Alexis Tsipras a clairement refusé que des puissances extérieures dictent la politique de son gouvernement en échange de quelques libéralités. Le leader de Syriza a surtout rappelé qu'en matière de dettes, il y a bien pire que son pays :
« Il y a une obligation morale envers notre peuple, envers l'Histoire, envers tous les peuples européens qui se sont battus et ont donné leur sang contre le nazisme, une obligation historique" à réclamer à l'Allemagne "des indemnités de guerre et le remboursement du prêt forcé. »
Pour qui connaît l'Histoire récente de l'Europe, l'Allemagne fut le roi de la dette. Elle a même fait défaut de paiement en 1930, en 1953 et en 1990 ! Sacré modèle, non ?
Au sortir de la seconde guerre mondiale, les Etats-Unis ont veillé à ce qu'elle ne se retrouve à nouveau victime d'un traité de Versailles bis. En 1953, l'accord de Londres prévoyait qu'en cas de réunification, l'Allemagne rembourserait ses dettes. Cette décision lui permettrait, dans un premier temps, de se reconstruire sans sentiment de revanche et de ressentiment nationaliste. Et, dans un second temps, à nouveau réunifiée et reconstruite, de payer ses dettes.
Or, l'Allemagne réunifiée n'a pas remboursé toutes ses dettes. Elle a seulement payé des indemnités aux travailleurs forcés, mais il n'empêche que, ce faisant, elle ne peut contester juridiquement le principe du remboursement, ni décemment choisir les victimes qu'elle rembourse ou pas...
Aujourd'hui, il est particulièrement choquant de constater que l'Allemagne de la CDU et du SPD est en première ligne pour forcer le gouvernement Tsipras à ne pas respecter ses engagements de relance sociale et à trahir le peuple grec. Et particulièrement indécent car la Grèce a payé le plus lourd tribu de l'occupation allemande, perdant près de 8 % de sa population d'avril 1941 à octobre 1944. L'occupant lui a même fait payer des frais d'occupation et un prêt forcé qui ont vidé ses réserves en or. Les sommes actualisées s'élèvent entre 600 et 1000 milliards d'euros !
De plus, l'Allemagne devrait également rembourser les dégâts causés en Grèce, estimés par les alliés à 7 milliards de dollars en 1946, soit près de 200 milliards d'euros selon le précédent gouvernement grec.
Aussi, l'arrogance et l'intransigeance de l'Allemagne de Merkel, via la BCE, sont insupportables. Il semblerait bien que les armes de la finance aient remplacé les armes traditionnelles de guerre, mais les dégâts en Europe, et plus particulièrement en Grèce, sont dévastateurs.
A l'heure où l'Allemagne est citée en exemple pour sa belle santé économique, ne doit-elle pas enfin rembourser ses dettes, ou, au moins, accepter la proposition du gouvernement Tsipras d'un accord similaire à celui de 1953 pour la Grèce ?
Si l'UE et l'Allemagne de la CDU et du SPD [1] refusent un tel accord, en raison de leur mépris de la démocratie, grecque en l'occurrence, et de leur dogmatisme idéologique, elles porteront l'entière responsabilité de la sortie de la Grèce de la zone euro. Finalement, n'est-ce pas la meilleure chose pour la Grèce, sachant qu'elle a les moyens de trouver sa propre voie en toute indépendance et dans le respect de la démocratie, en sortant plus rapidement que les autres pays de l'UE, de l'injustice sociale et de l'austérité érigées au rang de vertus par l'oligarchie, à l'instar de l'Islande ?
Note
[1] petite précision : cette critique de la politique allemande ne relève pas de la germanophobie, elle concerne son gouvernement conduit par Merkel et soutenu par la droite et la social-démocratie. Elle est d'ailleurs partagée par .
Commentaires
"...car la Grèce a payé le plus lourd tribu de l'occupation allemande, perdant près de 8 % de sa population d'avril 1941 à octobre 1944..."
Erreur. La Grèce est le 3è pays à avoir payé le plus lourd tribu de l'occupation allemande, derrière la Pologne (24% de sa population détruite) et l'URSS (17%).
Par contre, tout à fait en harmonie avec le reste du propos !
Concernant l'Islande, les banquiers jugés responsables de la crise y ont été emprisonnés, le pays a laissé ses banques faire faillite, il a refusé de rembourser toutes les sommes que lui réclamaient la Grande-Bretagne, les Pays bas et d'autres (via leurs propres banques installées dans ce pays et qui y ont foutues le bazar), et pour finir, pour le moment, dans le second semestre de 2014 (je ne suis plus certain de la période), le gouvernement islandais a, pour la seconde fois en quelques mois, réduit les taux d'intérêts d'une bonne partie de ceux qui avaient acquis un prêt immobilier, histoire de réinjecter du pouvoir d'achat SAIN dans l'économie du pays. Sans compter que la nouvelle Constitution a été rédigée par des populeux (gens du peuple) et non pas des politiques. Les Islandais ont dégusté. Mais, ils sont passés d'une situation "à la grecque" en 2008 (du genre croissance à -8%, de mémoire) à une croissance supérieure à 2% en 2013.
Effectivement, ceci est une démocratie. Même, semble-t-il d'après les dernières recherches en Histoire (et si j'en crois un documentaire passé il y a 48 heures sur Arte), la plus vieille démocratie du monde, née avant la démocratie grecque.
CanluCat : merci pour ces précisions. S'agissant de l'Islande, je crois que c'est la plus vieille démocratie de l'ère moderne... Et pour la petite histoire, sur la première photo du billet consacré à l'Islande, à l'arrière-plan, le premier parlement islandais.
Michalon, il a jamais remboursé un rad, alors c'est pas pour s'affaler de 1000 milliards d'euros. Et puis, je vais te dire une chose : quand on a 1000 milliards d'euros, on crèche pas à la pension Merkel.
Bien sûr, ce n'est pas de moi, et c'est une référence cinématographique trop intellectuelle.
Tu sais que Rothschild a remboursé la dette de l'Allemagne nazie en 1933, en finançant son réarmement ?
Lou, je ne sais rien mais j'apprends... Tu en as après Nadine !
Merci de ces précisions au sujet de l´Allemagne. Il est nécessaire de remettre un peu les choses à plat et de nuancer l´image hautement flatteuse que cette puissance économique donne d´elle-même. L´Allemagne s´arroge le droit d´administrer des leçons de "bonne conduite" en matière de gestion économique mais il ne faut pas oublier qu´elle a construit sa soi-disant bonne santé économique sur la paupérisation galopante d´une partie de sa population. Oui, ici, il y a des travailleurs qui gagnent un euro de l´heure ! Beaucoup d´autres sont à 400 euros mensuels, les premiers comme les seconds ne peuvent bien sûr pas en vivre et doivent faire la demande d´une aide sociale. Oui, il y a des travailleurs-esclaves polonais qui passent quotidiennement la frontière et qui viennent faire des boulots merdiques pour un salaire de misère sans couverture médicale. Oui, il y a des retraités qui font les poubelles ou la queue devant les points de distribution de produits alimentaires ! Merci à l´ex chancelier Schröder, un social démocrate aujourd´hui grassement rémunéré par le géant russe Gasprom !!! Merci à Madame Merkel, chef comptable de l´Europe !
Je vis dans ce pays depuis plus de trente ans et je me demande bien souvent de quelle Allemagne certains hommes politiques français parlent quand ils la citent en exemple avec des trémolos dans la voix. Cette Allemagne est un leurre, un mensonge grossier, un argument de basse propagande destiné à faire passer les pilules des réformes douloureuses et des sacrifices toujours plus grands que l´état et les chefs d´entreprises demandent aux citoyens.
Encore merci pour cet article.
Merci Martine pour ton commentaire auquel j'adhère.