La démocratie à la rue

un léger décalage...

Billet

Mercredi soir, le premier ministre a déclaré dans un meeting :

« La démocratie, ce n’est pas la rue ! La démocratie c’est le vote ! »

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A titre liminaire, il faut préciser que la démocratie, ce n'est ni le vote, ni la rue, mais le pouvoir au peuple, par le peuple et pour le peuple.

Aussi, aurait-il dû poser la question suivante au lieu d'être si affirmatif :

« Est-ce que le peuple a le pouvoir ? »

Si tel était le cas, le peuple ne descendrait pas dans la rue pour protester contre la politique du PS conduite par les sieurs Hollande et Valls. Il délibérerait sereinement après un débat démocratique à l'assemblée du peuple.

Or, les citoyen-ne-s investissent l'espace public ces dernières semaines parce que la démocratie fonctionne mal ou ne fonctionne pas.

Le régime politique de la France est une démocratie dite représentative. Autrement dit, les élu-e-s sont censé-e-s représenter les citoyen-ne-s.

Or, il y a un fossé entre la réalité sociologique des élu-e-s et celle des citoyen-ne-s, autant au niveau local qu'au niveau national. Aujourd'hui, par exemple, 3 % des députés étaient ouvriers ou employés avant d'entrer à l'Assemblée nationale alors que ces catégories socio-professionnelles pèsent plus de 50 % de la population active.

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Passer de 50 % dans la société à 3 % au sein d'une assemblée représentative est le signe manifeste d'un dysfonctionnement du système qui n'est pas probablement fortuit au regard de l'orientation des lois et des politiques.

J'ai la faiblesse de penser qu'une assemblée composée majoritairement d'élus d'origine ouvrière ou employée n'aurait pas voté des lois de régression sociale, de casse des services publics, de privilèges fiscaux pour l'oligarchie et les entreprises du CAC40...

Raisonnement simpliste ? Peut-être. Mais, j'observe que l'assemblée nationale composée à plus de 80 % de cadres supérieurs n'a jamais censuré une politique qui est favorable à l'oligarchie et au patronat, depuis plus de trente ans. Est-ce un hasard si ce sont ces professions supérieures qui vantent les mérites de la mondialisation et en jouissent, et les ouvriers et les employés ses premières victimes ?

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Par ailleurs, observation n° 2, les élus sont très mal élus.

Certes, ils le sont en recueillant plus de la moitié des suffrages, hormis en cas de triangulaire, mais, il ne s'agit que de suffrages exprimés.

D'ailleurs, le nombre d'abstentionnistes, de bulletins blancs et de citoyen-ne-s non inscrit-e-s est régulièrement supérieur à celui des suffrages exprimés, non seulement pour le vainqueur, mais également au nombre total de suffrages exprimés sur les deux candidat-e-s.

Ce fut le cas à Nantes où la candidate du PS a été élue par seulement 12 % des habitants de l'ancienne circonscription de Ayrault... Quant aux élus des autres législatives partielles, le constat est le même.

Le vote est devenu l'expression d'une partie, souvent minoritaire, de la population. L'autre partie n'a plus confiance en des élus qui, pour la plupart, lui ressemblent si peu et qui défendent d'autres intérêts. En l'absence de mandat direct ou de mandat révocatoire, voter consiste à donner un chèque en blanc à un-e candidat-e qui, une fois élu-e, peut soutenir une politique diamétralement opposée à celle pour laquelle il a été élu. Le rapprochement idéologique sur les questions économiques et sociales des deux principaux partis politiques a anéanti toute perspective de changement d'orientation politique en cas d'alternance entre le parti dit socialiste et la droite classique, et renforcé ce sentiment, non dénué de tout fondement, que voter devient inutile pour une partie croissante de la population.

Dans ces conditions, difficile d'affirmer que les élus et leurs partis sont représentatifs et légitimes, et que la démocratie dite représentative est une véritable démocratie, et la rue son contraire.

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Commentaires

1. Le jeudi 9 juin 2016, 20:17 par Un partageux

Ça demanderait à être vérifié avec minutie mais Gérard Filoche a dit récemment que seulement 10 députés sur 577 avaient travaillé dans le privé.

2. Le jeudi 9 juin 2016, 20:27 par Robert Spire

On peut dire avec plus d'exactitude: "La démocratie c'est la rue, la dictature c'est le vote".
Mr Valls sait très bien que grâce à la rue sont tombés des dictatures qui se maintenaient grâce au vote. Ce gars nous prend pour des incultes.

3. Le jeudi 9 juin 2016, 21:35 par Arthurin

Pour la vérification :
http://www.assemblee-nationale.fr/q...

Que nos députés ne connaissent pas le monde du travail, et en particulier celui des affaires, peut être un point d'argumentation également pour la droite, un exemple ici : http://www.dreuz.info/2012/07/30/le... .

Sur la démocratie, (re)voir Lepage : https://www.youtube.com/watch?v=9MC... , de 59:30 à 1:15:00 environ (plus compréhensible en visionnant l'ensemble).

4. Le vendredi 10 juin 2016, 07:42 par des pas perdus

Hubert, la distinction est intéressante entre privé et public, sauf que les fonctionnaires de catégorie B et C ont un niveau de vie similaire à celui des ouvriers et des employés.
Robert, bien d'accord avec toi.
Merci pour les liens Arthurin. Il suffit de voir le CV de pas mal de politiciens qui n'ont jamais gagné leur vie en dehors de la politique comme El Khomri ou De Rugy...

5. Le vendredi 10 juin 2016, 08:53 par Lou de Libellus

Je vois qu'on lit son Lou sur Facebook ; - )
Peut-on dire : la dictature, c'est le vote ? Le plébiscite, oui : Hitler, Pétain. Il est vrai que De Gaulle a été "plébiscité" dans un premier temps mais, peu après, il y a eu un référendum dans les règles (et il est tombé en 1969 à la suite d'un référendum mal fichu - il ne voulait pas annoncer son véritable projet).
Des pas, tu fais bien de redonner la définition de "démocratie". On aurait pu dire "république". Quant aux non-inscrits... j'apprends que je ne suis pas seul.
(ne pas être inscrit évite d'être convoqué comme juré en assises - c'est arrivé à une de mes collègues ; j'aurais été très mal à l'aise, mais j'aurais été refusé à l'entretien de sélection en annonçant : il est coupable, ou : il est innocent, ce qui est irrecevable pour le juge et pour l'avocat)

6. Le vendredi 10 juin 2016, 20:38 par des pas perdus

On te lit partout... même en ces lieux obscurs.
Non inscrit ? Je ne sais si ça n'a pas de conséquence sur l'imposition ?

7. Le samedi 11 juin 2016, 06:46 par Lou de Libellus

http://www.lepoint.fr/zapping-du-po...
_ Dictateur ?
_ Vous avez dit "dictateur", mon cher cousin.
_ Moi, j'ai dit "dictateur", comme c'est...

8. Le samedi 11 juin 2016, 07:49 par babelouest

.... bah oui, comme c'est farceur....

Et puis le bas, l'ont rompu. Si le haut se barre, reste le bide, hon hon, hon...

Extrait de la Désencyclopédie :
Faire un bide est une expression grassouillette de la langue française désignant l'acte qu'accomplit une personne dont la présentation ou le spectacle, ou la vanne, ou l'article, n'a pas eu l'effet escompté auprès de son public. C'est en général synonyme d'échec, et de sensations bizarres au niveau du plexus solaire. Cet article, véritable Bible du bide, véritable Bidle donc, se propose de donner les principales clés de la compréhension du bide, afin de s'en affranchir définitivement, voire complètement. Et surtout de perdre du ventre !1

9. Le samedi 11 juin 2016, 14:07 par cpolitic

Effectivement nous sommes très mal représenté. Problème: ce cercle vicieux qui veut que plus les politiciens sont véreux et incompétents plus les gens se désintéressent de la politique. Et moins les gens votent. Forcément qui récupèrent la timballe: les politiciens véreux.
ça ne peut qu'empirer s'il n'y a pas un électrochoc un scandale tellement énorme que les choses bougent.
Malheureusement le peu de scandales qui sortent comme le Panama Papers, les sous évaluations de patrimoine des différents ministres font littéralement pschiiit.
Alors que dans les 50 ou 60 et même jusque dans les années 80, nous en aurions eu des démissions...