Relation fortuite (C. Chadwick)

Relation fortuite est l'étrange récit quasiment intemporel de la rencontre improbable de deux êtres solitaires, exclus et rejetés par la société. L'une en raison de son physique disgracieux, voire repoussant, l'autre pour son statut peu enviable d'ancien prisonnier...

« Elle ne le lâchait pas des yeux, comme si elle s'attendait à ce qu'il engage la conversation. Pour lui clouer le bec, il lui avait lancé qu'il sortait tout juste de taule où on l'avait enfermé pour meurtre. Elle avait tellement besoin de parler qu'elle lui confia qu'il lui arrivait de vouloir tuer sa mère. "Ça fera dix mille livres", n'avait-il pas répondu. Il lui avait avait dit simplement d'aller se faire foutre. S'il avait l'air d'un ancien taulard, c'est qu'il en était un. »

Deux vies en marge du monde, deux êtres blessés qui cahin-caha vont apprendre, se comprendre, vivre en amis des jours heureux, et être acceptées par l'extérieur, et, ce faisant s'accepter eux-mêmes.

« Elle les regardait grandir et partir de chez eux. Elle essaierait de continuer à les voir quand ils iraient à l'université. Il se présenterait une nouvelle génération d'enfants à qui elle offrirait des cadeaux, pour voir l'effet que ça ferait sur leurs visages. Et un jour, dans un avenir très lointain, ils découvriraient qu'elle tête elle avait; mais peut-être que non, car, à sa connaissance, il n'existait pas de photo d'elle. »

Pour y parvenir, ils quitteront Londres. Elle, pour fuir l'hypocrisie de sa famille, et lui un ancien complice et un destin tout tracé. Relation fortuite est captivant bien qu'il n'y ait ni rebondissement, ni suspense, ni aventure extraordinaire et que, de surcroit, les deux principaux personnages sont d'une affligeante banalité. Charles Chadwick a réussi ce tour de force grâce à son style, mais surtout parce que son récit a trait au plus intime, notre humanité.

« Il n'y avait pas grand chose à dire; un monde s'achevait et nouvelle ère inconnue commençait. »