droite - gauche : petits meurtres entre amis

un léger décalage...

Billet

La campagne officielle commence à peine avec 12 candidats, soit un peu moins qu'en 2002. Avant, le dépôt officiel des signatures de parrainage, au nom de la démocratie, les candidats dits petits se répandaient dans les médias en dénonçant les soi-disantes pressions des partis parlementaires sur les élus locaux afin qu'ils n'aient pas la possibilité de se présenter au premier tour de cette élection présidentielle.

Mais, est-ce que le plus grand nombre de candidats à une présidentielle est un signe de bonne santé de la démocratie, ou encore, est-ce qu'un nombre important de candidats signifie de facto un bon fonctionnement de la démocratie ? La seule donnée fiable pour mesurer la confiance des citoyen(ne)s vis-à-vis du système politique et des partis politiques qui l'animent est l'abstention.

Depuis 1969, le phénomène abstentionniste ne cesse de croître.

en % 1965 1969 1974 1981 1988 1995 2002
1er Tour 15,2 22,4 15,8 18,9 18,6 21,6 28,4
2nd Tour 15,7 31,1 12,7 14,1 15,9 20,3 20,3



L'abondance de candidats n'est donc pas une garantie du bon fonctionnement de la démocratie. Elle brouille même les messages des uns et des autres et donne l'impression que chaque parti veut une part du "gâteau". L'élection présidentielle est le seul moment de la vie démocratique du pays qui permet à toutes les organisations politiques, au moins celles qui ont un candidat, de présenter au plan national leurs idées devant les citoyen(ne)s, tout simplement parce que les assemblées parlementaires représentent très imparfaitement la carte politique. Cette abondance est dû à un dysfonctionnement de la démocratie dans la République.

Elle tend à prouver aussi que tous les partis politiques, des plus grands aux groupuscules, font passer leurs intérêts particuliers avant ceux des citoyen(ne)s. Si on s'arrête à la gauche, la situation est frappante. D'un côté, nous avons la gauche à vocation gouvernementale représentée par le PS et sa candidate Ségolène Royal, et les Verts de Dominique Voynet, et de l'autre la gauche tribunicienne éclatée en diverses chapelles...

Cette gauche anti-libérale et sociale (LO, LCR, PCF, PCI) représentait près de 15 % des voix au soir du 21 avril 2002. La campagne contre la Constitution Européenne, où elle se présenta unie, a conforté sa capacité de peser sur le débat politique. Ensuite, malgré les divers comités unitaires, le poids et la logique boutiquière des appareils politiques de ces groupuscules a repris le dessus. Les logiques particulières ont primé et la privent de peser en vue de négociations avec la représentante du PS. Chacun présente donc son candidat : éparpillement des voix garanti qui rend inutile un vote pour un de ces 5 candidats... Face à la menace d'exclusion de la gauche au 2d tour, le vote de témoignage pour ces 5 candidats équivaut à une abstention.

A droite, trois partis en présence : l'UMP de Nicolas Sarkozy, l'UDF de François Bayrou et le FN de Jean-Marie Le Pen. Malgré les tentatives du candidat de l'UDF de jouer au "ni gauche-ni droite" et de se présenter comme un indépendant, sa présence tend à prouver qu'un rééquilibrage des forces s'opère sans doute à droite. Sarkozy rééditera-t'il les 19,88 % de Chirac et Bayrou 2007 doublera-t'il au-moins son score de 2002 ? L'incertitude domine. Et Le Pen ? Le candidat du FN mène une campagne tranquille, d'autant plus que l'un (le ministre de l'intérieur) valide ses thèses (amalgames entre identité nationale, immigration et insécurité), tandis que l'autre (Bayrou) se présente en candidat anti-système, ce qui est étonnant pour un ancien ministre des gouvernements de droite... Malgré les sondages et la candidature de Philippe De Villiers (MPF) et de Frédéric Nihous (CPNT), tout laisse à penser que Le Pen fera au moins les 16,86 % du 21 avril 2002... Mais sera-t'il présent au 2d tour ?

Dans ce contexte, il s'agit pour chaque candidat, à droite comme à gauche, de rassembler le plus de voix en prouvant qu'il ou elle est le/la meilleur(e) représentant(e) de son camp. A priori, Sarkozy et Le Pen semblent favoris pour représenter la droite au soir du 1er tour. L'incertitude concerne surtout la gauche . Parviendra-t'elle à être présente au second tour ? Est-ce que les voix de Chevènement (5,33%) et de Taubira (2,32%) qui soutiennent la candidate du PS permettront d'éviter un second naufrage ? Est-ce que les 5 candidats de la gauche de la gauche payeront leurs divisions et verront leurs potentiels électeurs rejoindre Ségolène Royal dès le 1er tour ?

La présence de la gauche au 2d tour est essentielle pour guérir cette démocratie. D'une part, pour éviter de revivre ce non-choix de 2002 entre la droite classique et la droite extrème, et pour qu'un véritable débat puisse mobiliser les citoyen(ne)s. D'autre part, pour sanctionner les petits candidats qui pensent davantage à leurs organisations politiques qu'aux idées qu'ils sont sensés défendre. Enfin, parce qu'une gauche présente au 2d tour peut l'emporter et engager un véritable changement, notamment au niveau des institutions, en instillant une dose de proportionnelle afin que tous les courants politiques puissent être représentés au Parlement et entendus... Et d'autres raisons encore...