Bienvenue dans l'angle alpha

un léger décalage...

Billet

Vendredi soir, j'ai assisté à une représentation de Bienvenue dans l'angle alpha de Judith Bernard (Arrêt sur Images), adaptée d'un ouvrage - parait-il ardu pour les béotiens dont je suis - de Frédéric Lordon, Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza.

Voici ce qu'en dit le flyer :

« Le capitalisme, à quoi ça carbure ? Aux passions. »
« Crainte de dépérir, désir de consommer, ambition de se "réaliser" nous jettent dans le travail, dans l'entreprise, dans le néo-libéralisme qui nous pompent notre puissance et colonisent jusqu'à nos âmes. »

alpha.jpg

Cette pièce traite du capitalisme, et plus particulièrement du COMMENT quelques uns arrivent à soumettre, via le salariat, la multitude. Qu'est-ce qui motive à bosser pour d'autres ? Pour satisfaire les besoins de base, s'équiper, consommer... Mais encore ?

Bienvenue dans l'angle alpha illustre, avec finesse et humour, le capitalisme dans sa version néolibérale qui est un totalitarisme en ce sens qu'il ne se contente plus d'exploiter la force de travail, mais qu'il vise à manipuler le cerveau des travailleurs en essayant de leur imposer ses propres désirs...

C'est à ce moment-là que la pièce aborde le fameux angle Alpha.

Plus l'angle est grand, c'est-à-dire plus le désir du capitaliste et le désir du salarié s'éloignent, plus ce dernier est lucide par rapport à son travail, moins l'adhésion (ou l'aliénation) aux valeurs de l'entreprise et du capitalisme est importante, et plus la contestation à l'ordre établi est forte. En l'espèce, l'individu tente de s'affranchir du rapport patron-salarié, ou tout au moins de s'aménager un "ailleurs" extérieur à son travail salarié...

A contrario, plus l'angle alpha est mince, autrement dit, plus les deux désirs se rapprochent, plus l'adhésion dans les valeurs du capitalisme et de l'entreprise est forte, et plus le salarié croit s'accomplir dans son travail et s'épanouir personnellement dans l'entreprise, et plus cette dernière l'exploite.

Pour en savoir plus sur cette pièce, lisez la critique publiée par Les Vresgens.

Si vous désirez passer un bon moment de théâtre et d'éducation populaire, faites vite puisque la dernière représentation a lieu le 28 juin à La Manufacture des Abbesses (station Pigalle ou Abbesses). En espérant que d'autres représentations seront programmées...

Commentaires

1. Le lundi 23 juin 2014, 18:54 par Robert Spire

« Le désir de disposer d'un plus grand confort et de se mettre à l'abri du besoin, voilà un mobile qui se trouve à tous les stades du processus d'accumulation dans une société industrielle moderne; toutefois, ce qu'on peut appeler à cet égard le niveau de suffisance est à son tour profondément affecté par les habitudes de rivalité pécuniaire. » Theory of the Leisure Class. (Thorstein Veblen). Les loisirs constituent de bons ressorts pour maintenir l'angle.

2. Le lundi 23 juin 2014, 19:58 par des pas perdus

Robert, intéressante lecture.Elle a été traduite ?

3. Le mercredi 25 juin 2014, 07:13 par Lou de Libellus

Quelque chose de la servitude volontaire, selon La Boétie ?

4. Le mercredi 25 juin 2014, 09:13 par des pas perdus

Exactement.

5. Le mercredi 25 juin 2014, 14:28 par Chouyo

Même référence qui m'est venue en tête que celle citée par Lou de Libbelus, et la figure tutélaire machiavélienne par-dessus. La puissance gagne et ne devient pouvoir que lorsqu'elle parvient à se dissoudre dans le discours du peuple et que celui-ci se l'approprie et le reprend à son compte.

Et en matière d'influence tu fais fort : me voici en train de chercher des places ! #CEstMalin ;)

Par pure vengeance mesquine, je t'ai tagué dans mon dernier billet car je n'ai pas oublié la phrase "J’ai été trop new wave pour être seventies" ;)

6. Le mercredi 25 juin 2014, 17:34 par des pas perdus

Tu as attendu conformément au proverbe sur la vengeance !
Vite, ce sont les derniers jours...