« Bin pourquoi ?»
« Parce que c'est la Révolution »
« Ton grand débat national et ta lettre, c'est du grand n'importe quoi. Une vraie entourloupe ! Une sorte de centralisme démocratique...»
« Non, mes conseillers en communication m'ont dit que... »
« Ils retardent de plusieurs mobilisations, plus personne ne gobe tes éléments de langage. Ras le bol de la novlangue ! »
« Pourtant... »
« Écoute Manu, hormis ton dernier cercle de fanatiques, plus personne ne marche dans la combine. Crois-tu que le peuple n'a pas compris ton escroquerie ? »
« Je suis Le président... »
« Oui mais élu par moins de 15% du corps électoral. Ne la ramène pas encore. Tu dois être à l'écoute. »
« C'est-à-dire que... »
« C'est-à-dire que les gilets jaunes ne t'ont pas attendu pour débattre. Et, ils placent au centre la question sociale : augmentation du smic, des minima sociaux et du point d'indice, la fiscalité bien trop peu redistributive et très injuste, les services publics devenus exsangues. Et aussi la question démocratique avec l'exigence du référendum d'initiative populaire. »
« Non, non... »
« Si, si ! La laïcité et l'immigration sont marginaux dans les assemblées de gilets jaunes. Ça fait 30 ans que tes amis du cac40 les imposent dans leurs torchons pour permettre à la famille Le Pen de figurer au 2ème tour... Tu pensais être original en les balançant dans ta lettre ? »
« Non, mais... »
« Tsss, tssss, ça ne marche plus ! La ficelle du castor est trop grosse. Sur les ronds-points, ils savent que la famille Le Pen est opposée à l'augmentation du smic et à un juste partage du gâteau. »
« J'ai fait barrage à... »
« Stop, toi-même n'y crois pas. Ta lettre démontre que tu comptes sur Le Pen pour remporter la prochaine élection, c'est pour cette raison que tu parles d'immigration et de laïcité ou que Bfmtv de ton ami Draghi a tressé des louanges au rassemblement national. »
« Mince... »
« Tu vas devoir faire preuve d'agilité et d'innovation... »
« Je ne cesse de le dire ! »
« Ça signifie entre autres que tu vas devoir briser les tabous et les totems ! »
« Exactement, c'est dans tous mes discours ! »
« Tu vas devoir faire ta propre révolution en faisant de vraies réformes... »
« J'adhère à 200 % ! »
« Attends Manu. Quand je dis vraies réformes, casser les totems, briser les tabous... »
«OUI, oui, oui... »
« Tu vas devoir mener une politique économique et sociale diamétralement opposée à celle de tes prédécesseurs. »
« Heu... »
« Briser le totem du ruissellement et de la concurrence libre et non faussée. »
« Mais...»
« Passer outre le tabou du coût du capital. »
« Mais... »
« Tu dois te mettre au service du peuple sans tenter de le diviser avec l'immigration et la laïcité en espérant qu'une partie ira chez les fachos et les autres dans l'abstention pour te laisser la voie libre. »
« Heu... »
«Qu'est-ce que tu crois, Manu ? La Révolution n'est pas un de ces dîners de gala où tes Benalla et autres militants ramassent les chèques de 7000 euros entre le dessert et le digestif. »
« Heu, j'ai le sens de l'effort... »
« Tant mieux, va falloir mettre le bleu de chauffe ou le gilet jaune... »
« La République... »
« La République appartient au peuple et tu dois devenir son serviteur, humble et dévoué. »
« Heu... »
« Bref, tu vas devoir rétablir l'ISF, créer une fiscalité vraiment redistributive et juste socialement, revenir à la retraite à taux plein à 60 ans, réduire la durée légale du temps de travail, en finir avec le vrai assistanat du CICE pour les entreprises du CAC 40 et des niches fiscales pour l'oligarchie, interdire aux oligarques de la finance et de l'industrie de posséder des médias, mettre fin au néocolonialisme sous-couvert de traités de libre-échange en instaurant à la fois une vraie coopération internationale et le protectionnisme social et écologique, refonder la sécurité sociale pour la gratuité des soins, arrêter l'application des traités austéritaires, arrêter le dumping social et environnemental... »
« Mais mon programme ? »
« Arrête la langue de bois, ta politique anti migrants et immigrés qui est saluée publiquement par l'extrême droite, elle était dans ton programme de campagne ? »
« Non, mais... »
« C'est bien ce que je dis. Tu appliques à la lettre la feuille de route des technocrates de Bruxelles : une bonne dose de fascisme pour faire passer le bouillon ultralibéral ! »
« Je conteste... »
« Regarde l'Italie, la montée de l'extrême droite en Allemagne, la Pologne, la Hongrie où Orban impose une législation du travail plus antisociale que la tienne. »
« Heu... »
« La répression avec les arrestations arbitraires, les manifestants estropiés à vie et les condamnés par une justice expéditive n'est pas une solution. »
« L'ordre... »
« Justement, il n'y a pas d'ordre sans justice sociale, alors soit tu détruis tes tabous et tes totems pour servir l'intérêt général, soit tu démissionnes ou tu dissous l'assemblée nationale. Et, le reste n'est qu'enfumage ! »
Commentaires
«Sous un gouvernement qui emprisonne injustement, la place de l’homme juste est aussi en prison.» (La désobéissance civile, Henry David Thoreau)
40 ans d'usine et face aux patrons je n'ai connu que des débats inutiles et des dialogues de sourds...sauf quand le rapport de force était en faveur des ouvriers. Mais au cours des 20 dernières années, le patronat a mis en place des stratégies de contournement efficaces avec l'assentiment de l'Etat.