L'appartement est calme. Elle n'a pas entendu ses parents se lever, se laver, prendre leur petit déjeuner et leurs affaires, fermer la porte pour se rendre à la station de RER.
Elle se rappelle que toute petite, elle passait tous ses dimanches avec ses parents. Ils l'emmenaient généralement dans le parc, et parfois visiter un lieu à Paris ou voir la famille. Les amis, c'était plutôt le samedi et des soirées qui finissaient tard. Mais ça, c'était avant.
Avant la loi Maillié sous le gouvernement de Monsieur Fillon, premier ministre de Nicolas Sarkozy. Manque de bol, le magasin d'électroménager de papa se situe dans un périmètre d'usage de consommation exceptionnel (PUCE). A la rentrée 2009, papa s'est donc retrouvé volontaire à bosser 6 dimanches sur 7. Comme il l'expliquait à maman, c'était soit ça, soit la porte !
Les trois années suivantes, Brigitte passait ses dimanches avec maman. Il y avait parfois la petite voisine Aïcha dont les parents subissaient le même sort que papa. C'était bien comparé à maintenant, même si papa manquait.
En 2012, papa était très content à l'annonce de la victoire de François Hollande. Avec la gauche au pouvoir, papa m'a dit qu'il serait bientôt présent tous les dimanches et qu'on allait à nouveau s'amuser. Et puis, le temps a passé, et papa travaillait toujours le dimanche. Je ne sais pas ce qui s'est passé... Papa parlait de programme, de parole, de trahison, de vendu, de corruption, de Macron.
En août 2015, je me suis retrouvée seule tous les dimanches. Maman espérait échapper à la loi Macron, mais manque de bol le centre commercial de beaugrenelle a été bizarrement classé en zone internationale de tourisme ! Pas de bol non plus que CFDT, CFTC et CGC, pourtant minoritaires, signent l'accord proposé par le patron.
Au début, j'ai beaucoup pleuré. Pas évident de se lever à 5 heures du matin le dimanche. Papa me laissait au centre aéré avant de prendre le RER. Je revoyais les copines de l'école. Mes parents me manquaient et je pensais à tous ces dimanches merveilleux à trois qui appartiennent au passé.
En fait, le plus dur, c'est depuis cette année quand la nouvelle municipalité Front national a décidé de fermer le centre aéré pour renforcer la police municipale. La sécurité avant le social qu'ils disaient, comme d'autres disaient l'économie avant le social... Désormais, je passe tous mes dimanches seule dans l'appartement. D'ailleurs, je me demande si je ne vais pas rejoindre les copines qui font le guet à l'entrée de la cité, histoire de m'occuper et de gagner quelques euros.
La semaine dernière, maman et papa m'ont dit qu'ils travailleraient aujourd'hui, même si c'est le jour de l'élection présidentielle. Moi, je ne trouve pas ça très normal, pas très civique. Papa et maman m'ont dit que c'était une manière insidieuse d'inciter les prolos à ne plus voter.
Commentaires
C'est bien pourquoi, aux USA, les scrutins se déroulent toujours les jours sur semaine. En plus, comme le même jour généralement il faut renouveler des tas de postes, cela dure, dure, dure.....
(gouverneur, shériff, représentants, vote présidentiel, etc. Plus de 30 votes parfois le même jour)
Bien entendu, ceux qui bossent ne peuvent pas y aller, et ceux qui ne bossent pas, non plus, parce qu'ils n'ont plus de logement servant de justificatif de résidence. Ne peuvent voter que les riches.
Le caractère censitaire est officieux...
..... mais bien réel !