le rapport Marini très orienté pour manipuler l'opinion publique sur l'I.S.F et les impôts

un léger décalage...

Billet

impot.jpgEn politique, les choses arrivent naturellement ou presque. Vous avez un problème ? Vous voulez faire bouger les lignes ?

Demandez un rapport sur n'importe quel sujet, faites-le présenter par quelqu'un capable d'interpréter à votre sauce les données. Votre homme passera pour un expert en la matière et sa parole vaudra parole d'Evangile ! Il ne lui restera plus qu'à présenter ses conclusions, rapport à l'appui, aux médias amis afin qu'il relayent la bonne parole et terminent le travail.

Celui qui osera contester ce document, ayant quasiment valeur scientifique, passera de facto pour un obscurantiste ou un idéologue rétrograde...

Bref, la machine sera lancée. Il n'y aura plus qu'à attendre. Un cas d'école !

Entendez-vous déjà dans les rédactions les conclusions hâtives sur le rapport relatif à l'ISF et aux délocalisations fiscales ?

Mardi matin sur France Inter, le sieur Sylvestre ouvre le bal des néo-libéraux en présentant le rapport Marini. La charge est lancée de très loin contre l'ISF et les impôts en général. Il parle d'hypocrisie, d'inefficacité, de nécessité de le supprimer, de pertes Kolossales !

C'est ensuite au tour du Figaro qui n'hésite pas à titrer :

ISF : 2,8 milliards d'euros délocalisés en 2006 .

La suite est à l'avenant :

Les «évadés» fiscaux de 2006 ont 54 ans en moyenne et ont emporté avec eux 2,8 milliards d'euros de capitaux au total. (...) Ces départs représentent au bas mot 18,6 milliards d'euros de base imposable.

Le Figaro s'interroge pour donner une once d'objectivité à son article :

Les mesures votées à l'été 2007 dans le cadre de la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat vont-elles infléchir la tendance ?

La réponse se trouve dans la bouche du rapporteur, sénateur UMP (appartenance non signalée dans l'article...) :

Philippe Marini semble convaincu que les départs se poursuivront au même rythme dans les années à venir.

Monsieur Marini a également des dons de voyance... Après ce double constat, la réponse est... Est oui :

Le gouvernement doit aller plus loin sur l'ISF. (...) D'autant que tous les pays européens ont les uns après les autres tiré les conséquences de cet impôt en le supprimant purement et simplement.

Le Point joue également au petit télégraphiste en annonçant la couleur :

En 2006, 843 redevables de l'impôt sur la fortune (ISF), soit 200 de plus qu'en 2005, se sont exilés à l'étranger...

La patrie est en danger si on en croit Marini :

Ces personnes sont une vraie perte pour l'économie puisqu'elles ont à la fois l'expérience et le capital pour entreprendre ailleurs.

Sachant que notre omniprésident est hostile à sa suppression, notre parlementaire préconise de lever le seuil d'imposition pour baisser le nombre de contribuables ISF :

Nous avons besoin de personnes aisées sur notre territoire pour investir, créer des emplois, de la richesse et pour, au final, payer des impôts.

Il aurait pu reprendre le traditionnel refrain selon lequel "trop d'impôts tue l'impôt"...

La messe est dite. Sauf qu'à l'Express, on reprend, sans doute pour les sourds et les aveugles, in extenso ce qui déjà été dit ailleurs :

Le cumul des bases imposables délocalisées depuis 1997 se chiffrerait à 18,6 milliards d'euros. Pour l'année 2006, le manque à gagner pour le fisc serait d'environ 150 millions d'euros.

Dans ce concours, la palme revient à Valeurs actuelles. Le titre est on ne peut plus explicite :

L'ISF est toujours là ! Jusqu'à quand cet impôt idiot ?

L'introduction n'est pas en reste :

Supprimé partout en Europe, y compris par la gauche, il résiste en France, malgré trois victoires consécutives de la droite à la présidentielle. Il frappe plus d’un demi-million de familles.

Valeurs actuelles est un mag bien à droite qui ne s'embarrasse de formules diplomatiques comme le prouve cet extrait :

Cet impôt, économiquement injustifiable du fait de sa superposition avec d’autres prélèvements est aussi psychologiquement insupportable par son caractère d’intrusion dans la vie privée. La déclaration qui contraint le contribuable à ouvrir ses tiroirs au fisc pour dénombrer ses petites cuillères en vermeil et à déclarer la valeur de la bague de fiançailles, sauf à opter pour un forfait arbitraire et pénalisant puisque la valeur des meubles est censée croître à due proportion de l’immobilier et de la Bourse, revêt un caractère vexatoire.

Les mots soulignés sont de notre propre initiative... A chacun de juger.

Ces quelques extraits montrent comment les médias favorables à la droite, et la droite elle-même, commencent à préparer l'opinion pour d'abord rendre l'ISF inutile en le réformant et ensuite, l'abroger... Nous n'avons point vu la TV, mais le ton des reportages devait être similaire à cette prose anti ISF...

C'est ainsi qu'on prépare le terrain à des mesures qui contribueront au bonheur fiscal de quelques ménages... Il suffit de prendre 3 ou 4 chiffres en omettant le reste, de les marteler, les commenter...

Or, la lecture du rapport qui a été faite par les précités est spécieuse, voire très orientée malhonnête.

Il faut prendre la peine de lire le rapport Marini.

On constate que la situation est moins simpliste simple que ce qui a été précédemment dit.

Ainsi, même si notre parlementaire de droite a peut-être ôté quelques données gênantes pour formuler sa thèse, on apprend tout de même que cet impôt n'est pas si inefficace que ça :

  • le nombre de contribuables a plus que triplé en 10 ans (page 12),
  • le produit de l'ISF à doublé de 2002 à 2006 (page 13),
  • l'ISF ne pèse guère sur l'immobilier (page 15) contrairement à ce qu'on entend régulièrement ( c'est l'exemple du paysan de l'Ile de Ré, si souvent utilisé).

Nous regrettons dans ce bilan que n'apparaissent pas deux données pourtant aussi importantes que les évadés fiscaux :

  • les évadés fiscaux qui reviennent vivre en France.
  • les étrangers qui ont fait le choix de la France malgré l'ISF.

Il n'y a rien sur ces deux données, pourtant essentielles. Nous aurons du mal à croire que c'est inopiné...

On nous présente donc un rapport sur l'ISF qui ressemble à un bilan comptable, à la seule différence près qu'il ne présente que les sorties. Or, tout bilan comptable présente les sorties mais aussi les entrées... Dès le départ, le rapport est donc faussé.

La ficelle utilisée par Marini est grosse, très grosse : ENORME. Mais, ça marche... La machine anti ISF et contre les impôts est repartie de plus belle.

Commentaires

1. Le mardi 20 mai 2008, 23:08 par Rébus

Et bientôt les nouveaux allègements "des mesures courageuses" nous annoncera-t-on

2. Le mardi 20 mai 2008, 23:12 par pas perdus

Avec l'actuel pouvoir, en entendant "courageuses" il faut comprendre "clientélistes"...

3. Le mercredi 21 mai 2008, 07:02 par Impots-utiles

Sans compter les émissions à ce sujet notamment celle sur TF1 (http://www.tvblabla.net/evasion-fis...) Super article sur votre blog. Peut-on le reprendre sur www.impots-utiles.com ?

4. Le mercredi 21 mai 2008, 07:06 par patrick

c'est quoi cette culpabilité qu'il faudrait avoir?

mes parents disposent d'une retraite de X euros.
le prix du séjour de mon père en maison de retraite est de X euros
la soustraction est simple : il reste (X-X)= 0 euro pour maman pour vivre.
mes parents ont travaillé jusqu'au jour de leur retraite.
leur seule évasion fiscale, un peu de légumes vendus au noir à la voisine.

il y a ne profonde immoralité dans le discours politique. pire, il est insultant. mais maman, heureusement, n'écoute plus tout ça; elle se demande si elle pourra s'acheter quelques tomates.

dimanche, je me suis fait insulté en prenant dans le rayon quelques tomates, justement "Putain, faut vraiment être un bourge pour se bouffer des tomates, maintenant".

5. Le mercredi 21 mai 2008, 10:20 par pas perdus

Merci.

Bien entendu, vous pouvez le reprendre.

6. Le mercredi 21 mai 2008, 12:06 par Denis Castel

Tu as d'autant plus raison de dénoncer cette vision parcellaire, partielle et partiale qu'il faut mettre cet aspect ISF en relation avec 2 autres éléments :

1/ la législation actuelle prévoit une durée maximum de séjour en France pour ces expatriés fiscaux de 182 jours maximum (http://www.deniscastel.fr/index.php...)
Il leur est donc facile de se domicilier à l'étranger sans trop de déchirement.

2/ Pourtant, ils bénéficient déjà de niches fiscales qui leur permet de réduire significativement leur impôt sur le revenu.

Et quelques remarques pour alimenter le débat :

  • il faudrait quand même aussi parler de ceux qui pourraient facilement partir mais ne le font par esprit de citoyenneté (Djamel par exemple)
  • il est regrettable que les gouvernements européens n'aient pas su s'entendre sur l'harmonisation fiscale et aient mis quand même en place dès 1990 la libre circulation des capitaux
  • Peut-il y avoir pire Tartuffe que nos dirigeants politiques ?
7. Le mercredi 21 mai 2008, 12:14 par Denis Castel

Tu as d'autant plus raison de dénoncer cette vision parcellaire, partielle et partiale qu'il faut faire le lien avec les 2 éléments suivants :

1/ la législation actuelle prévoit pour les expatriés fiscaux une durée maximum de 182 jours pour séjourner en France (http://www.deniscastel.fr/index.php...)
Ils peuvent donc partir sans trop de déchirements

2/ Ils bénéficient pourtant de niches fiscales qui leur permettent de réduire significativement leur impôt sur le revene

Et quelques remarques pour alimenter le débat :

  • il faudrait aussi mentionner ceux qui pourraient facilement partir mais ne le font pas par esprit de citoyenneté (Djamel ?)
  • il est regrettable que les pays européens aient mis en place dès 1990 la libre circulation des capitaux sans s'entendre sur l'harmonisation fiscale
  • tous les pays ne font pas preuve du même laxisme avec les contribuables les plus aisés, Cf. Suisse et USA
  • Y-t-il pire Tartuffe que nos dirigeants politiques ?
8. Le mercredi 21 mai 2008, 15:37 par pas perdus

@Patrick : on tombe dans une certaine relativité avec ton témoignage... qui a un lieu avec ces évadés qui ne sont pas solidaires des autres.

@Denis : Merci pour tes précisions, j'apprécie d'autant plus que je ne suis pas fiscaliste.