Si on s'inscrit dans les institutions de la Cinquième République, à l'instar des organisations de l'autre gauche et d'extrême gauche, de LO au NPA en passant par le PCF, il faut bien un-e candidat-e pour diffuser les idées auprès d'un public plus large que celui des militants et des sympathisants.
La principale critique concerne le caractère individuel et prématuré de la candidature de J.L. Mélenchon, au sens où il n'a pas été désigné par un ou des partis ou des primaires. Mais, pouvait-il en être autrement ? Ces procédures sont des simulacres de démocratie, en raison d'une part d'un débat biaisé par les médias et les directions des partis, d'autre part du suivisme qui caractérise bien des militants, et enfin de la nature même d'un scrutin qui personnalise à l'excès les candidats à la candidature.
De plus, le Front de gauche est moribond. Quel intérêt de demander l'avis à des appareils politiques qui ne représentent plus qu'eux-mêmes ? Ce qui se dessinait avant la candidature de J.L. Mélenchon, c'était une configuration à la 2007 quand la gauche du Non fut incapable de désigner un-e candidat-e commun-e.
Enfin, depuis l'élection présidentielle de 2012, certaines composantes du Front de gauche ont préféré maintenir le FDG à l'état de cartel plutôt que de le transformer en véritable organisation politique. La dynamique de 2012 s'est brisée nette sur des appareils politiques sclérosés qui, quoi qu'on en dise, sont obnubilés par leur propre survie, quitte à suivre, au gré des scrutins locaux, une ligne politique fluctuante frappée du sceau de l'opportunisme.
Dans ce contexte, J.L. Mélenchon a préféré ne pas perdre de temps en lançant dès maintenant sa campagne. Il sort toute l'autre gauche du confort de critiquer Hollande, Valls et la bande néo-cons du PS...
On lui reproche aussi de bloquer une éventuelle candidature issue du mouvement social comme si la France avait vécu un mouvement de l'ampleur des Indignés en Espagne. Or, le mouvement social est faible. Et dispersé. Peut-être que les créations de nombreuses ZAD se fédéreront et participeront à l'émergence d'un nouveau mouvement politique ? Mais en attendant, que faire ? Participer à la primaire de la "gauche" comme le souhaite le leader du PCF, décidément toujours à la traîne du PS qui n'a de socialiste que le nom ? J'ai beau regarder ce moment politique sous tous les angles, la démarche de J.L. Mélenchon m'apparaît pertinente.
Enfin, ce dernier incarnerait mal l'avenir en raison de son âge et du fait qu'il reflète, malgré lui, le vieux système oligarchique de la Cinquième République. Certes, j'aurais préféré qu'il cède sa place à un-e militant-e plus jeune et moins marqué-e par les institutions de la Cinquième, comme Corinne Morel Darleux par exemple... Mais après tout, Bernie Sanders et Jeremy Corbyn ne sont pas les perdreaux de l'année ! Et puis, la jeunesse n'est pas une classe sociale.
Certes, J.L. Mélenchon a des défauts. En particulier, d'aller dans des émissions de variétés ou d'être parfois maladroit avec certains journalistes, ce qui lui nuit et lui fait dire des âneries comme lors de la campagne de vaccination collective contre la grippe H1N1 sous Sarkozy et Bachelot.
Mais, je n'ai pas envie de taper sur lui, ni d'en faire un bouc émissaire, ni de participer au concert hypocrite de vierges effarouchées du PCF. Les médias dominants s'en chargent très bien en retirant des phrases de leur contexte, en usant de verbes et de qualificatifs du genre animalier, en publiant des caricatures dignes des années 30, voire même des photographies truquées pour le disqualifier.
Pour toutes ces raisons, je ne rends pas aujourd'hui un avis définitif. Je revendique le doute.
Peut-être arrivera-t-il à fédérer autour de lui, citoyen-ne-s et mouvements disparates, salarié-e-s et fonctionnaires en lutte et Zadistes, à présenter un programme offensif et novateur de progrès social et écolo sur la base de propositions de citoyen-ne-s, à transformer sa candidature en collectif. Et, ce faisant, créer une dynamique qui dépassera les groupuscules du front de gauche et de l'extrême gauche, et qui ne s'arrêtera pas après la présidentielle de 2017.
Pour autant, je ne suis pas un optimiste béat et naïf.
Car le plus dur reste à faire pour J.L. Mélenchon et sa garde rapprochée : changer pour faire vivre la démocratie et l'égalité entre les militants chevronnés, les cadres et les simples citoyen-ne-s qui veulent s'engager à leurs côtés dans la campagne.
Aussi, certaines habitudes devront cesser comme celles de se penser et agir en avant-garde qui décide de tout pour le bien des autres, et surtout d'eux-mêmes. Le double échec du Parti de gauche et du Front de gauche a dû faire cogiter les têtes dures des dirigeants du PG.
D'autres pratiques devront remplacer les anciennes durant cette campagne (et après). Il faudra laisser vivre les débats, ne pas censurer les idées qui ne viennent pas d'en haut, du cadre du PG ou du FDG. En d'autres termes, il faudra que J.L. Mélenchon et ses lieutenants acceptent de se laisser dépasser et de perdre le contrôle du bidule[1]. Si cette candidature est fermée et verrouillée, elle n'attirera personne, hormis les habitué-e-s et quelques opportunistes.
Note
[1] avec un contrôle à la marge pour invalider évidemment des propositions racistes, fascistes ou néolibérales
Commentaires
Salut bonhomme,
Je partage le point de vue que tu exprimes ici. L'analyse du merdier innommable qu'est la gauche de gauche FdG compris : Mélenchon s'en sort sans en référer à quelques douzaines de chapelles et ayatollahs. Et puis aussi les réserves qu'une vieille gauche poussiéreuse nous inspire. Sur ce deuxième point ce sera à Mélenchon de s'extraire de son entourage usuel comme des généraux sans troupes s'il veut conquérir les électeurs... Comme toi je suis dans le doute tout en espérant que ce soit la bonne direction qui soit prise.
One point. j'aime être contredit par une telle argumentation (plutôt que de l'agressivité et des insultes sans aucun fond politique)qui reprend point par point nos divergences avec cette candidature. Bravo. Bon billet.
Hubert, nous verrons...
Merci beaucoup d'avoir trouvé les mots justes pour le dire. Ce bel élan dépend de nous et je n'aimerais pas qu'il soit déçu. A nous d'être à la hauteur, à Mélenchon d'être un vrai porte-parole de ce que nous sommes avec son talent et ses failles aussi, car il n'y a pas d'homme providentiel, il n'y a que des causes communes.
je voterai Mélenchon en 2017 mais pas comme j'ai pu voter en 2012 , pour chasser son prédécesseur
Tu ne l'as peut-etre pas lu ou vu ou pas voulu le comprendre , mais il a toujours exprimé des positions vraiment radicales et de gauche dont la partie écologique est tout à fait ce à quoi tu aspires
Sa stratégie a toujours été de se dégager des magouilles avec PS et il a été dupé comme beaucoup par les vers
Ses ' infusions ' des régionales sont les seules choses que l'on peut vraiment lui reprocher mais il a fait son mea culpa et expliqué pourquoi .
Maintenant , penses-tu sincèrement que une primaire peut déboucher sur un /une candidat -e vraiment représentatif de nos valeurs et surtout avec un vrai programme de gauche ?
Mélenchon ne sera pas mon candidat par défaut , bien au contraire , son programme , qu'il nous charge de compléter à travers sa plateforme , est tout à fait ce à quoi je crois , 2012 rénové et je suis certain que les communistes véritables , pas les arrivistes , le soutiendront comme je le soutiens dans une cause commune pour en finir avec la 5eme république
un dernier mot sur les liens critiques que tu affiches : GdeC , Gérard , n'est plus dans son camp depuis un moment .Il n'a pas fait mystère de sa carte à Ensemble et de ce fait propose C Autain au casting de cette primaire des gôches et des gauches
Il a échoué à gérer un parti qu'il a lui-même co-créé, une coalition qu'il a lui-même souhaitée (et où il aurait dû promouvoir la démocratie, surtout après un certain mois d'octobre -rouge ?-) mais il serait apte à gérer le pays ? Il suffit de s'en persuader.
Ceci mis à part, il ne faut pas oublier que c'est un fervent partisan du parlementarisme représentatif ; le point n'est pas anecdotique ; j'avais mis mon mouchoir là dessus parce qu'il faut bien trouver quelques compromis pour avancer. Vu le résultat je ne vois pas pourquoi je renouvellerai le compromis.
J'ai cru un moment être dans l'expectative à l'annonce de sa candidature, mais non, nous avons besoin de démocratie, rien d'autre, ni dieu, ni césar, ni tribun.
(NB : je sais que ça peut paraître paradoxal vu ce que je dis sur le peuple, par exemple, sur ton dernier billet dominical ; en apparence seulement : la démocratie est un risque qu'il faut nécessairement courir)
Messieurs , auteur de l'article et commentateurs ci-dessus,
Avez-vous pris le temps de lire ou d'écouter JLM? Je vous renvoie à son dernier discours au théâtre Béjazet, par exemple. Vous pourrez vous rendre compte par vous même de sa véritable dimension mais je trouve très intéressant que le doute en vous s'insinue, cela est très important. C'est ce doute qui va vous permettre ne pas réduire cette candidature à " une recherche de voix" ou à l'expression d'un "tribun". Oui, je vous remercie pour ce doute que votre intelligence voudra éclaircir en toute honnêteté.
Messieurs , auteur de l'article et commentateurs ci-dessus,
Avez-vous pris le temps de lire ou d'écouter JLM? Je vous renvoie à son dernier discours au théâtre Béjazet, par exemple. Vous pourrez vous rendre compte par vous même de sa véritable dimension mais je trouve très intéressant que le doute en vous s'insinue, cela est très important. C'est ce doute qui va vous permettre ne pas réduire cette candidature à " une recherche de voix" ou à l'expression d'un "tribun". Oui, je vous remercie pour ce doute que votre intelligence voudra éclaircir en toute honnêteté.
Oui, si on veut bien écouter ce que JLM dit (à Béjazet) ou ce qu'il a déja écrit et exprimé,le procès en ego monstrueux et cavalier seul est injuste. A nous de faire vivre le programme de l'Humain d'abord et de l'actualiser car les choses ne sont jamais immuables (c'est le signe de la vie). Enfin une lueur d'espoir mais le temps est compté pour que les gens se réveillent et secouent les idées toutes faites qui emprisonnent
Voter Mélenchon par défaut dans cette gauche démolie, pourquoi pas? Quant-aux discours politiques de campagne...On sait ce qu'ils valent en France ou ailleurs, les grecs en ont fait aussi l'expérience. Mélenchon aurait raison comme Varoufakis, et alors? Il faut toujours examiner la réalité en face et les rapports de force concrètement. Une énième élection va nous amener Marine Lepen ou Sarkozy la revanche ou Juppé le retour....
J'ai suivi avec assiduité et impatience tous les discours de la campagne 2012 (et même après, ma préférence va à sa conférence donnée à science-po Toulouse) ; j'en avais relayé un certain nombre sur mon précédent blog, commentés quelques-uns pour souligner les points essentiels (tels que la mer si chère à ses yeux) ; j'ai fait deux fois le déplacement sur Paris depuis le Tarn pour les écouter les discours de JLM ; la première et seule fois que j'ai voté c'est pour lui ; j'ai un exemplaire de l'humain d'abord et de qu'ils s'en aillent tous là dans ma bibliothèque ; je dirais encore volontiers que c'est notre plus grand politique depuis Jaurès (il faut savoir que j'idolâtre littéralement Jaurès, même si je sais que c'est pas bien l'idolâtrie).
Et parce que je l'ai écouté et lu (lui et d'autres) je sais que c'est nous la solution, pas lui, ni personne (sauf Jaurès, peut-être ^^).
Ceci dit j'écouterai son discours à Béjazet, j'apprécie toujours autant ses talents d'orateur et sa pensée.
Pour info, avez vous vu ceci ? > http://www.gpiel.com/2016/02/lettre... Voilà qui rejoint ma position, malgré quelques nuances, car le PCF, comme chacun le sait ici, n'est pas étranger à la décision que j'estime précipitée de Mélenchon.. je vais donc prendre connaissance de ce qui s 'est dit hier à Dejazet, en intégrant la position de ce Monsieur, auquel j'ai adressé un commentaire (qui n'est malencontreusement pas paru, hélas, mais pas grave j'en ai fait une copie). Le tout fera an billet circonstancié, dans lequel j'expliquerai tranquillement, avec du recul, comme ici, pourquoi je maintiens ma distance d'avec ce projet dont la base m'apparait insuffisante. Persiste et signe. Mais j'ai des raisons non seulement politiques, mais également personnelles.
Pour info, avez vous vu ceci ? > http://www.gpiel.com/2016/02/lettre... Voilà qui rejoint ma position, malgré quelques nuances, car le PCF, comme chacun le sait ici, n'est pas étranger à la décision que j'estime précipitée de Mélenchon.. je vais donc prendre connaissance de ce qui s 'est dit hier à Dejazet, en intégrant la position de ce Monsieur, auquel j'ai adressé un commentaire (qui n'est malencontreusement pas paru, hélas, mais pas grave j'en ai fait une copie). Le tout fera an billet circonstancié, dans lequel j'expliquerai tranquillement, avec du recul, comme ici, pourquoi je maintiens ma distance d'avec ce projet dont la base m'apparait insuffisante. Persiste et signe. Mais j'ai des raisons non seulement politiques, mais également personnelles.
J'ai écouté son meeting au théâtre Déjazet hier. Oui il répond à certaines de mes interrogations mais il en faudra plus pour me convaincre. Comme dit plus haut, le doute est salvateur (coucou Socrate et Descartes) et je pense qu'il faut se poser les questions pour pouvoir, le moment venu, renforcer la candidature de nos idées. Pour le moment, j'en reste à mes interrogations.
Maricorne : tu as raison, il n'y a pas d'homme providentiel.
Micmousse : on peut avoir des désaccords, mais je ne pense pas que ce soit un problème de personnes.
Arthurin : Idem sauf pour le tarn ;-)
Géraud-K.Lévy : j'avoue ne pas avoir entendu son dernier discours au théâtre Béjazet, mais ça ne saurait tarder. Mais bon, il y a les discours et les actes...
Robert : Bien d'accord, le pire semble devant nous.
Gédécé : lettre intéressante, mais je bloque définitivement sur les primaires...
Marwen : idem
@ DPP
Je sais bien, ça commence à faire un moment qu'on se suit de loin ; enfin c'est plus moi le suiveur vu mon jeune âge relatif (hihi).
Bref, j'ai visionné la conférence, rien de nouveau pour de vieux partisans de la cause (hihi *2) ; ça fait toujours autant de bien à entendre ceci dit.
Je n'ai vraiment pas envie de porter une critique acerbe tellement je sais la nécessité de la pensée profonde de JLM, notamment sur le déterminisme possible à l'intérieur du structuralisme dans la perspective d'une humanité solidaire...
Mais il y a matière : "duralex, sed lex" hum... comme au vel' d'hiv' ? (le point godwin, c'est pour moi), "seuls les députés et les élus sont légitimes représentant du peuple" mouais... ce que je disais sur le parlementarisme représentatif (cf. https://redvolted.wordpress.com/201...), "la fRance pays de paix" qui vend pour 16Mds d'armes l'an...
Alors ça plus le reste, qu'il se présente sans avoir souffert de primaire et sans être affilié à un parti, osef ; et ça nous éloigne d'autant des véritables enjeux pour lesquels les questions restent entières.
Gédécé, ton 1er commentaire s'était glissé parmi les "indésirables", et j'y réponds. Je pense que tu te retrouves plus ou moins dans la dernière partie du billet, non ?
La candidature de Mélenchon a le mérite de clarifier la situation, la balle est maintenant dans le camp du PS et des pro-primaires qui vont être obligés d'accélérer et de clarifier leur position.