 % en 2013, les « Experts » recommandent que l'augmentation du SMIC ne dépassent pas 1,1 %, et surtout, pas plus : les Experts veillent à ce que les smicards conservent leur niveau de survie... Faudrait pas qu'ils s'embourgeoisent ! Ils pourraient prendre de mauvaises habitudes...

Ainsi, le gouvernement pourra prétexter les conseils avisés des « Experts » pour ne pas augmenter le SMIC plus que l'inflation officielle : c'est ça le courage politique ! C'est d'ailleurs l'unique fonction des « Experts » qui ignorent la réalité de la vie des smicard-e-s, autrement dit, toutes les nouvelles taxes, les impôts sur le revenu qui augmentent, les augmentations diverses d'électricité, de carburant, de gaz, des transports en commun et des biens de première nécessité et des frais de santé qui impactent directement le niveau de vie des classes populaires.

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Les recommandations du groupe des « Experts du Smic » ne sont pas surprenantes vu sa composition :

  • Eve CAROLI, professeure à l'université Paris Dauphine, chercheuse au Cepremap et à l'Ecole d'économie de Paris;
  • François Bourguignon, professeur à l'École Polytechnique, membre du CAE, et chercheur au Centre de recherche de l'INSEE (CREST);
  • Pierre Cahuc, professeur à l'École Polytechnique, membre du CAE, et chercheur au Centre de recherche de l'INSEE (CREST), il est aussi membre du Cercle des économistes, un think tank néolibéral financé par des entreprises du CAC40.
  • Mme Dominique Goux, chercheuse au laboratoire de sociologie quantitative du CREST;
  • M. Stefano Scarpetta, directeur adjoint de la Direction de l'emploi, du travail et des affaires sociales de l'OCDE.

En l'espèce, le gouvernement n'a nommé parmi ces « Experts » ni ouvrier, ni employé, ni chômeur, ni syndicaliste ouvrier, ce qui en dit long sur sa représentation de la société. On rétorquera que les « Experts » ont été sélectionnés pour leurs compétences. Il est vrai qu'ils sont archi-diplômés, mais surtout ce groupe est très homogène socialement [1] et idéologiquement [2].

Une fois connus ces détails, je me dis que la dénomination elle-même de ce groupe, les « Experts » du Smic, a été imaginée pour impressionner, et surtout pour donner aux recommandations de ces « Experts » une forte caution scientifique qui décourage toute contestation.

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Imaginez que ces « Experts » se soient fait appeler les Salopards du SMIC, les Enfoirés (déjà pris sur le marché), les Affameurs du SMIC, les Barbares du SMIC, les Exploiteurs du SMIC, ça donnerait une toute autre valeur et un impact bien moindre à leurs recommandations : :

« Le groupe des Salopards, Affameurs, Barbares, Exploiteurs (choisissez le terme qui convient) du SMIC estime que le SMIC très nettement au-dessus des niveaux constatés dans les autres pays de l'OCDE. »

Immédiatement, la nature de leurs recommandations apparaîtrait pour ce qu'elle est : de vulgaires conclusions néo-libérales. Et leurs auteurs apparaîtraient pour ce qu'ils sont : des serviteurs de l'oligarchie et des idéologues intégristes qui considèrent que les smicards handicapent la compétitivité des entreprises...

Notes

[1] A louche, ils palpent au moins entre 5000 et 10.000 euros nets par mois, avec une mention particulière pour le représentant de l'institut néo-libéral international qui en sa qualité de fonctionnaire de l'OCDE a le privilège de ne pas payer l'impôt sur le revenu. De plus, je ne sais s'ils sont rémunérés pour remplir leurs missions d'Experts du SMIC...

[2] aucun économiste hétérodoxe du groupe des économistes attérés ou un économiste marxiste...

Commentaires

1. Le mercredi 20 novembre 2013, 20:42 par rosaelle

Donc ces gars sont payés grassement pour dire leur avis? C'est une blague qui nous coûtent combien...Sinon, ces gros malins ont oublié la hausse de la TVA qui va nous augmenter les prix de tout...il y a des jours comme cela...

2. Le mercredi 20 novembre 2013, 21:07 par Nicolas

Pour une fois que tu ne tapes pas trop sur le gouvernement, je vais commenter. Un smicard n'est pas un expert en économie mais un expert en fins de mois difficiles. Le problème n'est pas le niveau du SMIC mais la répartition des richesses, le fait que les revenus du capital augmentent plus vite que les revenus du travail. Tu augmentes le SMIC, les prix augmentent en conséquence. Et le smicard est baisé.

En outre, si tu augmentes le SMIC, les types qui ont un plus que le SMIC se retrouvent avec le même salaire mais doivent supporter l'inflation en question et s'en trouvent encore plus baisés.

Je ne dis pas ça au hasard. Mon patelin natal, Loudéac, est un des patelins avec le plus de smicards en France. Du moins en proportion. C'est aussi un patelin avec le plus bas taux de chômage...il est évident que pousser la population vers le salaire minimum (ce à quoi tu pousses) permet de diminuer le chômage mais paradoxalement ca ne fait que profiter qu'aux plus fortunés.

Lutter pour le niveau du SMIC est une aberration et pousse tout le monde dans la pauvreté. Ce qu'il fait c'est lutter pour les revenus du travail.

3. Le mercredi 20 novembre 2013, 21:18 par Lady Marwina

«On rétorquera que les « Experts » ont été sélectionnés pour leurs compétences.»
En réalité, justement, ils n'ont pas le moindre début de compétence en la matière. Seules des personnes vivant avec le SMIC peuvent donner un avis éclairé sur la réalité de leur situation.

Sans cette ségrégation censitaire, la crise serait derrière nous depuis longtemps.
Je pense que ces gens sont des sadiques.

4. Le mercredi 20 novembre 2013, 22:18 par Arthurin

A la lecture de ton billet, je me suis trouvé coincé entre une pulsion meurtrière et un sentiment d’écœurement profond.

Puis là ce soir, à la relecture, ça a décanté :

"tu voudrai que ça pète, tu t'y prendrai pas autrement"

C'est une provocation d'une bassesse incroyable.

Des temps sombres s'ouvrent à nous, va falloir qu'on se bouge, vite.

5. Le mercredi 20 novembre 2013, 23:07 par Un partageux

"De plus, je ne sais s'ils sont rémunérés pour remplir leurs missions d'Experts du SMIC…"

Allons, tu ne vas quand même pas penser que ces gens sont bénévoles ! C'est un mot inconnu dans leur vocabulaire…

6. Le jeudi 21 novembre 2013, 06:28 par patrick

L' Europe étant ce qu'elle est, il ne faut pas perdre de vue que l'Allemagne n'a pas de SMIC, que l'Allemagne est un exemple et qu'on ouvrira bientôt, sous prétexte de "compétitivité", plus grandes les vannes de la misère avec des salaires à peine plus élevés que ceux des pays en voie de dépasser nos vieilles économies, Chine, Inde...

7. Le jeudi 21 novembre 2013, 06:50 par des pas perdus

Rosaelle, ils n'imaginent même pas combien cette augmentation va peser dans les bugdets les plus modestes...

Nicolas : d'accord avec ton 1er paragraphe, des données que ces Experts n'ont pas intégré dans leur réflexion. Sinon, généralement une hausse du smic entraîne mécaniquement une augmentation des salaires juste au-dessus. Je ne pousse personne au SMIC...

Lady Marwina : je pense qu'ils raisonnent en chifffres sans voir l'humain.

Arthurin : pas de doute que nous subissons provocation sur provocation de la part des nantis. Je crois d'ailleurs que nous sommes entrés depuis pas mal de temps dans une sombre période.

Hubert, ils le sont peut-être ;-)

Patrick : Exact, l'Allemagne et ses jobs à 2 euros l'heure... merveilleux !

8. Le jeudi 21 novembre 2013, 17:51 par Arthurin

Ahah, et c'est les solfériniens qui vont "lutter pour les revenus du travail" Jegoun ?

En augmentant la TVA pour offrir un cadeau fiscal aux grosses entreprises (lol ?) qui se gavent déjà de subventions (entreprises qui licencient massivement et délocalisent consécutivement à des épisodes comptables largement excédentaires) ?

En précarisant les travailleur sous prétexte de les "flexi-sécuriser" (novlangue libérale, quand tu nous tiens) ?

En réduisant les budgets régionaux suite aux restrictions décidées unilatéralement par la commission européenne (et de toutes façons art 3 du TSCG dtc) ?

Déjà le socialisme à la base c'est discutable, mais là ça n'a même plus rien à voir, le social-libéralisme (l'autre non de la soc-dem -sic-) n'a de social que l'entube cognitive collective hein...

T'as un poster "I want to believe" dans ton bureau toi, non ?

(@DPP : si tu veux me modérer, je comprendrai :))

9. Le vendredi 22 novembre 2013, 08:15 par Lou de Libellus

On peut s'interroger... sur les revenus du directeur et de ses associés, mais la critique est difficile : à PSE (Paris School of Economics, comme on dit chez nous), il y a des gens très (trop ?) importants, comme Philippe Askenazy et Daniel Cohen, parmi tant d'autres.

10. Le vendredi 22 novembre 2013, 11:41 par des pas perdus

Arthurin : je modère juste les propos racistes ou infamants.

Lou : les deux que tu cites ne défendent pas les mêmes idées, me semble-t-il, le 1er fait partie des économistes atterrés, le dernier est membre du conseil d'administration de diverses sociétés.