Un fasciste à l'Elysée ?

un léger décalage...

Billet

Il faut se méfier des mots.

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Oui, le fascisme caractérise une époque bien particulière, un régime politique identifiable avec le parti unique au service d'une caste bourgeoise, l'embrigadement de la jeunesse, le nationalisme exacerbé. Non, Macron n'est pas Mussolini. Non, LREM n'est pas un parti fasciste qui ferait élire son chef par acclamations ! Non voyons, même si le secret des affaires est désormais bien gardé et le projet de loi portant sur les fake news prêt à être voté au parlement.

Un parti presque unique, le contrôle presque total de l'information avec les médias publics, les médias privés appartenant à 95% à l'oligarchie et le droit d'amendement de l'opposition au parlement bientôt très restreint : heureusement que Macron a battu l'extrême droite sinon on s'y croirait !

Pinochet sans le stade, la torture et les exécutions sommaires ? Une sorte de fascisme 2.0 ? Un chouïa Salazar ou Franco pour le côté catho ? Même à l'heure des réseaux sociaux, le sabre a besoin du goupillon, quitte à s'essuyer les pieds sur la laïcité...

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Fasciste ou pas, tout au moins autoritaire, le pouvoir macronien semble lancé dans le sprint final du néolibéralisme. Après lui, il ne restera plus rien au peuple ! Ce qu'il reste de biens communs après 30 ans de néolibéralisme sera donné ou vendu à l'oligarchie.

Aussi, y a-t-il du frottement - comme on dit en cyclisme - pour faire passer les dernières mesures qui donneront à l'oligarchie le rail, les barrages, les aéroports, soit des secteurs d'activité qui échappent encore au marché et aux poches des actionnaires.

Le haut niveau de la violence du pouvoir macronien et sa présence quasi permanente tout azimut sont inédits.

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Certes, il serait injuste d'en attribuer à Macron l'entière responsabilité, tant on subit depuis les deux précédents quinquennats, une hausse progressive de la violence d'Etat, mais, depuis son arrivée à l'Elysée, la violence légale est montée d'un cran.

Comme d'habitude, l'obsession sécuritaire a servi de prétexte au durcissement. Plus particulièrement la lutte contre le terrorisme. Avec Macron et sa majorité parlementaire, des mesures de l'Etat d'urgence ont été banalisées dans la loi, rognant ainsi les libertés individuelles et collectives.

Si la législation anti-terroriste ne dissuade guère les terroristes de commettre de nouveaux crimes, ni aux forces de l'ordre d'agir efficacement et préventivement, par contre elle est très efficace pour réprimer celles et ceux qui portent la contestation sociale et défendent un autre modèle social.

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Ainsi, dans la grande tradition réactionnaire, le pouvoir macronien s'est attaqué à la zad de Notre Dame des Landes, alors qu'il aurait pu négocier avec eux des contrats ou des loyers pour leur permettre d'occuper légalement des terres que l'Etat avait préempté en vue de la construction de l'aéroport.

A l'instar de ses prédécesseurs, Macron et sa bande ont choisi la violence et la destruction en faisant intervenir plus 2000 hommes et des blindés pour chasser des zadistes qui avaient commencé à vivre d'une agriculture respectueuse de l'environnement, solidaire et coopérative.

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N'oublions donc jamais l'utilité des lois anti-terroristes pour réprimer le mouvement social : des syndicalistes menottés chez eux devant leur famille et emmenés au poste, poursuivis ou condamnés par le juge parce qu'ils ont refusé un prélèvement ADN, ou imposés à quelques cadres dirigeants d'une entreprise de rester quelques heures avec eux dans la même pièce, ou déchirés la chemise d'un DRH qui préparait des charrettes de licenciements.

Progressivement, au fil des ans, les digues républicaines ou humanistes sont tombées au nom de la défense de la démocratie et des libertés via des lois sécuritaires.

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Ainsi, il était inconcevable en 1986, à l'occasion d'une importante mobilisation étudiante, que des Chirac-Pasqua-Pandraud ordonnent aux CRS d'entrer à l'université pour déloger les étudiants en grève.

Inimaginable aussi que le pouvoir central suspende les autorités locales d'une université pour se substituer à elles comme cela s'est produit à Toulouse. Comprenez bien que la triplette du RPR, ancêtre de LR, n'était pas faite d'enfants de cœur, mais, à l'époque, même les pires réactionnaires étaient contraints de respecter certaines limites ou apparences.

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Ces limites ou apparences n'existent plus sous Macron.

Ainsi, il aurait été également impensable que des mineurs, même de bas âge, soient incarcérés ou chassés du territoire français en pleine nuit d'hiver dans la neige à cause de leur nationalité et de leurs papiers. Intolérable que des citoyen-ne-s soient arrêtés, poursuivis puis condamnés pour avoir porté assistance à personne (étrangère et non européenne) en danger !

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La surenchère nationaliste et la répression qui en est la conséquence, quand il s'agit de personnes de nationalité étrangère, ont, elles aussi, franchi un cap dans l'abjection et le cynisme.

Le pouvoir macronien prétend défendre la démocratie et lutter contre l'extrême droite en appliquant les idées de cette dernière... au point que des cadres du FN saluent l'action du ministre de l'Intérieur !

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Passé ce paradoxe, le constat est finalement logique. Le FN est l'idiot utile du macronisme à sa réélection en 2022 qui le lui rend bien.

D'une part, les médias favorables au macronisme - en d'autres termes, ceux qui appartiennent aux oligarques - laissent le FN tranquille depuis la victoire de Macron, et le laisseront tranquille probablement jusqu'au soir du premier tour de la prochaine élection présidentielle. On peut d'ailleurs observer que la France Insoumise ne bénéficie pas du même traitement complaisant des médias.

D'autre part, le gouvernement Philippe Macron contribue au maintien du FN à un haut niveau électoral en légitimant les idées de l'extrême droite.

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La morale de cette histoire, c'est qu'en voulant échapper à l'extrême droite en votant pour Macron, la France subit une politique qui ressemble à une politique d'extrême droite : répression des syndicalistes, des immigrés, des chômeurs, des pauvres et impunité de l'oligarchie et du patronat..

Commentaires

1. Le lundi 16 avril 2018, 11:31 par Un partageux

"En voulant échapper à l'extrême droite en votant pour Macron, la France subit une politique qui ressemble à une politique d'extrême droite"

Quand je pense à ce que j'avais écrit avant le second tour !
https://yetiblog.org/2138/ On se souvient du "bonnet blanc et blanc bonnet" lorsque deux candidats de droite étaient au second tour d ela présidentielle de 1969. J'avais peine à imaginer que l'on aurait dû dire la même chose en 2017...

2. Le lundi 16 avril 2018, 20:22 par babelouest

Dès avant le premier tour, je n'avais laissé aucun doute sur ma pensée : il y avait UNE personne à éliminer par le vote, pour que surtout elle ne devienne jamais président. C'était Macron.

Le tripatouillage des voix par une boîte américaine (remplacer par endroits des votes blancs par des bulletins Macron) a induit bien entendu le résultat inverse. Contre un tel déni des règles, seules les armes peuvent faire la différence.

3. Le jeudi 19 avril 2018, 12:31 par Robert Spire

Comme l'a remarqué David Graeber dans un de ses bouquins (Dette, 5000 ans d'histoire): "L'histoire des origines du capitalisme"..."c'est l'histoire de la conversion d'une économie du crédit en économie de l'intérêt; de la transformation graduelle de réseaux moraux par l'intrusion du pouvoir impersonnel-et souvent vindicatif-de l'Etat."
Graeber rappelle que St Augustin avait anticipé: "des désirs infinis dans un monde fini signifient une rivalité sans fin; notre unique espoir de paix sociale (dans ce contexte) est donc bien celui que préconisait Hobbes: des accords contractuels que l'appareil d'Etat fera strictement respecter."
Donc rien de neuf sous le soleil, afin d'éviter ou de retarder l'échéance du chaos où nous entraine le capitalisme, la dictature (soft ou hard) est nécessaire.
Contrairement aux discours actuels des politiques qui se veulent "moderne", ils ne font que ressasser (sans solutions, à part Mélenchon dans une certaine mesure) une vieille bataille philosophique sur les relations humaines. D'un coté, Augustin, Hobbes, Mandeville, etc... de l'autre, Rousseau, Marx, etc...Sur le sujet il y a un bouquin d'Yves Vargas (Rousseau, avorteur du capitalisme) qui donne une (rare mais juste) analyse des écrits de Rousseau qui avait "compris que la finance allait enfanter un monde injuste et tyrannique, un monde qu'il a voulu empêcher de naître."
Plus prés de nous, Karl Polanyi dans "La grande transformation" explicitait aussi le glissement des modes de pensées vers le contrôle du social par l'économie et comment y remédier.
"Ce ne sont pas les informations qui nous font défaut" écrivait le penseur suédois Sven Linqvist en 1992, "Ce qui nous manque, c'est la courage de comprendre ce que nous savons et d'en tirer les conséquences."