Protectionniste et internationaliste

un léger décalage...

Billet

Aujourd'hui, si j'évoque dans une conversation la possibilité pour la France ou un autre pays de quitter l'UE, je suis immédiatement accusé de partager les idées nationalistes du Front national. Idem pour le protectionnisme.

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Il faudrait préalablement que je vérifie la position de l'extrême droite avant de me déterminer sur tel ou tel sujet.

C'est absurde, et c'est pourtant le raisonnement de certaines personnes qui font du FN - parfois involontairement - le curseur du débat politique.

Ainsi, le débat politique est tronqué, certains sujets étant devenus tabous comme diraient les néo ou sociaux-libéraux : défense de remettre en cause certaines certitudes (l'UE, c'est la paix et le plein emploi) et vérités officielles (la concurrence c'est la prospérité et l'égalité des chances), d'évoquer certains concepts (protectionnisme, souveraineté, indépendance) sous peine d'être classé dans la même catégorie que l'extrême droite.

Étonnamment, ce sont les mêmes bonnes consciences médiatiques et politiques qui ne s'émeuvent pas que la droite classique, le centre et le parti dit socialiste s'alignent sur les positions anti-immigration du FN. Les militants et les sympathisants de ces formations politiques non plus.

D'ailleurs, en ce qui concerne l'immigration, ces gens-là se distinguent seulement de l'extrême droite en versant quelques larmes de crocodile quand leur politique raciste provoque des drames humains en masse comme ce fut le cas récemment en mer méditerranée.

La vigilance contre les idées de l'extrême droite est à géométrie variable chez ces gens-là.

Par conséquent, il ne faut pas craindre de les affronter en remettant en cause les bases même de leur discours sur la mondialisation capitaliste qui est, selon eux, source de progrès pour les peuples. En l'occurrence, la gauche radicale se contente seulement, le plus souvent, de dénoncer la mondialisation et le libre-échange sans mettre complètement les pieds dans le plat.

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Le libre-échange et la mondialisation imposés par l'UE et les instances internationales ne constituent pas un internationalisme, même dénaturé. Ils sont, ni plus ni moins, un impérialisme et un néo-colonialisme capitaliste qui ne provoquent qu'injustices, misère, famine, flux migratoires forcés et, in fine, la mort de milliers de migrants.

Cet impérialisme et ce néo-colonialisme capitaliste, dénommés couramment mondialisation et libre-échange, ne sont ni amendables, ni réformables. Ils ne conduiront jamais à l'internationalisme, synonyme de paix, de justice et de prospérité.

Au nom de l'internationalisme, la gauche radicale doit combattre ce capitalisme en revendiquant une politique protectionniste, sinon elle continuera, d'une part, à être assimilée aux forces qui prônent la mondialisation capitaliste, et d'autre part, à laisser le monopole du protectionnisme à l'extrême droite, c'est-à-dire à un protectionnisme dévoyé par le nationalisme et le racisme.

Or, le protectionnisme de gauche ne signifie pas nationalisme, isolationnisme et autarcie.

Le protectionnisme peut se fonder sur le rejet du pillage des pays les moins développés, de la domination économique et militaire, de la concurrence sauvage, du dumping social, de la spéculation financière, du moins disant social et écologique, du "court terme", de l'enrichissement d'une oligarchie nationale et internationale.

En d'autres termes, le protectionnisme de gauche doit se fonder sur le respect de tous les peuples, de leur environnement, de leur outil de travail, de leurs modes de production, et de leur culture. Et, ce faisant, ce protectionnisme devient l'expression, non pas d'un enfermement, mais du dialogue à égalité et de la coopération entre les peuples, de la mutualisation des intelligences et des moyens humains et matériels, de l'immigration librement choisie par les immigrés eux-mêmes, de l'acquisition de la citoyenneté après un an de résidence comme l'édictait l'article 4 de la Constitution du 24 juin 1793, et de la lutte contre le gaspillage des ressources naturelles.

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Aussi, le protectionnisme de gauche, ce n'est pas la citadelle nationaliste assiégée et guerrière de l'extrême droite, ni l'isolationnisme et l'autarcie, mais des peuples égaux qui refusent la guerre militaire ou la guerre économique et sociale, et qui choisissent la coopération et la solidarité.

Ce protectionnisme-là ne peut être que l'expression de la souveraineté populaire et de la démocratie, a contrario des superstructures technocratiques et oligarchiques qui dominent sans partage des continents pour imposer des politiques favorables aux intérêts de l'oligarchie, comme on le constate avec les États-Unis et l'Union européenne, et autrefois avec l'URSS ou le Comecon.

La démocratie ne peut exister qu'à échelle humaine, celle de la commune comme le prônait les premiers communistes ou d'un pays afin que le peuple prenne lui-même les décisions. Quand une instance supranationale décide à la place du peuple, ce dernier se retrouve progressivement dépossédé de tous ses droits politiques, économiques et sociaux, sauf celui de se sacrifier pour l'oligarchie...

Aussi, tant que la gauche radicale ne revendiquera pas SON protectionnisme et sa volonté de rompre avec l'UE, elle pourra toujours dire sans convaincre qu'elle s'oppose à la financiarisation de l'économie, aux délocalisations des usines et des services, au dumping social, au gaspillage humain et environnemental ou au déni de démocratie de la mondialisation capitaliste et du libre échange...

Commentaires

1. Le mercredi 29 avril 2015, 18:49 par Un partageux

Ce que l'on peut aussi répondre à nos détracteurs : Le protectionnisme, ce n'est pas seulement le refus d'importer ce que l'on peut produire en France. C'est également le refus d'envoyer les bas morceaux de poulet congelé de France vers l'Afrique. Ils arrivent à un euro le kilo dans les maquis (petits restaurants) de Dakar ou d'Abidjan. Résultat : la mort de l'agriculture africaine. Alors faut pas s'étonner de voir les Africains fuir des pays où ils ne peuvent plus vivre pour l'Europe...

2. Le mercredi 29 avril 2015, 18:56 par des pas perdus

Bien d'accord avec toi, Hubert. L'UE est en train de détruire leur agriculture.

3. Le mercredi 29 avril 2015, 20:08 par Lou de Libellus

"des drames humains en masse comme ce fut le cas récemment en mer méditerranée"
J'avais lu la page du Partageux, très juste, très bien argumentée, référencée... J'ai hésité à commenter, parce que je n'avais rien à ajouter.
Trois dessinateurs morts au siège d'un hebdomadaire satirique (passons...), c'est un deuil national. Les victimes-employés de l'hebdomadaire, on n'en parle très peu.
Des centaines, des milliers de noyés sous les yeux des secouristes, on n'en parle pas, sinon chez Partageux et ses sources discrètes parmi les médias.
Je ne sais plus quoi dire.

"du dialogue à égalité et de la coopération entre les peuples"
Bien sûr, nous prions tous les dimanches pour cela, mais au-dessus des peuples, au-dessus du peuple, il y a... ce que tu dis.

Ce que dit Partageux sur l'exportation de nos déchets d'élevage industriel est... je ne sais dire.

Je dois traverser une phase de pessimisme, je vais "consulter".

4. Le mercredi 29 avril 2015, 21:19 par despasperdus

Camarade Lou, n'abandonne pas la lutte.

5. Le jeudi 30 avril 2015, 13:21 par Lou de Libellus

Je reprends espoir après le mail reçu il y a une heure et dont je vais rendre compte sur facebook.
Lediazec te dira, puisque tu es irréductiblement hostile à la modernité, ou à Zuckerberg (pourquoi ?), ou les deux.
Je garde quand même le divan, au cas où.

6. Le jeudi 30 avril 2015, 19:19 par recriweb

Ne le prends évidemment pas personnellement @despasperdus mais ce texte est plus qu'un #bullshit, c'est une monstrueuse ineptie. Tu déplores que "d'évoquer certains concepts (protectionnisme, souveraineté, indépendance)" entraine certains à te "classer dans la même catégorie que l'extrême droite" et pourtant rien dans ta démonstration est propre à les contredire sinon l'emploi de certains mots effectivement étrangers à cette dernière - et encore, l'extrême-droite rouge-brune n'a pas de complexe pour reprendre à son compte la lutte contre le capitalisme, l'impérialisme, la mondialisation, voire "le rejet du pillage des pays les moins développés, de la domination économique et militaire, de la concurrence sauvage, du dumping social, de la spéculation financière, du moins disant social et écologique, du "court terme", de l'enrichissement d'une oligarchie nationale et internationale".

Il est une raison essentielle à l'impossibilité ici de te distinguer de ces connards, c'est que tu reprends le fond de leur raisonnement. Je résume : le problème identifié a pour nom "mondialisation capitaliste" ; l'UE, en Europe, en est l'incarnation puisqu'elle "impose" cette mondialisation ; solution logique : protectionnisme et souveraineté. Jusqu'ici tout le fond de commerce du nationalisme, qu'il soit d'extrême-droite ou revendiqué par une "gauche radicale".

La seule différence ? Tu revendiques ton nationalisme au nom de "l'internationalisme" (fin de la blague) (tu sais ce qu'a été 'internationalisme pour le mouvement ouvrier révolutionnaire ? Visiblement non. Tu n'en as même pas l'ombre d'une pré-notion !), ou plus exactement au nom d'un "protectionnisme non dévoyé par le nationalisme et le racisme".

On te croit (même si http://recriweb.tumblr.com/post/217...), mais tout cela n'a strictement aucun sens car ta réflexion est parfaitement étrangère à toute analyse de classe.

Car là où l'extrême droite voit dans la mondialisation capitaliste un problème, les marxistes y voient les conditions nécessaires d'une société débarrassée un jour de ses frontières (http://www.lutte-ouvriere.org/docum...). Car là, à Bruxelles, où ils situent l'ennemi à abattre, les marxistes y voient les agents zélés des bourgeoisies de chaque pays ; car là où ils situent (comme toi) une solution, les marxistes n'y voient qu'une ancienne alternative pour les bourgeoisies nationales de se refaire une santé en période de crise et/ou de mobilisation sociale.

Pour colorer ton propos et aider les plus naïfs à prétendre une différence entre le nationalisme de gauche et le nationalisme d'extrême droite, tu parles de lutter contre l'oligarchie et tu brodes à l'aide des termes "souveraineté populaire" et "démocratie". Je passe sur le fait que l'extrême droite pourrait en faire de même, si ce n'est pas déjà le cas, mais dans tous les cas, du #bullshit en barre. Tu enlèves l'oligarchie a la solde de l'UE, il reste la classe possédante, la bourgeoisie, qui dirige l'ensemble de l'économie. Tu mets à la tête de son État des hommes partisans du "dialogue à égalité et de la coopération entre les peuples, de la mutualisation des intelligences et des moyens humains et matériels, de l'immigration librement choisie par les immigrés eux-mêmes", etc, l'Etat n'en demeurera pas moins l'appareil de la classe possédante et ses locataires n'auront jamais qu'une vie possible : celle de laquais obéissants sur l'essentiel. Tu ne veux pas qu'"une instance supranationale décide à la place du peuple" (comme si c'était le problème), mais tu ne proposes à la place, en bon protectionniste & souverainiste qui se respecte, qu'une instance nationale.

C'est-à-dire somme toute un État qui, tant que la bourgeoisie ne sera pas expropriée par la classe des travailleurs, décidera toujours à la place du peuple... Et nous avons la situation actuelle.

Bref, tant que la gauche radicale revendiquera "protectionnisme et volonté de rompre avec l'UE" comme solution, elle fera diversion.

Ce à quoi, du reste, a toujours consisté le nationalisme : cibler des ennemis extérieurs pour éviter aux bourgeoisie nationales de chaque pays d'apparaître pour ce qu'ils sont : les seuls vrais responsables, les seuls vrais parasites de notre monde au stade actuelle de son évolution.

7. Le vendredi 1 mai 2015, 08:08 par des pas perdus

Recriweb, je savais qu'en publiant un tel article, je m'exposais à de telles critiques. Mais, j'ai pris ce risque parce que rien ne peut me classer dans les rouges bruns, les nationalistes ou les nostalgiques du socialisme dans un seul pays. Je vais lever quelques doutes...

Effectivement, les rouges bruns et les nationalistes dévoient les mots de la gauche à des fins politiciennes. Ce n'est pas nouveau, Georges Sorel fut d'abord marxiste avant de théoriser le fascisme. Pour autant, doit-on laisser à ces laquais du capital l'usage de certains mots ?

S'agissant de l'UE, je suis bien conscient que c'est un projet de l'oligarchie nationale ou internationale. Mon protectionnisme ne se fait pas en "ménageant" la classe possédante, la bourgeoisie ou l'oligarchie locale, il ne cible pas un ennemi étranger.

Je constate seulement que les ensembles supranationaux permettent à cette classe possédante de mieux exploiter les travailleurs que dans des entités à taille humaine. Ces ensembles lui permettent de naturaliser les inégalités et les injustices et de se défausser de ses propres responsabilités en invoquant la mondialisation comme si c'était un phénomène naturel comme la météo. C'est pour cette raison que les peuples européens doivent rompre avec l'UE. Ce faisant, ils vont à l'encontre des intérêts de cette oligarchie qu'elle soit nationale ou étrangère. Pour moi, ce n'est pas faire diversion.

Le changement doit bien commencer quelque part, dans un pays et faire boule de neige...