Une éducation anglaise (C. Lehmann)

un léger décalage...

Billet

« Il se trouve, Susan, que je travaille, moi ! Je me lève chaque matin pour affronter les bousculades sur les quais de gare et dans le métro, près de quatre heures par jour de transport, pendant que tu te prélasses en voiture sur les routes verdoyantes du Sussex pour aller prendre un thé avec tes amies... »

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Christian Lehmann est né en 1958. L'éducation anglaise narre une période charnière de sa vie entre 1970 et 1973. Le pré-adolescent vit en banlieue parisienne dans une famille sans problème de la classe moyenne, son père travaille en libéral dans un cabinet d'expert-comptable. Brillant élève, il a une passion : la littérature. Dans la librairie où il va régulièrement, il lui arrive de voler des livres. C'est même devenu une habitude. Romans, albums, tout y passe. Il devient un vrai spécialiste. S'arrangeant pour sauter le repas de midi pour prendre un bus, rejoindre la librairie, prendre ce qu'il vise, et revenir dans son établissement scolaire, ni vu, ni connu... Jusqu'au jour où son père découvre son trésor...

« Je travaille près de dix heures par jour pour vous nourrir, et sans rechigner à la tâche... mais j'ai la faiblesse, oui, je le reconnais, la faiblesse, d'estimer qu'un homme dans ma situation, un homme pressuré par les contraintes du travail et de la vie de famille, peut légitimement escompter, lorsqu'il regagne son foyer, trouver un repas décent dans son assiette. »

La honte éprouvée par cette découverte paternelle lui ôtera juste le goût du vol... En dehors de cet événement, sa vie est un doux ennui. Il narre le décès de son grand-père paternel alsacien à Marseille, puis les vacances dans le village en Corse avec ses parents, son frère et sa grand-mère, où il passe ses journées à lire. Deux événements vont marquer ses vacances et sa vie : la venue d'une cousine dont les idées politiques de gauche détonnent dans cette famille très conservatrice, et l'arrivée de sa tante anglaise et de son mari qui l'invitent chez eux...

« L'aveuglement des intellectuels occidentaux a beau avoir atteint aujourd'hui un paroxysme, au point que personne ne peut s'élever contre le culte qu'ils vouent à des criminels comme Staline ou Mao, il reste que notre société ne basculera pas dans le communisme, car elle a des garde-fous , une certaine forme de sagesse populaire, bien entendu, mais aussi tout un travail de fond, souterrain, des gouvernements, et des industriels, des églises, (...). »

Mark et Susan incarnent le jeune couple idéal à la réussite sociale éclatante. Susan élève leur jeune garçonnet, William, tandis que Mark est cadre supérieur dans une multinationale anglaise qui travaille surtout en Afrique du Sud et en Espagne. Ses séjours dans la banlieue londonienne permettent au narrateur d'éprouver un sentiment d'aventure et de liberté, de découvrir des auteurs de science-fiction et des disques introuvables en France. Tout va bien jusqu'au soir où Mark, rentré très tard du boulot, entre dans une colère noire contre Susan pour un motif futile. L'éducation anglaise qui n'était jusque-là qu'un roman initiatique avec de passionnants passages sur sur son goût pour la littérature, en particulier de la science-fiction, prend une autre dimension...

« Mark n'était pas alcoolique, pas au sens où l'entendaient les psychologues. L'alcool, que les bons auteurs considéraient comme une cause primordiale de la violence conjugale, n'était en fait qu'un symptôme, une conséquence. Au contraire, il buvait pour lever ses dernières inhibitions, pour se masquer à lui-même ce que son comportement avait d'odieux. Il buvait pour donner libre cours à ses pulsions, pour se mettre en condition de frapper sa femme. L'alcool lui servait de prétexte, de caution, d'excuse socialement acceptable. Ce n'était pas de l'alcool qu'il était dépendant, mais de Susan. »

En dehors de la littérature [1], Christian Lehmann exerce la médecine générale. Son ouvrage, Les Fossoyeurs...notre santé les intéresse dénonçait quelques temps avant la victoire de Sarkozy la privatisation, toujours en cours, du système de santé en France. Citoyen engagé, il lui arrive de publier des articles sur son blog En attendant H5N1.

Note

[1] j'ai chroniqué un autre roman de lui, une question de confiance

Commentaires

1. Le vendredi 9 janvier 2015, 16:16 par Lou de Libellus

Le titre est prometteur, mais...

2. Le samedi 10 janvier 2015, 10:27 par des pas perdus

Oui, tu pensais à un récit plus intime...

3. Le dimanche 11 janvier 2015, 15:45 par Lou de Libellus

où je serais l'éducateur, entendons bien.

4. Le lundi 12 janvier 2015, 07:54 par des pas perdus

Je pensais le contraire, le besoin de changer de position après tes heures de cours... Mais bon, tu devrais en parler à ton amie de la FNAC.