Olimpia ( Céline Minard)

un léger décalage...

Billet

« Je suis née de Force et de Victoire à Viterbe et j'y retourne. J'y vais, puiser dans le caveau noir de mes dieux domestiques. tenez-vous prêts mes lares, mes larrons, ma vengeance, ma soif est sans mesure, tenez la coupe haute, tenez-la prête et la recette des Borgia pour l'élu du jour qui la boira je le veux, et sa lie et son calice fondu en or brûlant par un petit tuyau de zinc roulé et du moule de son estomac recuit sortira la pièce maîtresse de mon Service, informe et long et gros comme une poche de bœuf, et la ferai monter par un forgeron d'art et la ferai sculpter en bosse par un petit maître de cour, un Bernin, un Borro, et la ferai monter à table en soupière pour le consommé de tortue français et ainsi mangeront mes convives triturés la soupe du pape dans sa carapace étincelante, la bouillie verte dans son bol d'or massif, la merdrerie verte du rapace qui veut me chasser comme j'ai chassé les mouches en 44 accrochées au Saint-Siège branlant, aux colonnes torses du baldaquin, aux portes des églises, aux tympans des palais et ma colombe, ma grosse colombe au rameau d'olivier finira cette tasse délicieuse comme un sorbet. »

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Après une note de lecture de Lou, j'ai emprunté et lu Olimpia, sans même lire la 4ème de couverture. J'ai tout de suite été emporté par le rythme lyrique, le flot de l'écriture flamboyante, la richesse et la verdeur du vocabulaire, et par ce qui m'a semblé immédiatement être un discours déchainé et délirant.

« De quoi m'accuse-t-on ? De bâtir sur des ruines, d'usurper ? De planter sur ma place un obélisque dédié à Isis installé sous d'autres cieux dans des temps plus anciens ? De voler ce qui fut volé par nos pères ? De régner illégitimement comme s'il existait des règnes légitimes ? »

Dans la seconde partie du livre, plus petite quantitativement que la première, Céline Minard narre la vie d'Olimpia Maididalchini qui mue par une ambition hors du commun a détenu le pouvoir dans la Rome de la première moitié du XVIIème siècle, auprès de son beau-frère, le pape Innocent X.

« Je ne dégueulerai pas comme Borgia les litres de sang que j'ai bus. Le nouveau dataire, qu'il s'use les yeux sur les livres de comptes, qu'il se les frotte, qu'il se les râpe, qu'il y laisse la pupille et le globe, que le souffle lui sorte par le nerf optique pendouillant et que ça prenne du temps, goutte à goutte d'humeur et de bile, je ne rendrai rien. Qu'il s'égosille. »

L'auteure rapporte la légende selon laquelle Olimpia aurait jeté une malédiction sur Rome dans sa retraite forcée après la mort du pape Innocent X.

« Je ne pardonne pas, rien, personne, rien à personne.
Ce qu'on m'ôte, je le broie, je ne l'offre pas. Ce qu'on me prend, je le détruis, ce qu'on m'ordonne, je le nie.
Je ne suis pas romaine, je n'appartiens pas à la race des chiens canis canem, tu ne m'apaiseras pas avec un morceau de viande. Je ne suis de Rome, je ne viens pas d'elle, j'ai été élevée à Cybèle sur la colline par un fauve, la panthère, deux infans bargouillants nourris sous une louve pelée ne peuvent pas me montrer les dents. Ne peuvent pas me rassasier. Je la noierai. On ne prend pas un pouvoir qu'on ne peut supporter. Judas le savait. Je la noierai. »

Ce livre qui n'est ni un essai historique, ni une pure fiction, est passionnant, d'abord avec ce discours baroque et maléfique où Céline Minard s'est mise dans la peau de son héroïne, puis avec le récit plus classique de la vie de celle que ses contemporains appelaient la papesse...

Commentaires

1. Le samedi 14 décembre 2013, 15:16 par Lou de Libellus

Lou n'a que de bonnes notes. De lecture.
Aujourd'hui, Jean-Bernard Pouy : http://www.libellus-libellus.fr/art...
SU-PER !
Quant à Céline, elle est charmante (critère number one).

2. Le dimanche 15 décembre 2013, 09:53 par des pas perdus

Lou frise l'excellence ;-)