la Californication de Terminator

un léger décalage...

Billet

Quel Etat ne rêverait pas de compter sur son sol DreamWorks, Walt Disney, Google, Facebook, Apple, Hollywood ou la Silicon Valley ?

Les plus grands "monstres" de l'industrie et des services, synonymes de domination technologique et commerciale, de profits astronomiques, de richesses et d'emplois ...

A ce tableau idyllique, ajoutons que la Californie produit 10 % de la richesse américaine et serait la huitième économie du monde si elle était indépendante.

californication.jpg

Et pourtant...

L'Etat californien est au bord du dépôt de bilan. La vraie faillite, pas celle annoncée par un Fillon en 2007 en bon adepte de la secte des déclinologues de Nicolas Bazire, l'ancien chef de cab' de Balladur...

En effet, la Californie n'est plus en mesure de rembourser ses dettes, ni de payer les traitements de ses rares fonctionnaires... alors qu'elle concentre une industrie florissante et une population de milliardaires... Son déficit budgétaire représente 15% du Produit intérieur brut (PIB) américain.

Victime de l'éclatement de la bulle internet ou d'une entreprise comme Enron dans les années 90, la Californie est également l'Etat le plus touché par la crise des subprimes et le ralentissement économique.

DES MEDIAS DOMINANTS AU SERVICE DU NÉO-LIBÉRALISME

En France, les médias qui assurent avec zèle le service après-vente de la mondialisation néo-libérale ne peuvent plus masquer les difficultés de l'Etat californien.

Le Parisien indique que :

"la Californie compte près de 11,6 % de chômeurs, avec plus de 65 000 emplois perdus chaque mois."

De son côté le Figaro informe que :

"La dégradation des finances de l'Etat avait conduit M. Schwarzenegger à appliquer des mesures d'urgence, en taillant notamment dans l'éducation et les programmes sociaux."

En général, les médias dominants hésitent entre euphémisme et silence, se gardant bien de tirer les leçons d'une telle faillite.

Même le poussiéreux hebdomadaire de la deuxième gauche du radoteur rapporteur sarkozyste Michel Rocard ne propose pas la moindre analyse, même embryonnaire, des causes et conséquences de la politique néo-libérale :

"Le plan de compromis (...) élimine près de 60% du déficit via des réductions de dépenses drastiques dans des services publics fondamentaux comme l'éducation, les parcs de l'Etat ou les prisons"

Idem même si le quotidien de référence va un chouïa plus loin en décrivant l'impact réel des dernières mesures prise par le gouverneur Arnold Schwarzenegger :

"les tribunaux (...) ont fermé (comme désormais chaque troisième mercredi du mois), et 93 % de leurs 5 560 employés ont été contraints de prendre une journée de congé sans solde. Ces deux semaines et demie de fermeture annuelle devraient permettre d'économiser 18 millions de dollars, soit 3,3 % du budget. Sur les 588 tribunaux du comté, 45 resteront ouverts pour répondre aux urgences : violences domestiques et crimes. (...) Jeudi 16 juillet, le conseil d'administration de l'Université de Californie, privé de 813 millions de dollars de fonds publics, a adopté, à l'unanimité moins une voix, un plan de congés sans solde affectant 140 000 professeurs et administrateurs, dont les salaires seront ainsi réduits de 4 % à 10 %."

C'est encore l'AFP qui diffuse le plus d'informations :

" La santé, notamment celle des plus pauvres, n'est pas épargnée. La couverture maladie publique, destinée aux personnes à faibles revenus, serait ainsi amputée de 1,3 milliard de dollars, et un programme qui permettait à 900.000 enfants de foyers pauvres de bénéficier d'une assurance santé verrait son budget abaissé de 124 millions de dollars."

Comme disait Coluche : Circulez, y' a rien à voir !

On le voit, les médias dominants ne délivrent qu'une information parcellaire qui se garde de tirer les leçons de vingt années de politique néo-libérale en Californie. Propriété des industriels, financés par la publicité, souvent proches du pouvoir, ils ne peuvent réellement informer en toute indépendance. L'échec du néo-libéralisme, c'est aussi celui de ces médias donneurs de leçons et de leurs créanciers...

L'ECHEC DU NEO-LIBÉRALISME PROFITE AUX RICHES ET... AU NÉO-LIBÉRALISME !

Les Californiens qui subissent depuis 20 ans la précarité de l'emploi, les inégalités croissantes de salaires (les écarts de salaires qui allaient de 1 à 40 ont bondi de 1 à 400), la défiscalisation et la destruction des systèmes de protection sociale et des services publics, seront encore une fois les premières victimes des dernières mesures de restriction budgétaire.

Inversement, les 10 % de la population qui possèdent 75% de la richesse américaine, et qui ont largement profité du néo-libéralisme, ont reçu des milliards de dollars d'aide de l'état fédéral pour sauver leurs investissements. De plus, ces privilégiés demeurent épargnés de toute hausse d'impôt puisque les électeurs californiens se sont prononcés par référendum contre toute augmentation d'impôts.

Ainsi, l'idéologie dominante néo-libérale a inoculé à l'ensemble de la population, même pauvre, le rejet viscéral des impôts... et le soutien d'une politique qui ne profite finalement qu'à une minorité sociale !

Paradoxalement, la crise actuelle résulte de l'injustice sociale qu'elle aggrave elle-même : "un cercle vicieux" comme diraient les néo-libéraux, qui profite à l'idéologie dominante néo-libérale !

Le gouverneur Terminator annonce un budget d'austérité drastique qui devrait réjouir nos plus éminents économistes néo-libéraux.

Tenez, en lisant Eric Le Boucher, le lecteur a l'impression que la Californie est un Etat quasiment socialiste en "tombant" sur des expressions comme "Etat social", Etat providence"... Ce zélé propagandiste laisse entendre qu'une bonne réforme néo-libérale sauvera la Californie !

LA CALIFORNICATION BIENTÔT EN FRANCE ?

Il y a peu, la Californie représentait pour une partie du monde politique et de l'intelligentsia français une sorte de modèle de la bonne gouvernance...

Hé oui, là-bas, depuis une bonne vingtaine d'années, sous des gouverneurs de gauche et de droite, les autorités politiques ne gouvernent plus : elles assurent la bonne gouvernance !

La bonne gouvernance, c'est quand le politique décide d'ôter à la puissance publique la plupart de ses moyens, de l'affaiblir en privatisant le maximum de secteurs d'activités et en réduisant de façon drastique impôts et services publics... Au bout de vingt ans, quand bien même a-t-il été Terminator dans une autre vie, l'actuel gouverneur est pratiquement impuissant.

La bonne gouvernance néo-libérale ne serait possible sans le travail de sape des laveurs de cerveaux de ces médias dominants qui assurent le service après-vente avec des idées dignes des bisounours... et des scénarios catastrophes.

Ce petit monde médiatique se repait de fausses confrontations mais au fond, ces médias traditionnels nous vendent le libre-échange heureux, la mondialisation qui profite par enchantement à tout le monde, la concurrence libre et entière qui réduit la pauvreté, le miracle économique et social des retraites par capitalisation, les fonds de pension forcément éthiques, les entreprises citoyennes, sans oublier la célèbre main invisible qui nous permet à toutes et tous, sur tous les continents de jouir sans entraves !

Les mêmes nous mettent en garde contre les dangers de la sécurité sociale, les risques mortifères des retraites par répartition, l'horreur de l'aide sociale, le cancer de l'assistanat, l'action tentaculaire et castratrice de l'Etat, les origines communistes du système social français...

De plus, ils emploient une novlangue qui masque la réalité... et n'hésitent pas à ostraciser leurs opposants (cf. le référendum sur la constitution de l'Union européenne ou le Traité de Lisbonne).

Tout ce petit monde a contribué à installer Nicolas Sarkozy au pouvoir. Depuis mai 2007, les "réformes" pleuvent. Malgré la crise, la France se met à l'heure néo-libérale, validant ainsi l'analyse de Naomi Klein dans la stratégie du choc, la montée d'un capitalisme du désastre

Sauf changement politique majeur, la France risque de se retrouver dans quelques années dans la même situation que la Californie...

Commentaires

1. Le vendredi 31 juillet 2009, 09:50 par Gael

c'est chouette ça ! il y a =plein de plages sympas en Californie !

2. Le vendredi 31 juillet 2009, 10:30 par Etiam Rides

Qu'est-ce que l'idéologie sinon l'horizon des possibles qu'on s'autorise? Exemple frappant en l'occurrence, dans cet Etat dont la richesse est employée à appauvrir le plus grand nombre.

3. Le vendredi 31 juillet 2009, 19:15 par pas perdus

GAEL : je crois qu'il n'y a plus de sable en Californie ! Ils ont tout vendu ;)

ETIAM : belle formule

4. Le samedi 1 août 2009, 18:28 par Rébus

Joli décryptage du paradis libéral.
Comme tu le soulignes, nos médias ont tendance à attribuer la faillite californienne au peu de social et d'écologie introduit par les divers gouverneurs successifs et oublient le principal fautif, qui ne paiera d'ailleurs pas les pots cassés, le darwinisme économique en cours depuis Reagan, lui même ex gouv de Californie

5. Le dimanche 2 août 2009, 07:10 par pas perdus

Rébus, c'est bien vu... C'est vrai quoi l'écologie, une dépense superfétatoire !